Connectez-vous S'inscrire

Livres

Avec « Lyre le Coran », Ousmane Timera à l'assaut de la citadelle coranique

Rédigé par | Vendredi 10 Juillet 2020 à 11:00

           


Avec « Lyre le Coran », Ousmane Timera à l'assaut de la citadelle coranique
Les livres sur le Coran sont souvent ennuyeux. Qu'ils soient apologétiques ou critiques, ils sont bien souvent polémiques et toujours idéologiques. Lyre le Coran fait bande à part. Un livre atypique. Novateur et courageux qui propose une poignée où l'on peut attraper le Coran. Pour comprendre la thèse de cet essai, il faut un minimum de données sur la genèse du Coran.

Car, historiquement, le Coran est un livre peu ordinaire. Certes, il a changé le monde. Mais là n'est pas le débat. Que sa source soit divine ou humaine, cela est question de foi. Il n'empêche que, dans les faits, le Coran voit le jour d'une manière qui interroge tout esprit intelligent, par l'intermédiaire d'un Arabe du VIIe siècle, Muhammad ibn Abd Allah, un homme connu pour son honnêteté. Il s'effondre parfois, en état de transes hypnotiques et, quand il s'en remet, il énonce ses « révélations ». Il apprend ainsi qu'il est Prophète de Dieu, chargé de transmettre un message à l'humanité.

Le Coran chaotique

La Tradition signale deux types de révélations. Certaines sont les « hadith qutsi », comparables au versets bibliques. D'autres sont des versets coraniques. Dans les deux cas, le Prophète ne sert que d'intermédiaire. Il se défend d'être l'auteur de ses paroles sans pareilles.

Ces révélations ont lieu dans des conditions variées mais les compagnons savent les distinguer. Car les versets coraniques sont toujours introduits par la même formule. Dans ces cas, le Prophète fait venir ses secrétaires pour les noter. Il s'assure que l'écriture est exacte. Puis il indique la place des nouveaux versets dans un chapitre précis, une sourate.

Ce texte n'est pas linéaire. Le Prophète reçoit les révélations pour diverses raisons, souvent comme réponses à des questions contextuelles précises. Cinq sourates arrivent complètes, les autres sont par bribes, dans une forme d'écriture qui, dans sa construction, est totalement chaotique.

Pour compléter ce puzzle géant, 6 236 versets, 114 sourates, il faudra 23 années. Finalement, toutes les pièces sont en place, les sourates sont complètes. L'ensemble est connu. Il était mémorisé, récité en diverses occasions, notamment dans les prières rituelles. Le Prophète était alors la référence.

Le besoin de réunir ces textes apparaît après la mort du Prophète. Le Coran voit le jour pour servir de référence inaliénable. C'est une obsession communautaire qui fait qu'en 15 siècles, le Coran n'a pas varié d'un iota. Cette stabilité légendaire que le musulman attribue à Dieu, le Gardien du Coran, est une force mais aussi une faiblesse aujourd'hui. Ici commence Lyre le Coran.

Avec « Lyre le Coran », Ousmane Timera à l'assaut de la citadelle coranique

Les rapports pervers au Coran

Pour les musulmans, le Coran est un livre divin, gardé dans les Cieux, révélé par bribes à l'humain, au travers d'un humain, pour servir de guidance. Son message est universel même si les conditions de la révélation sont circonstancielles. Pour cela, la Tradition instaure que le Coran soit expliqué. Il est donc admis de tous que le Coran doit être commenté pour être compris. Son exégèse est devenue une science classique, très populaire. Un exercice obligé dans certains milieux savants.

Lyre le Coran balaie cette vision de manière radicale est sans ménagement. Pour l'auteur, toutes ces approches traditionnelles du Coran ont un implicite hideux qui dit que « Dieu est confus dans son propos ! » Ousmane Timera ne parle pas ainsi, mais on le comprend bien. On comprend surtout qu'il est conscient du pavé qu'il jette dans la mare où trônent nos anciens depuis des siècles.

Ousmane Timera prévient : « Je sais bien que ces propos sont, en soi, lourds de conséquences. Mais il ne sont ni hasardeux ni fantaisistes. Ils lèvent plutôt le voile sur le fond et les conséquences non-dits de ces approches, lorsqu'elles sont poussées au bout de leurs logiques. Derrière les notions de tradition, de raison et de cœur, (...) se cachent les "ismes" qui les idéologisent en vue de soumettre la réalité... aux idéologies préétablies qui les instrumentalisent pour la domination des femmes et des hommes. »

Quant au non-musulman qui récuse le divin du Coran, on assiste sans cesse aux mêmes acrobaties de saltimbanques intellectuels. Parce qu'ils se cognent tous la tête contre le chaos apparent. Puis ils avancent, comme ils peuvent, sur un boulevard d'élucubrations savantes. Parfois brillant, mais sans grand intérêt pour le musulman qui tient le Coran comme parole divine.

Cet usage est si répandu qu'on se demande pourquoi Ousmane Timera prend le temps d'écarter ces analyses certes logiques, mais foncièrement idéologiques. Dans un essai, dira-t-on, cela fait partie de l'exercice. Soit !

Un essai à thèse

Lyre le Coran est un essai à thèse. Il s'applique à répertorier les approches actuelles du Coran. Il montre pourquoi elles existent et pour quoi elles existent. Puis l'une après l'autre, il s'emploie à les dégommer proprement en montrant qu'elles sont limitantes ou corrompues quand elles ne sont pas malhonnêtes. C'est alors que l'auteur avance sa thèse personnelle dans une démonstration qu'on peut ramener à deux points.

D'une part, Ousmane Timera montre que, derrière le chaos apparent du Coran, il y a un cohérence et une harmonie lyrique qui frappe à la fois l'esprit, le cœur et la conscience du lecteur. L'exercice est ardu sur un livre que l'on connaît déjà. Mais il réussit à nous faire changer d'angle.

A l'aide d'exemples, il tente d'exhiber cette cohésion d'ensemble où les sourates se donnent la main. Où un thème éclot ici, se développe là, se déploie là-bas pour se rassembler plus loin sans se réduire à une direction ni à un sens. Comme si, dans son rôle de guide, le Coran avait une structure interne don la vocation est d'ouvrir l'humain. Lui donner accès à une dimension transcendantale, cosmique. Son exemple du jihad est, à ce titre, parlant d'éloquence.

Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma - Le jihad, une « guerre sainte » ?

D'autre part, dans cette structuration globale du Coran, un verset devient alors un « signe » ; c'est le terme que préfère utiliser l'auteur. Ces « signes » forment un alphabet d'hyperliens coraniques avec laquelle « l'édification de chaque sourate s'avère être le fruit d'une élaboration minutieuse de chaque signe et d'une mise en relation et juxtaposition harmonisée, qui rend solidaire chaque terme, chaque signe, chaque ensemble avec son avant et son après au sein de la sourate. Cela, parfois, ne saute pas aux yeux, certes, et demande un certain effort de réflexion et de méditation », écrit-il.

L'expression est lâchée : « Méditez le Coran » ! C'est le cœur de thèse. Au lieu du traditionnel « Je lis le Coran », Ousmane Timera suggère : « Je lie le Coran ». Une invitation à relire les versets pour les (re)lier dans un silence méditatif, sans la cacophonie spéculative qui a pour effet de « désosser » le texte dans sa nature comme dans son message.

Ça se tient. Mais alors comment faire ? C'est ce que propose la fin du livre. Pour l'auteur, il est clair que cette approche nécessite du temps et du silence comme « un art », dit-il : « un art qui permet d'aller au delà des surfaces et évidences, pour entendre le vrai qui toujours fuit le bruit inutile et se cache dans les entrailles de l'essentiel qui se lit, se relie et se cueille à travers le cosmos et le Coran, avec attention, sans empressement aucun. »

Le Coran depuis l'Europe

Ce livre, qui expose une méthode de lecture du Coran, est le premier d'une trilogie. Qu'il soit un livre « printed by Amazon » n'en affecte pas la qualité. C'est un livre de réflexion, pas un livre de poésies illustrées. Oui, il faut parfois s'accrocher pour rester à flot. Mais ce livre est beau car écrit avec soin. Avec conviction et, surtout, il s'en dégage beaucoup de sincérité.

« Osmosophie » et « poélitique » sont deux petites sœurs annoncées de Lyre le Coran. Ils seront donc trois à mener l'assaut de la citadelle coranique. Pour une lecture extra-culturelle, une vision cosmique du « Coran arabe », loin de la doxa herméneutique qui fait parfois mal à la raison.

C'est une pensée nouvelle qu'un musulman d'Europe apporte à l'islam, au Coran, aujourd'hui. Cela est possible, Lyre le Coran le prouve. On le doit à l'amour de l'auteur pour le Coran. On le doit aussi à son cheminement original. Un musulman de France, étudiant coranique, puis diplômé de nos universités et instituts spécialisés sur l'islam. Pas une pièce rapportée.

Ce Lyre le Coran est un livre remarquable. Porteur de pensées fortes, élaborées et surtout de pensées fraîches. La pédagogie de méditation du Coran, conjuguée à la tradition d'exégèse, mérite attention. En enjambant le mur exégétique, Ousmane Timera atterrit dans un champ étrange. Il y a là des plantes et des parfums qui font de lui un penseur qu'on n'a pas fini d'entendre penser !

Lire aussi :
L’Alcoran. Comment l’Europe a découvert l’islam, par Olivier Hanne
Le Coran pour les nuls en 50 notions clés, par Tareq Oubrou
Pourquoi la pensée musulmane est-elle en panne ?


Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Premier Janvier le 11/07/2020 20:34 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Je crois que tout ce qui peut exister est désordonné.
Petit je me le disais déjà.
Je ne suis pas musulman je vais donc prendre pour exemple le cinéma.
A propos de personnages à l'écran, je me disais, que font les autres à ce moment précis.
Il manque aux films quantités de scènes, celles que l'on ne voit pas dès lors que l'on est entrain d'en voir une.
Il manque aux films la plus grande partie du film.
Il manque aux films tout ce que l'on ne voit pas et que pourtant il se passe.
On ne peut pas le voir puisque si on le voyait on verrait un autre film, on verrait le film que contient le film auquel il manquerait celui que l'on a vu donc.
J'aurais pu prendre comme exemple la vie puisque comme le dit la phrase magnifique de monsieur Lelouch, la vie c'est du cinéma.

2.Posté par Henri-Pierre GUILLERME le 02/08/2020 15:56 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Ceci s’adresse à Monsieur Amara Bamba, auteur de l’article.

Préambule: j'ai embrassé la spiritualité musulmane en 1995, je suis français et j'ai reçu une éducation dite 'chrétienne'. Je vis en terre musulmane depuis longtemps, je ne suis pas arabophone. Je dissocie les termes Arabes et Islam … je ne suis pas Arabe mais je suis Musulman.

Les (PSL) que vous trouverez ci-dessous se lisent (que la Paix Soit sur Lui).

Le livre de Monsieur Ousmane Timera mérite sûrement d’être lu, mais Saphir news ne fait rien pour m'indiquer comment me le procurer si je suis loin au sud est de la Méditerranée. (Rappel : l'article mentionne 'l'universalité’ du message coranique).

Je cite l’article de Saphirnews :
" … … toutes ces approches traditionnelles du Coran ont un implicite hideux qui dit que « Dieu est confus dans son propos ! » Ousmane Timera ne parle pas ainsi, ... "

Je dois avouer détester dans la phrase de l'article rapporté plus haut les termes 'hideux' et 'Dieu est confus'. Le terme hideux exprime sans doute le ressenti de celui qui l’utilise, et la 'confusion divine' serait un préjugé de la pensée de ceux qui ne partagent pas sa foi.
Je constate ce genre d'approche émotionnel chez nombre d'arabes et affiliés parmi lesquels je vis et j'ai vécu (tous les pays entre le Maroc et l'Iran).
Le monde, créé par Dieu, est une palette chargée d'une multitudes de peuples, d'une multitude de langues et de cultures, d'une multitude de croyances, d'une multitude de modes de vie sociale, d'éducation, et...  

3.Posté par Henri-Pierre GUILLERME le 04/08/2020 20:33 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
HPGIZEH
le jour même j'ai trouvé Lyre le Coran pour 10 € en forma Kindle.

j'ai commencé à le lire, c'est savant, je ne préjuge pas de la suite, mais j'aimerais un forum sur ce sujet : est-ce possible ?

4.Posté par Henri-Pierre GUILLERME le 07/08/2020 21:48 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
encore moi : oh oui, j'aimerais un forum avec des lecteurs de ce livre (s'il y en a !)



















5.Posté par Henri-Pierre GUILLERME le 07/08/2020 21:48 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
encore moi : oh oui, j'aimerais un forum avec des lecteurs de ce livre (s'il y en a !)



















6.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 18/08/2020 16:25 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Pour les personnes curieuses (au point de devoir s'excuser si elles sont irrespectueuses) des questions de spiritualité vécues et spécialement dans un religieux aussi particulier que l'islam, il est frappant de constater un apparent vide de contenu quand on le compare à toute l'"infrastructure", c’est-à-dire au vocabulaire consacré à l'environnement de la foi en question.

Par exemple, dans le long commentaire ci-dessus, la seule caractérisation de Dieu qui est faite est "MYSTERE", et encore cela est lié à un apprentissage chrétien antérieur.

L'autre exemple est l'attribution du coran à Dieu lui même, et la question est posée, y-a-t-il une compréhension humaine possible de ce texte ?

D'autant qu'apparemment la thèse de l'auteur objet de l'article semble aller dans ce sens et considérer le texte du coran comme "à célébrer", c’est-à-dire dont le contenu ne serait QUE lyrisme.

L'image globale de la compréhension qu'on acquiert ainsi de l'extérieur est ainsi assez étrange: comme si, effectivement, le livre n'avait pas de contenu et simplement une enveloppe, la pratique de la référence envers lui recouvrant tout le religieux à son sujet. Référence déférence, exclusivement...

7.Posté par Henri-Pierre GUILLERME le 18/08/2020 23:02 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
HPGIZEH
Cher Monsieur Francois Carmignola, il y a ce que l’on lit et à travers les mots, ce que l’on y voit. Quand je lis Michael Connelly je me déplace dans Los Angeles, Mulholland Drive etc. Je visualise les lieux décrits. Quand je relis Diderot je visualise les dialogues de famille, par exemple. Je suis libre de ma visualisation, de mon interprétation. Quand vous me lisez, vous visualisez … le ‘vide de contenu’ … parce que vous aussi êtes libre de votre interprétation. Mais cependant le ‘constat’ de ce vide est ‘frappant’ (?). Dans ‘le religieux’ vous ‘particularisez’ l’Islam, c’est aussi un choix de termes qui vous est personnel. Ceci m’inciterai à penser que vous connaissez peu du ‘religieux’ dont l’inventaire (jamais fini) est une somme de particularismes. Bizarre ce terme de « infrastructure » pour nommer la lexicologie théologique du ‘Din Islam’.

Mon papier n’est pas une encyclopédie théologique, il est un commentaire à un autre papier dont vous n’êtes pas l’auteur, mais écrit par Monsieur Amara Bamba à propos d’un livre écrit par Ousmane Timera. Livre que je suis en train de lire.
Mon papier n’a aucune prétention prosélyte, il ne cherche pas à convaincre, il questionne.

Dieu est mystère: vous avez raison, ce n’est pas une évidence pour tout le monde, et curieusement ce n’est pas un questionnement pour la plus part des croyants des spiritualités sémites en particulier. Par contre, c'est un scientifique français qui expliquait que le big-bang n’était qu’un évènement succédant...  


SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !