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Charles Taylor part : une ère nouvelle pour le Liberia

Rédigé par Bamba Amara | Mardi 5 Août 2003 à 00:00

           

Les premiers éléments de la force d’interposition africaine sont arrivés hier à Monrovia, capitale du Liberia. En provenance de la Sierra Léone voisine où ils assuraient déjà une mission de paix, 200 hommes des troupes nigérianes ont été héliportés à l’aéroport de Monrovia. Le déploiement de cette force de paix met fin à près de 15 années de guerre qui ont ruiné tout le pays. La population a accueilli ces soldats dans la liesse générale.



Les premiers éléments de la force d’interposition africaine sont arrivés hier à Monrovia, capitale du Liberia. En provenance de la Sierra Léone voisine où ils assuraient déjà une mission de paix, 200 hommes des troupes nigérianes ont été héliportés à l’aéroport de Monrovia. Le déploiement de cette force de paix met fin à près de 15 années de guerre qui ont ruiné tout le pays. La population a accueilli ces soldats dans la liesse générale.

 

Charles Taylor : chef d’Etat richissime, chef de guerre redoutable

Dans la journée du samedi, le président Charles Taylor avait annoncé à la presse son programme de départ du pouvoir : « La première chose qui doit se passer, c'est la convocation d'une session conjointe du Congrès et du Sénat. Cela doit se passer jeudi (7 août) en session pleinière. Je leur parlerai et à 11 h 59 lundi (11 août), je me retirerai et le nouveau président prêtera serment »

 

Arrivé au pouvoir en 1990 suite à une lutte armée sanglante, Charles Taylor est connu pour être un redoutable chef de guerre. Il eut raison du président Samuel K. Doé qui avait lui-même accédé au pouvoir en 1979 par un coup d’Etat tout aussi sanglant sans réussir à ramener la paix dans le pays. A la faveur des élections présidentielles organisées en 1997, dans un contexte de lassitude générale (près de 200 000 victimes et des dizaines de milliers de réfugiés), Charles Taylor offrit une légitimité à son pouvoir en sortant vainqueur par les urnes.

 

Né d’un père américain et d’une mère libérienne en 1948, le président Taylor est diplômé d'économie du Bentley College au Massachusetts (USA). Sa fortune personnelle est colossale. Accusé de détournement de fonds publics par son prédécesseur il sera arrêté et emprisonné au Etats Unis. Mais il s’évadera pour se réfugier en Côte d’Ivoire d’où il prépare son retour au Liberia fort du soutien de chefs d’Etats de la sous région.

En 1991, son soutien au Caporal sierra-léonais Foday Sankoh, à l’origine des dix années de guerre féroce dans son pays, lui vaut une inculpation et un mandat d'arrêt international pour « crimes de guerre et crimes contre l'humanité » par le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone.

 

Depuis 1999, les troupes du président Taylor sont confrontées aux rebelles du LURD (libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) soutenus par les Etats Unis et par le régime guinéen frontalier. Depuis quelques mois, les troupes du MODEL (Mouvement pour la démocratie au Liberia) constituées majoritairement de membres de la tribu de l’ex-président, Samuel Doe, ont aussi engagé une lutte armée contre le régime de Taylor. Depuis le 28 juillet dernier, le MODEL avait pris le contrôle d’une partie de la ville stratégique de Buchanan, deuxième port du Liberia situé à une centaine de kilomètres à l'Est de Monrovia. De violents combats y sont été signalés durant tout le week-end, entraînant de nombreuses victimes civiles. De leur côté, les troupes du LURD assiégeaient Monrovia depuis deux semaines.

 

Une sortie honorable pour Charles Taylor

Des responsables de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont rendus au Liberia pour convaincre Charles Taylor de quitter le pouvoir afin de permettre une solution politique au conflit. Le chef d’Etat du Nigeria, M. Olusegun Obasanjo, a promis à son homologue libérien que les poursuites judiciaires ne l'atteindraient pas au Nigeria s’il devait y trouver l’asile. Mais le 1er août, un texte de résolution proposé par les Etats Unis n’a pas été voté par la France, l'Allemagne et le Mexique. Par leur abstention, ces pays comptaient exprimer leurs protestations contre une clause d'exemption pénale contenue dans le texte. Il ne fait de doute que l’adoption de ce texte américain crée un précédent qui tend à discréditer la Cours Pénale Internationale dont Washington conteste la légitimité.

 

Cette résolution 1497 du Conseil de Sécurité des Nations Unies organisant une intervention internationale au Liberia comprend le projet de création d'une force multinationale chargée de faire appliquer un accord de cessez-le-feu en date du 17 juillet.

 

Les premiers éléments de ces forces sont des soldats nigérians au nombre de 1300 qui ont été prélevés sur la Mission des Nations unies en Sierra Leone (Minusil). Une force de stabilisation des Nations unies dont les effectifs, les structures et le mandat doivent être arrêtés d'ici le 15 août verra aussi le jour. Son déploiement est prévu 'au plus tard le 1er octobre 2003' pour y relever la force multinationale. Une échéance sur laquelle M. Koffi Anan, Secrétaire Général de l’ONU a émis des doutes.

 

La prochaine succession du Président Taylor

Les Etats-Unis, qui réclament le départ du président Taylor, ont promis leur appui logistique à la force de maintien de la paix. Mais aucune précision n’a été fournie quand au déploieraient de leurs hommes sur le terrain.

 

Le Liberia fut fondé en 1847 par le retour en Afrique d'anciens esclaves américains affranchis. Il s’étend sur une superficie d’environ 111 000 km2. Sa population est d’environ 2 770 000 habitants (en 1998) dont environ 3 % sont des descendants des anciens esclaves américains. Des sources musulmanes évaluent à 20 % le nombre de musulmans et à 10 % le nombre de chrétiens (les 70 % de la population étant de religions traditionnelles africaines.)

 

Les protagonistes du conflit libérien réunis depuis deux mois au Ghana ont déjà longuement abordé les modalités de la succession au président Taylor. Son départ annoncé devrait faire taire définitivement les canons de Buchanan et de Monrovia. Une nouvelle chance est donnée au Liberia. Cette chance ne sera effective que dans la dissolution des factions armées. Les délégués de la LURD et du MODEL se sont prononcés pour une succession assurée par un président de transition issu du monde civil mais secondé de deux ou trois vice-présidents issus de leurs propres rangs. La lutte continue donc au Liberia, mais sur le champ politique.





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