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Points de vue

Crise alimentaire mondiale : l’Aïd al-Adha est un acte spirituel et solidaire au service de l’humanité

Par Djamel Misraoui*

Rédigé par Djamel Misraoui | Mardi 24 Novembre 2009 à 02:00

           


Crise alimentaire mondiale : l’Aïd al-Adha est un acte spirituel et solidaire au service de l’humanité
Une personne sur six dans le monde souffre de la faim de façon durable et une personne sur trois est touché par la malnutrition, selon les dernières estimations publiées par la FAO, le fonds des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Ce triste record est dû essentiellement aux conséquences de la crise économique mondiale qui a entraîné de pertes d’emplois et de baisse de revenus, réduisant ainsi l’accès des pauvres à la nourriture.

Les « émeutes de la faim » éclataient l’année dernière dans plus de 30 pays à travers le monde. Elles ont montré que les petits agriculteurs des pays en développement sont les premières victimes de cette tragédie. Ce sont plusieurs pays africains qui ont été ébranlés par les cris affamés d’une population accablée par l’envolée des prix des aliments de base comme le riz, l’huile d’arachide, les pommes de terre, le blé. Les femmes ont été parmi les premières à exprimer leurs révoltes et à conduire ces marches.

Sont concernés par la crise alimentaire 642 millions de personnes en Asie et dans le Pacifique, 265 millions en Afrique subsaharienne – qui demeure le continent le plus touché en proportion −, 53 millions en Amérique latine et aux Caraïbes, 45 millions au Proche-Orient et en Afrique du Nord et 15 millions au total dans les pays développés.

Cette année, compte tenu de la conjoncture économique mondiale, les pauvres des zones urbaines seront confrontés à des vrais problèmes d’insécurité alimentaire et seront, ainsi, obligés de retourner dans leurs régions rurales d’origine, qui souffrent déjà de la faim et de la pauvreté.

Du fait du manque de financements et des engagements des États en 2008 qui restent en suspens, des millions de personnes sont menacées par la faim. D’après la FAO, il faudrait dépenser 30 milliards par an dans le développement de l’agriculture pour éradiquer la malnutrition dans le monde.

Quelles sont les causes de cette crise alimentaire ?

Parmi les causes de la crise, nous pouvons citer : la spéculation sur les denrées alimentaires, les changements climatiques, les catastrophes humanitaires ainsi que la demande accrue en agrocarburants. Selon l’économiste Bruno Parmentier, « l’augmentation de la demande est désormais plus rapide que celle de l’offre de produits alimentaires. La demande augmente pour trois raisons : il y a 80 millions d’habitants de plus tous les ans sur Terre, beaucoup plus de gens qui consomment de la viande ou des produits animaux, en plus du besoin croissant en agrocarburants ».

La crise est néanmoins plus profonde parce qu’elle est structurelle. Parmi ces pays, plusieurs sont soumis aux programmes d’ajustement structurel (PAS), mis en place par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) en 1986 et 1996. Dans le cas d’un pays comme Haïti, c’est un long processus engageant le secteur agricole qui a été imposé par le gouvernement.

En d’autres termes, c’est la logique d’intervention minimale de l’État visant la libéralisation du marché et incluant l’interdiction de protéger l’agriculture nationale qui est en cause. Pour aggraver le tout, la dépendance est totale pour les populations les plus vulnérables, directement affectées par l’augmentation moyenne de 45 % du prix des denrées alimentaires survenue en 2008.

Existe-t-il des pistes ou des solutions pour juguler la crise alimentaire ?

La crise actuelle est visiblement « urbaine ». Les populations rurales, plus résignées, alors qu’elles subissent la crise depuis plus longtemps, ne participent pas à ces mobilisations ! Cela est révélateur du véritable problème.

D’ici à 2050, de plus en plus d’hommes n’auront pas accès à l’alimentation parce qu’ils n’auront pas l’argent pour l’acquérir ou de terre pour la produire. Le nombre de personnes agglutinées dans le bidonville planétaire va doubler dans les prochaines décennies, passant de 1 à 2 milliards d’individus. Face à un tel constat, la déclaration finale du dernier sommet de la FAO apparaît peu satisfaisante.

Dans ce contexte, l’initiative française « Partenariat mondial pour l’alimentation et l’agriculture » pourra-t-elle réussir à créer une nouvelle dynamique ? Elle propose trois directions de travail : créer un groupe international, qui aura pour vocation la définition d’une stratégie mondiale pour la sécurité alimentaire ; créer un autre groupe de scientifiques internationaux qui établira un diagnostic objectif et analysera l’évolution pour la sécurité alimentaire ; et, enfin, encourager une nouvelle mobilisation financière, dans laquelle la France verserait 1 milliard d’euros pour développer l’agriculture en Afrique.

La société civile se manifeste à travers des réseaux ou des forums. Elle devrait continuer à faire pression sur les institutions internationales et être présente sur le terrain aux côtés des populations nécessiteuses pour agir contre la faim, à travers le soutien apporté à l’agriculture familiale et vivrière considérée comme le filet de sécurité le plus durable mais aussi l’assistance directe et immédiate aux familles les plus vulnérables, qui dépensent jusqu’à 60 % de leurs revenus sur les aliments de base.

L’Aïd al-Adha, pour une fête solidaire

Le vendredi 27 novembre prochain, la communauté musulmane internationale, la oumma, se prépare pour célébrer cette grande fête placée sous le signe de la solidarité et du partage.

En France, plusieurs associations humanitaires musulmanes comme Muslim Hands France, le Secours islamique France, le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens ont lancé de vastes campagnes de sensibilisation et des appels à la générosité auprès de leurs donateurs pour la réalisation de leur programme d’aide alimentaire. Celui-ci consiste à distribuer des colis de viandes fraîches dans les pays les plus pauvres.

En offrant leur « sacrifice » de l’Aïd, les musulmans exprime leur humanité dans toute sa noblesse et sa spécificité. Comme chaque année, ce sont plusieurs centaines de milliers de familles affamées, d’orphelins, de déplacés et de réfugiés qui bénéficieront de cette aide, tant attendue, reçue dans la joie, qui transformera ainsi les donateurs en citoyens du monde.



* Expert de l'humanitaire et de la solidarité internationale, Djamel Misraoui est membre du comité éditorial de Grotius.fr, un site thématique « Médias et humanitaire ». Ancien responsable Plaidoyer et relations institutionnelles du Secours islamique France, il est actuellement directeur général de Muslim Hands France.






Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par chayR le 24/11/2009 22:57 | Alerter
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as Salam 'alaykoum,

pour faire suite à cet excellent article, je répondrai à l'une de des questions qu'il pose :
Existe-t-il des pistes ou des solutions pour juguler la crise alimentaire ?

Oui, bien sûr, et l'une de ces pistes est celle de la réduction drastique de la CORRUPTION.

Pour avoir :
- visité de nombreux pays d'Afrique du Nord, de l'Ouest et Subsaharienne,
- été reçu par des présidents, dormi chez des ministres et dans des cases de paysans de la brousse.
- dialogué avec toutes les classes de la population africaine et les étrangers (français, belges, chinois...)
qui ont des intérêts politiques et économiques sur ce continent :

Je peux affirmer que la corruption gangrène tous les rouages des nations africaines.
Je suis conscient que l'élève africain a surpassé son maître européen en la matière.

Donc à moins de tout réformer de fond en comble, je ne vois pas d'avenir pour l'Afrique.
Mais je ne pense pas que :
- les gouvernements occidentaux vont infléchir leur juteuse politique africaine,
- les africains eux-mêmes vont, quelque soient leur position sociale, renoncer à leur drogue commune :
l'argent et le pouvoir que procure la corruption.

Cette corruption est si ancrée en eux (les européens comme les africains) que même quand s'ouvre à eux une possibilité de réaliser une transaction honnête et claire, ils préfèrent passer par la "bande" et soudoyer celui ou celle qu'ils pensent être à même de leur obtenir faveur ou prébende. C'est une forme d'addiction.

chayR.


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