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Société

Lutte contre la précarité et l'exclusion : le quinquennat mitigé de Hollande

#IdéesPourLaFrance

Rédigé par Imane Youssfi | Mercredi 19 Avril 2017 à 14:50

           

La campagne électorale autour de la présidentielle a laissé un certain nombre de sujets sur le bas côté. La précarité, la pauvreté et l’exclusion en font partie. François Soulage, président du collectif Alerte qui fédère des dizaines d'associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et Claire Hédon, présidente d'ATD Quart Monde font le bilan du quinquennat en la matière.



Lutte contre la précarité et l'exclusion : le quinquennat mitigé de Hollande
En France, plus de 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Un chiffre alarmant à peine soulevé lors des débats présidentiels. Des mouvements ont tenté de remettre cette thématique sur les devants de l’actualité, à travers des initiatives comme l'Autre campagne lancée en janvier et l’Appel des solidarités initié par Nicolas Hulot et quelque 80 associations dont la Fondation Abbé Pierre qui a lancé début son plan « Zéro SDF ». Cette campagne, destinée aux candidats à l’élection présidentielle, met en exergue six mesures pour réduire le nombre de personnes dormant dans les rues d'ici à cinq ans dans les grandes villes et à dix ans dans les petites et moyennes villes.

Quelques points positifs ces dernières années

Le bilan de François Hollande n’est pas si noir pour Claire Hédon, présidente d'ATD Quart Monde, et François Soulage, président du collectif Alerte, tous deux reconnaissant des avancées qui méritent d’être soulignées.

Pour François Soulage, elles concernent essentiellement « l’augmentation des revenus minimaux » du genre « RSA, allocation travailleurs handicapés, CMU, aide complémentaire santé, prime d’activité qui remplace le RSA activité et la prime pôle emploi, lancement garantie jeune ». Claire Hedon évoque aussi des mesures phares telle que la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée votée pendant ce quinquennat et la reconnaissance de la précarité sociale comme critère de discrimination. « Il est clair que ça ne va pas changer la vie des plus pauvres du jour au lendemain. Mais reconnaître qu’ils sont discriminés à cause de leur pauvreté, c’est tout de même un pas en avant. Cela nous permet de faire des campagnes d’information sur la réalité de cette discrimination ».

Ces petites avancées restent l’arbre qui cache la forêt et « ne compensent pas totalement, de notre point de vue, les points négatifs en matière de logement et d’emploi », estime François Soulage.

Sortir de la politique de l'hébergement d'urgence

La fameuse inversion de la courbe du chômage, tant promise par François Hollande au début du quinquennat, n'a pas eu lieu. La situation a même empiré pour François Soulage : « Il y a eu une certaine embellie ces derniers mois mais globalement, l’accès à l'emploi ne s’est pas amélioré. Notre insatisfaction porte sur l’absence de mesures fortes pour réduire le chômage de longue durée. »

Autre déception, la pauvreté. Selon l’Observatoire des inégalités dont le travail est souligné par le président du collectif Alerte, la France compte, entre 2004 à 2014, 950 000 personnes pauvres supplémentaires au seuil de pauvreté à 50 % et 1,2 million de plus au seuil à 60 %, selon le dernier rapport daté de décembre 2016.

« Je trouve qu’on n’a pas assez avancé sur la question du logement. Il n'y a pas encore assez de construction de logements très sociaux et surtout de logements abordables aux plus pauvres », indique Claire Hedon, qui rappelle la difficulté de se loger décemment aujourd’hui.

François Soulage, dont le collectif a été reçu à Matignon le 21 mars pour présenter au Premier ministre leur bilan du plan national de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale instauré depuis 2012, estime lui aussi, de son point de vue, que l'insuffisance de logements sociaux empêche les personnes en hébergement d'urgence d'en sortir. « On accroît sans arrêt les places d’hébergement d'urgence pour permettre de faire face à l’afflux des réfugiés et des sans-abris, mais cela se fait au détriment de la politique du logement elle-même », indique-t-il. « Du coup, des personnes placées dans les centres d’hébergement sont en concurrence avec d’autres personnes qui demandent un logement social. C’est un élément qui fait qu’on entend des "Y’en a que pour eux, y’en a pas pour nous" de la part de personnes qui attendent un logement depuis très longtemps. »

Privillégier la proximité et lutter contre les préjugés

Comment régler ces dysfonctionnements ? Claire Hedon indique qu’il faut déjà faire appliquer les lois existantes : « On a un arsenal législatif suffisant mais la réalité du quotidien, c’est que les gens peinent à accéder à leur droit au logement, à l’éducation, à la santé, au travail… Aujourd’hui, il va falloir prendre les politiques de lutte contre la pauvreté dans leur globalité. Tant qu’on ne les prend pas dans l’ensemble, on n’y arrivera pas. »

ATD a ainsi publié une série de propositions concrètes à l'occasion de la présidentielle, de même qu'un argumentaire pour appuyer ces mesures qui garantissent, entre autres à chacun des moyens convenables d’existence permettant de vivre et de se loger dignement.

François Soulage propose, quant à lui, des solutions ciblées pour le logement et l’emploi. Concernant l’habitat, il prône « la relance de logements très sociaux dont le montant du loyer sera éligible à l’Aide personnalisée au logement (APL) ». Pour l’emploi, il préconise pour les personnes les plus en difficulté un tryptique « revenu minimum garanti - accompagnement effectif - politique d’emploi renforcée » afin que les chômeurs de longue durée, entre autres, puissent « retrouver progressivement le chemin vers l’emploi ».

Au-delà des statistiques, les personnes en situation de précarité et d’exclusion souffrent aussi des préjugés. En janvier, 25 ONG se sont réunies autour de la publication du livre Chômage, précarité : halte aux idées reçues ! aux Editions de l’Atelier. Le collectif publie régulièrement une série de vidéos publiées sur Youtube pour dénoncer et démonter un à un les clichés sur la pauvreté que subissent les personnes au quotidien.

En parallèle, ATD Quart Monde a sorti, en avril, la bande dessinée La bibliothèque, c’est ma maison, et autres histoires (Ed. Quart Monde) qui content 10 histoires déconstruisant chacune un préjugé sur les personnes en précarité. Pour Claire Hedon, il est nécessaire de s'appuyer sur les besoins et les expériences des personnes en situation d'exclusion : « Vous pouvez toujours mettre en place des politiques et des actions de lutte contre la pauvreté. Mais si elles ne sont pas basées sur les besoins des personnes concernées, elles ne sont pas efficaces ».

Le revenu universel d’existence, une bonne idée ?

Sans reprendre le concept de revenu universel, le collectif Alerte milite pour un revenu minimum décent de 750 euros par mois ouvertes aux personnes de plus de 18 ans sous conditions de ressources. Mais qu'est-ce que le revenu universel d’existence (RUE) ?

Mesure phare du projet présidentiel de Benoît Hamon pour lutter contre la précarité, cette allocation, selon la dernière version du projet, serait versé à hauteur de 600 euros de manière automatique et inconditionnelle à 19 millions de personnes, dont l'âge oscille entre celle de la majorité et celle de la retraite. Sont éligibles au RUE les personnes dont les revenus sont inférieurs à 1,9 fois le salaire minimum mensuel (Smic), soit 2 185 euros net. Une mesure forte mais qui a divisé la gauche, jusque dans les rangs des socialistes.





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