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Monde

Etats-Unis : quand l’accusation d’islamophobie menace la liberté d’enseignement

Rédigé par | Mercredi 11 Janvier 2023 à 17:30

           

Aux Etats-Unis, la liberté d’enseignement est-elle en péril au nom de la lutte contre le racisme ? Dénonçant « l’utilisation abusive » de l’accusation d’islamophobie, une organisation musulmane influente a décidé de prendre fait et cause pour une universitaire mise à la porte d’une université après avoir montré une représentation du Prophète Muhammad à ses étudiants.



© CC BY-NC 2.0 / Friscocali
© CC BY-NC 2.0 / Friscocali
L’affaire remonte au mois d’octobre 2022 mais fait grand bruit outre-Atlantique ces toutes dernières semaines. Une professeure auxiliaire en histoire de l'art a été évincée de l’université méthodiste Hamline, à Saint Paul, capitale du Minnesota, pour avoir montré à ses étudiants une peinture représentant Muhammad. Cette œuvre d’art, extraite d’un manuscrit persan datée du 14e siècle, présente le Prophète de l’islam recevant les premières révélations coraniques à travers l’archange Gabriel.

Pourtant, Erika López Prater avait pris moultes précautions pour éviter tout conflit avec des étudiants pour qui la représentation du Prophète Muhammad est interdite. Elle a prévenu sa classe, aussi bien avant que pendant le cours en question, qu’elle allait montrer des représentations de figures saintes et qu’elle laissait la possibilité à qui le veut bien de sortir de sa classe, raconte The New York Times.. Aucun étudiant ne lui avait alors exprimé de critiques ni n’avait refusé d’assister au cours en signe de contestation.

C’est après le cours que la professeure a été accusée d’islamophobie. Un de ses étudiants de confession musulmane* s’est plaint auprès de l'administration et a été appuyé dans sa démarche par des camarades musulmans qui n'étaient pourtant pas présents au cours mais qui estimaient qu'exposer la peinture médiévale est un sacrilège, une attaque contre leur religion. Choisissant d’aller dans le sens du groupe contestataire, l'université privée, qui compte 1 800 étudiants, a décidé de ne pas reconduire Erika López Prater à son poste pour le second semestre, estimant qu'il était important que « tout le monde se sente en sécurité ». Le doyen a même jugé la décision de présenter l’image comme « inconsidérée, irrespectueuse et islamophobe ».

De nombreux universitaires ont pris la défense de l’intéressée au nom de la liberté d’expression et de la liberté académique. Une pétition en ligne lancée le 24 décembre a été initiée par Christiane Gruber, professeur d’art islamique à l’Université du Michigan pour réclamer la réintégration d’Erika López Prater à Hamline. Elle a été signée à ce jour par plus de 12 500 personnes.

Etats-Unis : quand l’accusation d’islamophobie menace la liberté d’enseignement

Le soutien puissant du MPAC à la professeure

L’enseignante peut aussi désormais compter sur un soutien de taille, celui du Conseil musulman des affaires publiques (MPAC). Cette organisation musulmane, influente aux Etats-Unis, a ainsi exhorté l’université Hamline « à revenir sur sa décision et à prendre des mesures compensatoires pour remédier à la situation ». Dans une déclaration publique faite lundi 9 janvier, l’organisation indique voir le non-renouvellement de la professeure à son poste « avec une grande inquiétude ».

« En tant qu'organisation musulmane, nous reconnaissons la validité et l'omniprésence d'un point de vue islamique décourageant ou interdisant toute représentation du Prophète, surtout si elle est faite de manière détestable ou irrespectueuse », affirme le MPAC. « Cependant, nous reconnaissons également la réalité historique selon laquelle d'autres points de vue existent et que des musulmans, y compris et particulièrement parmi les chiites, n'ont aucune réticence à produire des représentations imagées du Prophète (bien que son visage soit souvent voilé par respect). Tout cela témoigne d'une grande diversité interne à la tradition islamique qu'il convient de célébrer », poursuit-il.

« C'était, semble-t-il, le point exact que le Dr Prater tentait de transmettre à ses étudiants. Elle les a préparés à l'avance, avec empathie, à l'image, qui faisait partie d'un exercice facultatif précédé d'un avertissement de contenu : "Je vous montre cette image pour une raison" », rappelle l’organisation, pour qui la peinture présentée aux étudiants n’est « pas islamophobe », et est aux antipodes de ces « images hautement offensantes et racistes du Prophète Muhammad » qui « abondent sur Internet et les réseaux sociaux ».

Une affaire qui mine la lutte contre l'islamophobie

Pour le MPAC, « les religions ne sont pas monolithiques par nature, elles sont diverses en interne. Ce principe doit être reconnu afin de lutter contre l'islamophobie, qui est souvent fondée sur l’écrasement de l'islam et une vision essentialiste et réductrice de la tradition islamique ». Avant d’affirmer avec force : « La professeure doit être remerciée pour son rôle dans l'éducation des étudiants, musulmans et non musulmans, et pour l'avoir fait avec une empathie cruciale. »

« Au regard de l'omniprésence des représentations islamophobes du Prophète Muhammad, cela n'a guère de sens de cibler une professeure d'art essayant de lutter contre les compréhensions étroites de l'islam », appuie le MPAC. Il dénonce « l'utilisation abusive de l'étiquette "islamophobie" » qui a « pour effet négatif de diluer le terme et de le rendre moins efficace pour dénoncer les actes réels d’intolérance ». A l'image de cette affaire qui mine la lutte contre la haine des musulmans, objet de dérives dont les musulmans sont appelés à prendre conscience.

« Nous soulignons l'importance de l'éducation dans la tradition islamique, conclut le MPAC. Sur la base de nos valeurs islamiques et universelles partagées, nous affirmons la nécessité d'inculquer le libre examen, l’esprit critique et la diversité des points de vue dans le cadre universitaire ». Une telle prise de position, puissante, est une invitation adressée aux musulmans d'ailleurs et d'ici à une réflexion profonde sur l'acceptation du pluralisme au sein et en dehors de leurs communautés.

Mise à jour jeudi 12 janvier : Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) du Minnesota a apporté, mercredi 11 janvier, son soutien à la décision de l'université Hamline lors d'une conférence de presse à laquelle l'étudiante à l'origine de l'affaire, Aram Wedatalla, s'est exprimée. La présidente de l'Association des étudiants musulmans, âgée de 23 ans, maintient sa position, affirmant être toujours aussi choquée par la décision de sa professeure de montrer une représentation du Prophète, chose qu'elle n'avait jamais vue de sa vie. Le président du CAIR Minnesota, Jaylani Hussein, estime que l'affaire relève de l'islamophobie. Une position à l'opposé du MPAC.

Mise à jour vendredi 13 janvier : Tandis que des universitaires français ont réagi à la controverse, la direction nationale du CAIR a réaffirmé « sa politique de longue date consistant à décourager la diffusion d'images du Prophète tout en notant que l'étude académique de peintures anciennes le représentant ne constitue pas, en soi, de l’islamophobie ». Par ailleurs, l’organisation a indiqué qu'elle n'avait vu « aucune preuve » que la professeure « avait une intention raciste ou s'était livrée à une conduite islamophobe en classe ».

« L'islam exige l'équité et la justice pour tous, c'est pourquoi les musulmans doivent être justes et équitables lorsqu’ils portent des accusations d'islamophobie, déclare-t-elle. Ce que nous trouvons anti-islamique n'est pas nécessairement islamophobe, et il faut bien faire la distinction entre ces deux notions ». Dans le même temps, les étudiants musulmans ont « le droit de défendre leurs convictions religieuses sincères, de dénoncer toute forme de discrimination subtile ou manifeste qu'ils subissent et d'exprimer leur point de vue légitime selon lequel afficher des représentations du Prophète en classe est inutile et offensant ». Le CAIR n'appelle pas à la réintégration de la professeure comme l'a fait le MPAC.

Lire aussi :
Etats-Unis, Canada : l’islamophobie, un malheureux business qui pèse lourd en Amérique du Nord
Une Journée internationale contre l'islamophobie instaurée par l'ONU


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 11/01/2023 19:37 | Alerter
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Le mot "islamophobie" ne signifie rien et se trouve utilisé à tort et à travers allant du contre sens complet, comme ici, jusqu'à l'appel à la haine qui peut provoquer des crimes abominables de la part de demi fous.

2.Posté par Premier janvier le 13/01/2023 22:51 | Alerter
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Peu importe ce qui peut être représenté, il ne peut être qu'une copie. Un faux.
Je viens de me prendre en selfie, lorsque je me regarde, ce n'est déjà plus moi que je regarde mais un passé.
Il ne peut pas être mon présent mais le présent d'un présent.
On dit alors, c'était moi et pas c'est moi.
Il est celui que je ne suis plus. Dans un moment. Une ambiance. Une circonstance....
Lorsque l'on dit c'était moi, la phrase le dit. Elle dit ce n'est plus moi.
Si ce n'est plus moi, il ne peut pas être moi dans un futur.
Il y a le passé. Puis le présent. Puis le futur.
C'était moi ne peut se trouver que dans un présent.
Et il ne peut se trouver que dans le mien.
Ou bien alors c'est que je ne suis pas au courant, sois que je suis mort.
Je me reprends en selfie.
C'est encore un autre moi. Et je dirais, c'était moi.
Je peux aussi dire c'est moi. Pour dire je me reconnais.
Je me connais. Puis je me re-connais. Je me revoies.
Toute représentation ne peut que succéder à un présent.
Il ne peut en être qu'une copie. Une imitation. .
Ceci n'est pas une pipe comme disait Magritte.
Il est le dessin d'une pipe.
Pour pouvoir dessiner ou reconnaître la pipe il faut en avoir déjà vu une.
Lorsque l'on reconnaît quelque chose, c'est que l'on l'a déjà vu.
Qu'on le voit pour la deuxième fois.
Et donc que l'on se ressouvient.
La première fois on le reconnaît, on se souvient.
La seconde fois on se ressouvient, c'est lui, je le reconnais.
C'est la théorie de la réminiscence.
Ici le prophète est reconnu.
D'abor...  


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