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Marocaines d’ici et d’ailleurs : la discrimination à l’emploi est antérieure à la crise

Entretien avec Driss El Yazami, président du CCME

Rédigé par pouf.badaboum@gmail.com | Mercredi 30 Décembre 2009 à 00:30

           

Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) vient de tenir à Marrakech (18-19 décembre) ses deuxièmes rencontres « Marocaines d’ici et d’ailleurs ». La migration féminine prend de plus en plus de l’ampleur avec près de 50 % de la population migrante. Elle est qualifiée et aura sans doute ses effets d’entraînement sur l’évolution de la mentalité dans la société marocaine.
Driss El Yazami, président du CCME, explique les enjeux d’une rencontre qui présente pour la première fois des chiffres. Ses conclusions seront reprises dans le rapport stratégique du CCME.



Marocaines d’ici et d’ailleurs : la discrimination à l’emploi est antérieure à la crise

L’Economiste : Faire rencontrer les Marocaines d’ici et d’ailleurs est une consécration de la femme migrante…?

Driss El Yazami : Bien plus. Ce qui distingue la qualité de ce colloque est cet état des lieux chiffré et scientifique présenté pour la première fois sur la migration féminine, doublé d’une approche comparative avec la situation des communautés mexicaine et des Philippines.

Justement, quels sont leurs traits communs?

Le phénomène de la féminisation de la migration est international. Aux Philippines, 65% des migrants sont des femmes. Au Maroc, on en est à plus de 45%. Et cette migration touche toutes les régions et toutes les couches sociales. Il ne faut pas oublier non plus la concurrence internationale et agressive pour la captation des élites de haut niveau.
Rien qu’au Maroc, ils sont 5.000 Marocains à émigrer chaque année aux USA, plus de 18.000 à signer des contrats annuellement pour l’Espagne. Le Québec aussi est très agressif. On s’attend à une pénurie mondiale dans le secteur de la santé. Seront fortement demandées les infirmières, les sages femmes. C’est dire que la politique d’émigration a de beaux jours devant elle et devient de plus en plus structurelle.
Mais le plus important à mes yeux, est que la migration féminine devient un signe d’autonomie de la femme. C’est une révolution douce qui aura certainement des répercussions sur l’évolution de la société marocaine.

N’empêche qu’il existe beaucoup de verrous à faire sauter comme les préjugés et les clichés concernant les femmes migrantes.

C’est justement une occasion pour les dépasser. Une occasion extraordinaire pour multiplier les partenariats entre femmes d’ici et d’ailleurs. Lorsqu’un atelier réunit des parlementaires marocains et les Marocaines engagées politiquement dans les pays d’accueil, c’est une occasion d’échanger et changer les idées préconçues.
Les femmes d’ailleurs manquent d’information sur l’évolution des mentalités au Maroc, sur l’évolution du code de la famille… Celles d’ici se font de fausses idées sur la population migrante. Sans oublier les centaines d’ONG qui participent à ces rencontres. Des occasions offertes pour pousser le networking et tisser un véritable réseautage en mettant en contact les femmes marocaines à l’étranger et celles installées au Maroc opérant dans les domaines politique et associatif. Il est alors impossible de sortir les mains vides de ces rencontres.

Les jeunes migrantes dans des réseaux de prostitution n’est plus un tabou. Avez-nous des chiffres ?

Je m’élève d’abord contre cette idée qui stigmatise toutes les femmes émigrées dans les pays du Golfe. Je connais beaucoup de migrantes dans ces pays et qui opèrent dans les milieux d’affaires, sont présidentes d’ONG… De nouveau, ce sont des clichés qui ne servent ni la femme, ni la population migrante (ndlr : en 2008, la population migrante dans les pays arabes était estimée à quelque 281 000 personnes)
Bien sûr, le phénomène de femmes émigrantes avec un statut d’artiste et captées dans des réseaux de prostitution, malgré elles parfois, existe. Prend-il de l’ampleur? Aucune idée, car nous n’avons pas encore de chiffres exacts. On sait sans preuve que la migration des femmes qualifiées professionnellement est beaucoup plus importante. C’est pour cela que le CCME va lancer une étude qui fera participer aussi bien chercheurs marocains qu’étrangers en partenariat entre le public et le privé. Sans une connaissance rigoureuse de la population migrante au féminin dans les pays arabes, on ne peut prétendre cerner le phénomène.

En termes d’emploi, il est admis aujourd’hui que les femmes et davantage les migrantes sont plus touchées par la crise économique ?

D’abord, je voudrais préciser une chose. Le CCME est une institution consultative qui existe pour produire des rapports stratégiques. Il prospecte, étudie et travaille sur le phénomène migratoire et ne se substitut d’aucune manière à d’autres institutions. Concernant l’emploi, il est vrai que les populations migrantes en Espagne par exemple ont ressenti à des degrés différents les effets de la crise économique, et nous sommes en train de finaliser une étude sur les effets de la crise sur la communauté d’Espagne. Il faut toutefois reconnaître que certaines discriminations à l’emploi sont plus antérieures. Les jeunes générations dont beaucoup de femmes, et bien que culturellement intégrées dans les pays d’accueil, sont socialement victimes de discrimination à travers des processus invisibles parfois. Il suffit d’être issu de tel ou tel quartier pour susciter un phénomène de rejet.
Les populations migrantes n’ont pas d’autre choix que de s’impliquer activement dans les politiques de lutte contre toutes sortes de discrimination, pour défendre leurs droits.
Et les espaces pour faire porter les voix dans ces Etats de droit existent. Il faut les investir.

Propos recueillis par Badra BERRISSOULE

Source : www.leconomiste.com




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