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Un «droit à laisser mourir» pour les personnes en fin de vie

Rédigé par Bouali Houda | Vendredi 26 Novembre 2004 à 00:00

           

La fin d'un tabou? Tirant les leçons de l'affaire Humbert, les députés examinent vendredi une proposition de loi qui instaure un «droit à laisser mourir» pour les personnes gravement malades et en fin de vie, sorte de troisième voie à la française entre le statut quo et la légalisation de l'euthanasie. Un texte consensuel, mais qui reste au milieu du gué pour Marie Humbert.



La fin d'un tabou? Tirant les leçons de l'affaire Humbert, les députés examinent vendredi une proposition de loi qui instaure un «droit à laisser mourir» pour les personnes gravement malades et en fin de vie, sorte de troisième voie à la française entre le statut quo et la légalisation de l'euthanasie. Un texte consensuel, mais qui reste au milieu du gué pour Marie Humbert.


Le 26 septembre 2003, Vincent Humbert, tétraplégique de 23 ans qui avait demandé à Jacques Chirac le droit de mourir, décède. Son médecin, Frédéric Chaussoy, a arrêté la machine qui l'aidait à respirer, avant de lui faire une injection fatale. Quelques jours plus tôt, sa mère avait tenté en vain de mettre fin à son calvaire en lui injectant des barbituriques. Des gestes pour lesquels tous deux font aujourd'hui face à la justice.


Le 15 octobre 2003, une mission d'information a été créée à l'Assemblée pour réfléchir à la question de « la fin de vie ». Après huit mois de travaux, elle présente le 30 juin 2004 une proposition de loi qui sera débattue vendredi par les députés. Fait rare, ce texte devrait être adopté à l'unanimité lors du vote prévu le 30 novembre.


«J'espère qu'une grande majorité des députés pensera comme moi que c'est le juste équilibre entre la liberté et l'autonomie du malade et en même temps le respect de la vie», a aspiré le président UMP de la mission, Jean Leonetti. «Les députés socialistes voteront pour», a garanti leur chef, Jean-Marc Ayrault. C'est «une grande avancée» pour le corps médical, a salué le Dr Chaussoy.

 

Un «droit à laisser mourir»  et non à «faire mourir»
Sans autoriser l'euthanasie, le texte crée un «droit à laisser mourir», et non à «faire mourir». Le but: renforcer les droits des patients, notamment en fin de vie, et protéger juridiquement les médecins. Pour ce faire, les 12 articles proposent de créer un droit au refus de l»'obstination déraisonnable», qui s'appliquerait quand il n'y a plus d'espoir d'amélioration et que les soins ne font que maintenir artificiellement la vie.


Plusieurs cas se présentent. Si le malade est inconscient, le médecin pourra arrêter ou limiter le traitement après avoir mis en oeuvre une procédure collégiale et consulté la «personne de confiance», la famille ou un proche. Il pourra aussi se référer aux «directives anticipées», sorte de testament que le malade lui aura laissé pour lui donner la marche à suivre.
Si le malade est conscient, on distingue deux cas. S'il n'est pas en fin de vie et demande l'arrêt du traitement, le médecin pourra consulter un collègue pour avoir un second avis. Après un «délai raisonnable», il demandera au patient s'il maintient sa décision. Si le malade est en fin de vie, en phase terminale, le médecin devra tenir compte de sa volonté s'il demande l'arrêt ou la limitation des traitements, en l'informant des conséquences de son choix. Il devra lui dispenser des soins palliatifs pour atténuer ses souffrances.


Les députés ont également tenté de répondre aux critiques qui accusent ce texte de ne pas régler la situation de patients tels que Vincent Humbert. En commission, ils ont adopté un amendement qui autorise les traitements «à double effet», en clair les anti-douleurs qui ont pour effet secondaire d'accélérer la mort.


Les députés espèrent ainsi mettre fin à «l'hypocrisie» de l'euthanasie clandestine, qui expose les médecins à des sanctions. Dans son livre «Je ne suis pas un assassin», le Dr Chaussoy explique qu'il pratiquait «régulièrement» de tels actes dans son service, «ce que les autres médecins font aussi». Selon le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, qui soutient le texte, « 150.000 personnes sont débranchées chaque année hors de tout cadre juridique ».
Pour certains, ce «premier pas» reste toutefois insuffisant. Le 24 septembre, près d'un an après la mort de son fils, Marie Humbert a dévoilé avec l'association «Faut qu'on s'active» une proposition de loi d'origine citoyenne, où elle  préconise l’autorisation de l'euthanasie active en inscrivant une «exception d'euthanasie strictement encadrée» dans le code pénal. Le texte a recueilli 130.000 signatures. Vendredi, Marie Humbert sera présente dans les tribunes de l'hémicycle.

 





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