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Religions

À Auch, Bernard Cazeneuve dénonce « un acte odieux »

Rédigé par Mérième Alaoui et Huê Trinh Nguyên | Mardi 1 Septembre 2015 à 16:40

           

Le ministre de l’Intérieur et des cultes, Bernard Cazeneuve, s’est rendu à Auch, vendredi 28 août. Cinq jours après l’incendie, il a constaté les dégâts et assuré aux musulmans du soutien de l’État. À Auch, depuis lundi, une solution provisoire a été trouvée pour les prières quotidiennes et une campagne de dons est lancée.



Tout en condamnant l’« acte criminel (qui) ne vise pas les seuls fidèles musulmans de cette ville », le ministre de l’Intérieur, lors de son discours à la préfecture d’Auch, vendredi 28 août, a martelé être « garant de la laïcité » qui n’est ni « une arme contre la religion » ni « un instrument d’exclusion contre les musulmans de France ». (Photo : © ministère de l’Intérieur)
Tout en condamnant l’« acte criminel (qui) ne vise pas les seuls fidèles musulmans de cette ville », le ministre de l’Intérieur, lors de son discours à la préfecture d’Auch, vendredi 28 août, a martelé être « garant de la laïcité » qui n’est ni « une arme contre la religion » ni « un instrument d’exclusion contre les musulmans de France ». (Photo : © ministère de l’Intérieur)
L’incendie qui a ravagé la mosquée As-Salam (« La paix ») d’Auch, dans la nuit de samedi 22 à dimanche 23 août, est considéré comme la plus grave attaque contre un lieu de culte jamais enregistrée en France ces dernières dizaines d’années. Bien que les condamnations unanimes se soient succédé dès l’annonce de l’origine criminelle du feu, la visite d’un haut représentant de l’État sur place était plus qu’attendue. C’est chose faite depuis vendredi 28 août, en fin d’après-midi. Le ministre de l’Intérieur a tenu à exprimer son « soutien aux responsables de cette mosquée et aux fidèles musulmans, dont je sais qu’ils se sont sentis profondément atteints par cet acte odieux ».

L’incendie du 23 août a détruit 70 % de la mosquée As-Salam d’Auch. (Photo : © ACMG)
L’incendie du 23 août a détruit 70 % de la mosquée As-Salam d’Auch. (Photo : © ACMG)
Au lendemain de l’attaque, ce sont tous les musulmans du Gers et même bien au-delà qui se sont réveillés abasourdis. « Quand nous avons vu les dégâts, nous avons été profondément choqués. Aucune salle de la mosquée n’est accessible. Elle a été ravagée aux trois quarts », déplore Mostafa El Qsriri, président de l’Association cultuelle des musulmans du Gers (ACMG). Comme beaucoup de fidèles, il aurait apprécié un déplacement ministériel, voire présidentiel, plus tôt, mais il préfère remarquer le bon côté des choses. « Mieux vaut tard que jamais. Cette visite est une première pour nous, c’est porteur de grands symboles. Nous avons bien apprécié la visite du ministre qui a dit clairement les choses », reconnaît-il.

« La réponse face à la haine, face à la violence, face au terrorisme, c’est la fermeté. L’État ne doit pas trembler », déclare Bernard Cazeneuve au moment de sa visite sur les lieux du drame. Lors de son allocution en préfecture, en présence des responsables musulmans mais aussi de l’évêque d’Auch et du grand rabbin de Toulouse, il assure « solennellement que tout sera mis en œuvre par les services de sécurité pour que (les auteurs) soient identifiés, interpellés, traduits en justice et punis. Car il n’est pas tolérable, en aucune circonstance, que l’on puisse en France, en 2015, incendier une mosquée, ou tout autre lieu de culte ».

Et de rappeler que « plus de 1 000 mosquées » font l’objet d’une « protection des forces de l’ordre, particulièrement à l’heure de la prière ». Sur les trois prochaines années, 9 millions d’euros seront également alloués au financement d’équipements de sécurité, comme des caméras de vidéoprotection, dans certains lieux de culte sensibles.

Une venue du ministre qui « touche au cœur »

« Elle est dans un sale état », c’est en ces termes qu’Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, a achevé la visite de la mosquée d’Auch, vendredi, en compagnie, notamment de Mohammed Moussaoui, président d’honneur du Conseil français du culte musulman (CFCM), de Mohammed Hadji, président du conseil régional du culte musulman (CFCM) Midi-Pyrénées, et d’Abdellatif Mellouki, vice-président du CRCM. M. Zekri salue la visite du ministre de l’Intérieur comme étant « un geste fort » qui a été « beaucoup apprécié » par la communauté musulmane locale. La mosquée d’Auch, affiliée à l’Union des mosquées de France (UMF), regroupe « la diversité : des Algériens, des Marocains, des Tchétchènes, des Tunisiens… il n’y a pas de tensions », se plaît-il à rappeler.

De g. à dr. : Franck Montaugé, maire d’Auch, Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Mohammed Moussaoui, président d’honneur du CFCM, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de leur visite de la mosquée d’Auch, vendredi 28 août. (Photo : © ACMG)
De g. à dr. : Franck Montaugé, maire d’Auch, Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Mohammed Moussaoui, président d’honneur du CFCM, et Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de leur visite de la mosquée d’Auch, vendredi 28 août. (Photo : © ACMG)
« C’était une urgence que le ministre se déplace à Auch pour montrer à la fois la solidarité gouvernementale et le soutien de la communauté nationale, et pour dire sa condamnation de cet acte abject », estime, pour sa part, Abdellatif Mellouki, porte-parole du CRCM Midi-Pyrénées, une région qui compte une soixantaine de lieux de culte musulman, dont quatre mosquées dans le département du Gers. « Les fidèles ont construit la mosquée d’Auch pendant trois ans et l’ont achevée tout récemment. La venue du ministre les a touchés au cœur », fait-il observer.

« Le discours du ministre à Auch est sur la même tonalité que celui qu’il a prononcé, le 15 juin dernier, lors de l’instance de dialogue avec l’islam », constate Anouar Kbibech, président du CFCM. « C’est, à mon avis, un discours fondateur qui doit être généralisé à plus grande échelle au niveau local », préconise-t-il. « Au lendemain d’une tentative d’attentat dans le train Thalys qui exacerbe le sentiment antimusulman, son discours montre qu’il n’est pas dans une posture politique. »

Trouver un lieu de prière provisoire

Si la visite du ministre était plus qu’attendue, l’objectif pour les musulmans de la ville était de trouver des locaux provisoires pour l’exercice du culte. C’est enfin réglé depuis lundi 31 août, annonce à Saphirnews Mostafa El Qsriri. « Nous venons d’apprendre que la municipalité met à notre disposition un local provisoire pour les prières quotidiennes et un autre plus grand pour celle du vendredi qui attire toujours plus de monde », se réjouit-il.

Mais il s’agit là de solutions provisoires. En attendant la reconstruction de la mosquée, « des Algeco seront mis en place pour récupérer l’espace nécessaire » et pour s’installer de façon plus ou moins pérenne. Vendredi dernier, les musulmans ont pu prier « dans le chapiteau d’un cirque qui a été prêté gracieusement par le responsable. Il faisait très chaud mais nous étions heureux de nous retrouver avec les 250 à 300 fidèles », se souvient le président d’ACMG, par ailleurs professeur de mathématique.

Élan de solidarité

Un prêt inattendu qui témoigne d’une grande solidarité depuis l’incendie. « Les musulmans de la région ont tous répondu présents et nous soutiennent. Les mosquées de France en général nous ont témoigné leur soutien. Nous avons même des frères qui se sont déplacés de Bayonne ! » Mais ce qui touche le plus Mostafa El Qsriri, ce sont les nombreux messages de non-musulmans. « Je n’avais jamais vu cela, nous recevons plusieurs lettres de soutien chaque jour. Des non-musulmans qui expriment leur solidarité, qui disent parfois leur honte de ce climat ambiant… »

Les responsables sont d’autant plus confiants que les marques de solidarité affluent d’anonymes mais également des autres cultes et des associations. La Conférence des évêques de France ‒ et en particulier l’évêché d’Auch ‒ et le Consistoire central israélite ont exprimé leur soutien dès lundi 24 août. La solidarité est venue aussi des autres associations laïques antiracistes locales. Samedi 29 août, au lendemain de la visite du ministre, le président du Collectif gersois antifasciste entouré d’une centaine de personnes, a martelé : « Ce n’est pas aux musulmans ni aux juifs d’avoir peur. Mais aux racistes et aux fascistes. » Un soutien qui a tiré les larmes à Mostafa El Qsriri. « Nous sommes très émus, car nous sommes une ville fraternelle de 24 000 habitants, on se connaît tous, toutes religions confondues », rappelant que les musulmans d’Auch sont Gersois depuis les années 1960.

Une campagne de financement participatif

Des témoignages forts qui vont parfois jusqu’à la participation financière. « Une belle lettre a été envoyée d’un Marseillais accompagné d’un chèque de 20 euros. C’est dire l’émotion que nous avons eue », raconte Mostafa El Qsriri. Car, même si le montant des dégâts n’a pas encore été annoncé, il va bien falloir reconstruire la mosquée d’Auch. Celle-ci, d’une superficie de 300 m², pouvait accueillir jusqu’à 300 personnes et, avant l’incendie, des travaux avaient tout juste été lancés en vue d’un agrandissement d’une centaine de mètres carrés supplémentaires.

Pour le financement de la reconstruction complète, les responsables ont eu l’idée de lancer une campagne de financement participatif à l’attention de tous. « Nous avons créé une affiche spéciale et un site Internet est en construction. Nous voulons sensibiliser le plus grand nombre, musulmans ou pas, car on se rend compte qu’Auch devient un symbole. Le symbole du vivre-ensemble grâce à cette solidarité. »

Le CFCM, quant à lui, appelle les mosquées de France à consacrer les prochains prêches du vendredi à une souscription de solidarité pour la mosquée As-Salam d’Auch. L’Association cultuelle des musulmans du Gers, pour sa part, organise une manifestation de soutien ce samedi 5 septembre, à 10 heures. Loin d’être abattus, les musulmans d’Auch se retroussent les manches et relèvent la tête.





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