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Société

La France reconnaît sa « dette » envers ses soldats musulmans

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 18 Février 2014 à 21:15

           

La Grande Mosquée de Paris a accueilli un hôte particulier en la personne de François Hollande, mardi 18 février. Le chef de l’Etat est venu y inaugurer un Mémorial du Soldat Musulman en hommage aux soldats musulmans morts pour la France pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Devant un parterre d’invités, le président a tenu à rappeler le rôle crucial tenu par ces soldats des anciennes colonies françaises. François Hollande a également assuré sa détermination à « lutter farouchement contre les actes antimusulmans ». A quelques semaines des élections municipales, la gauche tente de rassurer un électorat majoritairement déçu des politiques menées par le gouvernement.



La France reconnaît sa « dette » envers ses soldats musulmans
François Hollande a inauguré, au sein de la Grande Mosquée de Paris, un Mémorial du Soldat Musulman, composé de deux plaques portant les noms de toutes les unités de combattants musulmans morts pour la France. Loin du regard des médias, François Hollande et Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, ont dévoilé devant la garde républicaine et une dizaine de représentants d‘associations d'anciens combattants ces plaques de marbre vert : l’une rappelant les morts de la guerre 1914-1918, l'autre, ceux de la guerre de 1939-1945 durant laquelle ont également été engagés des soldats issus des ex-colonies françaises du Maghreb et d’Afrique subsaharienne.

Les deux hommes se sont ensuite dirigés dans la grande cour de la mosquée pour délivrer leur discours devant un parterre d’invités et de journalistes. Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur chargé des cultes, Kader Arif, le ministre délégué aux Anciens combattants et François Lamy, le ministre délégué de la Ville, ont fait le déplacement pour assister à ce moment symbolique, tout comme plusieurs personnalités de gauche à l’instar d’Elisabeth Guigou, Claude Bartolone, Jack Lang et Bariza Khiari. Jean Tibéri, maire UMP du 5e arrondissement, était aussi des leurs.

Une lourde « dette » de la France

Dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale, François Hollande se devait de rendre un hommage officiel aux soldats musulmans morts pour la France durant ce conflit. « Les soldats que l’on évoque aujourd’hui étaient tirailleurs, goumiers, spahis, zouaves. Ils étaient conscrits, engagés ou combattants volontaires. Beaucoup venaient d’Algérie, 175 000 ont été mobilisés pour la guerre de 1914. Près de 25 000 y laissèrent leur vie. 180 000 tirailleurs furent recrutés en Afrique noire, essentiellement au Sénégal. 60 000 Tunisiens, 37 000 Marocains vinrent se battre en France. Et d’autres venaient aussi des Comores, de Djibouti, et des actuels Outre-mer », a énuméré le président de la République, en précisant que ces « hommes se sont illustrés et ont forcé l’admiration de leurs chefs ».

Avant même cette guerre, des musulmans issus des anciennes colonies françaises ont combattu pour la France. Ils « ont revêtu l’uniforme français depuis le XIXe siècle », a ainsi déclaré François Hollande. L’année 2014 marque « la libération de notre territoire de la barbarie nazie, il y a 70 ans » a déclaré le chef de l’Etat, précisant que « plus de 70 000 soldats musulmans participèrent à la libération du pays ». Il ne soulignera cependant pas, lors de son discours, que l'engagement militaire des « Indigènes » pour la métropole était bien souvent une obligation plus qu'un choix. L'enrôlement de force des hommes dans les colonies demeure une réalité occultée.

« Plus de 100 000 soldats musulmans sont morts », a rappelé de son côté Dalil Boubakeur, qui a mis l’accent dans son discours sur « la loyauté », « la bravoure » et « l’amour de la France » de ces soldats. « Dans ces moments cruciaux de notre Histoire, des hommes sont venus du monde entier pour nous sauver », a ajouté François Hollande.

Une identité retrouvée

En témoignant sa reconnaissance aux anciens combattants, le président français a souhaité adresser un message à leurs descendants, afin qu’« ils soient fiers de leurs parents et conscients que la République a une dette à leur égard ».

Chaque visiteur de la Grande Mosquée de Paris aura désormais l’opportunité de renouer avec cette Histoire méconnue grâce aux bornes interactives, qui seront prochainement en fonction près du Mémorial fraîchement inauguré. Celles-ci « permettront de retrouver le nom de tous ceux qui ont laissé leur vie sur le sol de France. Chacun pourra retrouver ici l’identité et le parcours de ces hommes », a fait savoir le chef de l’Etat. « Grâce à vous (François Hollande), ces soldats ne sont plus dans l’anonymat », a salué M. Boubakeur.

La pose de ces plaques commémoratives au sein du lieu de culte, construite au lendemain de la Grande guerre en hommage aux soldats musulmans, n’en est que plus symbolique. « La France n’oubliera jamais le prix du sang versé. Elle gardera toujours en mémoire les noms de ceux qui se sont battus pour sa liberté sans distinction d’origine ni de religion », a encore plaidé François Hollande.

« C’est fort », a commenté à l’issue de son discours Ghania Oukaka, la vice-présidente des Scouts musulmans de France, dont une délégation a pu rencontrer le chef de l’Etat et remettre aux invités politiques des calendriers de l’association. La commémoration d’un passé mettant en avant la participation des musulmans dans l’armée française est importante aux yeux d'une large partie de la communauté musulmane, qui ressent que la légitimité de leur présence dans la société française est souvent remise en question.

Être « intraitable à l'égard des actes antimusulmans »

Le malaise des musulmans, fort sous l'ère Sarkozy avec les débats multiples sur l'identité nationale ou la laïcité, n’a pas disparu avec l’arrivée de la gauche au pouvoir tant les discours islamophobes dans la sphère médiatico-politique et les actes antimusulmans sont encore légion.

Le « respect des vivants (...) nous conduit à lutter farouchement contre les discriminations et le racisme, et à être intraitables à l’égard des paroles et des actes antimusulmans », a assuré François Hollande devant le public de la Grande Mosquée. « S’en prendre à une mosquée, comme encore la semaine dernière à Blois, comme s’en prendre à une église, à une synagogue, à un temple, c’est s’attaquer à l’ensemble de la communauté nationale », a-t-il affirmé.

« La France est grande de sa diversité. Elle est forte de son unité. Une valeur essentielle de notre République permet de faire vivre ces deux exigences : la laïcité », a ajouté le chef de l’Etat, avant de donner sa vision de « l’islam de France ». Il s’agit d’un « islam qui porte un message de tolérance, d’ouverture et de solidarité. Un islam qui ait ses lieux et ses imams en parfaite harmonie avec les valeurs que nous partageons tous. Un islam qui ait une représentation et une place pour dialoguer avec l’Etat. Un islam pleinement compatible avec les valeurs de la République ».

Les élections municipales en vue

A quelques semaines des élections municipales, l’opération séduction de François Hollande semble programmée pour recueillir les voix de l’électorat musulman qui, s’il penche traditionnellement à gauche, ne lui est pas acquis, plus encore en raison des projets sociétaux qu'elle porte.

L'hommage actuel rendu par le président en cette période électorale rappelle le geste similaire de son prédécesseur à l’Elysée. Peu avant les présidentielles, en mars 2012, Nicolas Sarkozy avait ainsi dévoilé une plaque en hommage aux musulmans morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale, toujours à la Mosquée de Paris. Les élections approchant, ces attentions sont fort bien calculées sur le plan politique. La reconnaissance officielle de la contribution des soldats musulmans n'en reste pas moins une étape importante franchie dans la réparation de la mémoire nationale.






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