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Economie

La nécessaire mutation du tourisme vers un modèle durable et éco-responsable

Rédigé par | Mercredi 24 Juillet 2019 à 13:45

           

Les acteurs du tourisme, y compris ceux du secteur muslim-friendly, doivent inscrire le développement durable au cœur de leurs préoccupations. La préservation de l’environnement est, en effet, devenue un enjeu international majeur pour espérer assurer un avenir durable à nos sociétés contemporaines. Un enjeu dont l’industrie du tourisme, génératrice de pollution, prend conscience. Du moins dans les discours et c’est loin d’être suffisant.



La nécessaire mutation du tourisme vers un modèle durable et éco-responsable
Allier tourisme et éco-responsabilité est un souhait affirmé par de plus en plus de voyageurs. Selon une étude menée en avril 2018 dans 12 pays dont la France par Booking, le leader de la réservation d’hébergements en ligne, 87 % des 12 134 sondés déclarent vouloir voyager de manière plus responsable. Signe d’une conscience écologique accrue, se développe ces dernières années le tourisme durable et éthique, qui se veut plus respectueux de l'environnement et dans lequel s’inscrit notamment l'écotourisme (ou tourisme vert), une activité centrée sur la découverte d’espaces naturels.

Selon le baromètre annuel Ipsos/Europ Assistance, la prise en compte de l’empreinte écologique du voyage conditionne le choix de la destination pour 16 % des Français. Plus d’un Français sur dix (15 %) a déjà fait du tourisme écologique, en évitant les activités touristiques qui entraînent des nuisances pour l’environnement, tandis que 39 % des Français se disent intéressés par cette approche. « Le tourisme dit durable ne doit pas être un marché de niche ou une simple tendance. Il doit faire partie intégrante du voyage et être créateur de valeurs, voire même de bonheur », fait part auprès de L’Echo Touristique Jean-Pierre Nadir, le fondateur d’Easyvoyage, qui a mené une étude en 2018 montrant aussi l’intérêt grandissant des Français, toutes confessions confondues, pour un tourisme plus respectueux de son environnement. Car ce secteur en forte croissance a un impact négatif sur le climat.

Le revers de la médaille du tourisme de masse

Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le nombre de touristes internationaux a atteint 1,4 milliard de personnes en 2018 (contre 25 millions en 1950 et 500 millions en 1995), ce qui représente une hausse de 6 % sur un an. Ce cap ne devait être franchi qu’en 2020, une avance de deux ans expliquée, entre autres, par « le prix toujours plus abordable des billets d'avion et une plus grande facilitation pour l'obtention de visas ». Cette croissance « confirme que le secteur est aujourd'hui l'un des moteurs les plus puissants de la croissance et du développement économique », s'est félicité le secrétaire général de l'OMT, Zurab Pololikashvili.

Dans le même temps, l’empreinte carbone du tourisme a augmenté de 15 % entre 2009 et 2013, pour atteindre 4,5 milliards de tonnes de CO2 émises, soit 8 % des émissions globales de gaz à effet de serre, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Sydney, en Australie, publiée en mai 2018 dans la revue Nature Climate Change. L’avion, privilégié des touristes (57 %), y contribue fortement, étant le mode de transport le plus polluant avec les paquebots de croisière. Par ailleurs, l’impact environnemental du tourisme, qui implique une fragilisation des écosystèmes et de la biodiversité, est appelé à s’aggraver avec l’augmentation du nombre de touristes issus de pays dits émergents comme la Chine et l’Inde.

Des acteurs du tourisme prennent conscience de la nécessaire mutation du tourisme vers un modèle durable. Signe d’un engagement plus poussé des professionnels du secteur en la matière : la création en 2004, en France, de l’association Agir pour un tourisme responsable (ATR) qui regroupe aujourd’hui 41 membres dont Thomas Cook, un poids lourd du secteur qui a rejoint la structure en juin 2019.

Parmi ces 41 agences, 14 sont labellisées ATR après un contrôle exercé chaque année par Ecocert Environnement. Cette certification évalue ainsi, selon l’association, « l’engagement des opérateurs de voyage souhaitant non seulement agir pour un tourisme responsable mais aussi faire la démonstration de leur engagement ». Toutefois, les efforts à l’échelle nationale et mondiale demeurent bien maigres face au défi environnemental qui se pose à tous. Plus que des discours, c’est une profonde transformation des pratiques qu’il faut entamer.

La nécessaire mutation du tourisme vers un modèle durable et éco-responsable

L’antitourisme comme solution ?

Finalement, la solution à long terme pour participer à la préservation de l’environnement n'est-elle pas dans l'antitourisme ? C’est celle que promeut le sociologue Rodolphe Christin, auteur du Manuel de l'antitourisme (Ecosociété, 2008), qui pose le constat accablant d’un tourisme devenu industrie du divertissement qui tue la planète.

« Pour changer le tourisme, il faudrait changer de mode de vie pour un qui soit soutenable », fait-il part à la fondation GoodPlanet, créée par Yann Arthus-Bertrand. Rodolphe Christin, qui dénonce la « mondophagie », préconise aussi « d’arrêter d’aménager le monde à des fins touristiques ».

La décroissance touristique n’est toutefois pas pour demain tant cette solution, radicale, est inaudible auprès des professionnels du tourisme et des gouvernements, ne serait-ce que pour des raisons économiques : selon l’OMT, le secteur, qui génère 1 700 milliards de dollars de recettes, représente 10,4 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et soutient 313 millions d’emplois à travers le monde.

A tout le moins, des politiques touristiques intégrant l’exigence de durabilité doivent être mises en place tant par les Etats que les entreprises. En attendant, chacun peut déjà, à son échelle, adopter des gestes éco-responsables en réduisant son empreinte carbone lors de ses séjours (voir encadré plus bas) et, avant tout, « mûrir la finalité » de son voyage. Celui-ci doit, en effet, être « davantage une démarche philosophique qui consiste à faire du déplacement dans l’espace un moyen de se découvrir soi-même et de découvrir le monde », pour Rodople Christin. L’avenir de la planète – et en conséquence de l’humanité – en dépend.


Quelques conseils précieux ici délivrés pour inciter les voyageurs à être des acteurs responsables avant, pendant et après leur séjour (avec ATR)

> Privilégier un mode de transport durable comme le train, le car ou le covoiturage, dans la mesure du possible, pour limiter son impact environnemental, au départ, sur place et au retour de son voyage.

> Choisir des professionnels impliqués dans le tourisme responsable (agences de voyage, tour-opérateurs, compagnies, guides, activités sur place, hébergements, restaurants).

> Chez soi comme à l’étranger, respecter l’environnement est élémentaire : ne pas jeter ses déchets dans la nature, économiser l’eau et l’énergie, refuser sacs plastiques et pailles à usage unique… Eviter les lieux fragiles impactés par le tourisme de masse pour mieux les préserver.

> Veiller à ne pas prélever de souvenirs des sites naturels et archéologiques et à ne pas favoriser le vol et les dégradations en achetant des objets sacrés ou des produits issus d’espèces protégées.

> Consommer des produits locaux et éviter les produits importés.

> Compenser tout ou partie des émissions carbone liées à son voyage, notamment les déplacements en avion, en contribuant à des projets de solidarité climatique.

> Faire bénéficier aux autres de conseils pour voyager mieux !



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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