Politique

Emmanuel Macron au centenaire de la Grande Mosquée de Paris pour célébrer « un havre de paix né d’une tempête de l’Histoire »

Rédigé par Lionel Lemonier et Hanan Ben Rhouma | Jeudi 20 Octobre 2022 à 08:30

Emmanuel Macron s’est rendu, mercredi 19 octobre, à la Grande Mosquée de Paris pour commémorer les 100 ans de la pose de sa première pierre. Insistant sur la compatibilité pleine et entière entre islam et République, le chef de l’Etat ne s’est pas non plus privé de défendre la loi séparatisme mais aussi de plaider pour une meilleure structuration en France de la connaissance sur l’islam.



Recouvert d’un toit en toile pour l’occasion, le patio de la Grande Mosquée de Paris était plein à craquer pour assister au discours d’Emmanuel Macron en souvenir de la pose de la première pierre de l’édifice religieux le 19 octobre 1922. La Grande Mosquée de Paris n’a pas encore 100 ans, l’inauguration des lieux n’ayant eu lieu qu’en 1926, mais le président de la République a souhaité marquer de son empreinte cet événement, honorant ainsi de sa présence les quelque 300 invités. Dans le lot se trouvaient des représentants musulmans et de divers cultes, des élus, des hauts fonctionnaires, des ambassadeurs, des universitaires et des personnalités de la société civile.

Avant son discours, il aura fallu patienter. Avec des chants religieux (anasheed) au départ, suivis de deux courtes interventions. Tandis qu’Abdelali Mamoun, présenté comme imam de la Grande Mosquée de Paris, a prononcé un discours à coloration religieuse devant l’assistance, l'éditorialiste Mohammed Colin a présenté le cadre historique qui a vu émerger la Grande Mosquée de Paris. Emmanuel Macron a, quant à lui, fait un tour de l’exposition temporaire retraçant l’histoire de l’édifice. Il a ensuite pris le temps de rendre hommage à la mémoire de Si Kaddour Ben Ghabrit, le fondateur de la Grande Mosquée de Paris, dont la sépulture est installée devant l’entrée qui porte son nom. A ses côtés pendant la sonnerie aux morts et la minute de silence, figuraient l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, l’actuel ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le recteur Chems-Eddine Hafiz.

« On peut être Français et musulman, harmonieusement, indissolublement »

Dans l’allocution qui a suivi, le président n’a pas manqué de faire référence à l’histoire de l’édifice, en insistant sur la place de choix offerte par la capitale, entre le Quartier latin et le Jardin des Plantes, afin d’honorer le sacrifice des 100 000 soldats musulmans, « recrutés pour certains sans leur consentement » et venus mourir « sur un sol qui n’était pas le leur » pendant la Première Guerre mondiale. « J’ai bien conscience (…) qu’à ce chantier se mêlaient évidemment des intérêts coloniaux et diplomatiques. Mais il n’en reste pas moins qu’en ce jour d’automne 1922, notre nation affirmait aux yeux du monde qu’on pouvait être Français et musulman », a-t-il affirmé, rappelant le concours de l'Etat français dans le financement de cette construction.

Passant du passé au présent, Emmanuel Macron a ainsi réaffirmé, dans « ce havre de paix né d’une tempête de l’Histoire », que les musulmans ont toute leur place dans la République. « Nous ne laisserons pas la déchirure de ce que notre pays a connu ces dernières années créer un fossé de ressentiment et de défiance vis-à-vis des musulmans. Je le répéterai sans relâche : il n’y a pas d’un côté les Français, de l’autre les musulmans. On peut être l’un et l’autre, harmonieusement, indissolublement. »

Défense à la loi séparatisme

« Nier la compatibilité entre la France et l’islam, c’est apporter de l’eau au moulin du séparatisme », a-t-il souligné. Le chef de l’Etat a profité de l’instant pour souligner les vertus de la loi confortant les principes de la République qui a été, à ses yeux, « pensée et voulue comme un moyen pour les communautés religieuses de lutter contre les dérives sectaires qui leur font du mal à elles autant qu’à la communauté nationale. (…) Pour protéger nos jeunes et nos enfants, qui sont parmi les plus malléables ». Des mots prononcés face à des représentants musulmans mais aussi chrétiens, nombreux à critiquer cette loi ouvertement.

Lire aussi : Ce que les cultes chrétiens contestent de la loi séparatisme devant le Conseil constitutionnel

Saluant « le courage de ceux qui, comme Kamel Kabtane (président du Conseil des mosquées du Rhône, absent de l’évènement, ndlr), ont dénoncé les comportements provocateurs et irresponsables d’une frange minoritaire de la jeunesse (française musulmane) » en référence aux atteintes à la laïcité liées au port de tenues dites « religieuses » à l’école, le président a embrayé sur la nécessité d’une meilleure organisation du dialogue entre l’Etat et l’islam « au niveau national et départemental », avec le Forum de l’islam de France (Forif). « C’est un enjeu de structuration, d’indépendance des cultes aussi, de formation des imams. C’est aussi un enjeu d’éducation et de cohésion sociale. »

« Nous ferons tout pour garantir aux musulmans de France la possibilité de vivre leur foi sereinement, dans le cadre protecteur de la laïcité, par un dialogue constructif entre l’islam et l’Etat, entre les pays musulmans étrangers et la France », a-t-il martelé. La Grande Mosquée de Paris, dont le financement dépend d’Alger à ce jour, « ne porte pas simplement la possibilité d’un islam en France, fidèle aux valeurs de la République, mais d’un islam avec la France, et même d’un islam de France ».

Mieux connaître l’islam, un enjeu éducationnel

En écho au discours des Mureaux deux ans plus tôt, le chef de l’Etat a particulièrement insisté sur la nécessité de « mieux faire comprendre l’islam » dans nos sociétés pour lutter contre les incompréhensions. Un noble objectif auquel contribuera l’Institut français d’islamologie, né en février dernier sous l’impulsion de l’exécutif pour « mieux structurer la connaissance et la recherche » dans ce domaine.

« Face aux discours de haine, c’est un appel au respect, à l’exigence, à la fraternité et à la laïcité réunis que je vous fais ici. (…) Malgré tout ce qui a été fait en 100 ans et qui nous permet de nous tenir ici, les défis sont peut-être encore plus grands, les déchirures encore plus présentes et le travail qui nous attend est immense, estime-t-il. Nous le mènerons sans naïveté, sans complaisance aucune, avec respect de notre histoire, de nos valeurs. »

Face à lui, le recteur Chems-Eddine Hafiz n’en a pas perdu une miette. Un hommage présidentiel très appuyé lui a été rendu avant de se voir remettre les insignes d’officier de la Légion d’honneur. Un grade qui récompense notamment ses choix et actions en faveur d’un « islam vertueux et pleinement républicain » opérés avant et après avoir pris la tête de la GMP en 2020 des suites de Dalil Boubakeur. Ce dernier, aujourd'hui âgé de 81 ans, était absent d'une cérémonie désormais inscrite dans les annales de l'histoire de l'institution religieuse.

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