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UOIF: le public du salon du Bourget

Rédigé par Amara BAMBA | Dimanche 7 Mai 2006 à 23:19

           

Le Congrès de l'UOIF, se tient durant ce long week-end du 8 mai 2006 au Bourget (93). Comme chaque année depuis vingt-trois ans, les musulmans de France se retrouveront à l'appel de l'Union des organisations islamiques en France (UOIF). Et comme chaque année, depuis sa création, le Salon du Bourget sera boycotté par ses détracteurs et pris d'assaut par ses fidèles. Les uns et les autres ont leurs raisons. Petit florilège des défenseurs et des dénigreurs de ce qui est désormais le plus grand rendez-vous des musulmans d'Europe



D'abord les anti-Bourget


Il y a celles et ceux qui n'iront pas au Salon du Bourget parce qu'ils ne sont pas de l'UOIF et que ce rassemblement est officiellement le congrès annuel d'une organisation capable d'édicter une Fatwa servile, sakosiste, à jamais inscrite dans les annales de l'islam en France. En dehors de ces gardiens de minarets, il y a celles et ceux qui connaissent bien le Salon de l'UOIF mais qui n'iront pas au Bourget parce qu'ils connaissent déjà! Oui, ils ont déjà fait moult Bourget et estiment qu'année après année, le Bourget n'apporte rien de plus sinon toujours les mêmes têtes, les mêmes discours, bref, la même rengaine qui tient en une phrase : nous les musulmans, nous l'UOIF, nous sommes les meilleurs...

Il y a aussi celles et ceux qui jugent que, côté qualité/prix, le déplacement n'en vaut pas la peine. Mais, comme on dit, ça se discute. Il en va autrement pour celles et ceux qui, engagés dans l'action associative, qualifient ce rassemblement annuel d'énorme gachi d'énergie pour vendre des fringues et des bouquins en faisant appel à des savants que personne n'écoute et à des politiques au discours paternaliste. Ceux-là trouvent que réunir des dizaines de milliers de musulmans, régulièrement, durant plus de vingt ans, sans pouvoir générer une dynamique capable d'améliorer leur réalité, est une trahison dans laquelle ils ne veulent pas se compromettre.

Il se trouve même des gens qui expliquent que ce rendez-vous du Bourget n'est ni plus ni moins qu'un nouvel instrument aux mains du système pour réunir les musulmans dans le but d'endormir leurs consciences sur le flicage et la stigmatisation dont ils font l'objet en France. Ils sont rares mais ils existent, ceux qui blâment le Salon du Bourget en l'accusant d'être rien de plus qu'une foire gigantesque, un business juteux, qui se sert de l'islam comme produit d'appel. On peut mentionner celles et ceux qui disent que .... Bref, la charge est entendue: sauf cas de force majeur, certains musulmans se défendent de mettre les pieds au Bourget au milieu de cette « faune communautariste » aux allures carnavalesques.

Puis il y a ceux qui hésitent


Ceux-là se demandent s'ils auront la force et le courage d'affronter le brouhaha abrutissant du Souk du pavillon des expositions, la langue de bois des officiels, les changements inopinés de conférenciers, les retards, les files d'attente, bref: le souk organisationnel. Ils se demandent s'ils auront assez de patience cette année, pour garder leur bonne humeur et essayer de suivre le discours d'illustres invités dans une gigantesque salle de conférence à la sonorisation médiocre, où les braillements de nourrissons affamés viennent régulièrement rappeler la réalité du folklore que masque la solennité de façade.

Ces âmes exigeantes étudient le programme du Bourget en quête d'un créneau où ils puissent faire le déplacement sans être exposés au strip-tease idéologique d'hommes et de femmes politiques souvent gentils mais qu'on peut écouter ailleurs. Ceux-là veulent éviter d'être soumis au discours désincarné d'intervenants, généralement venus d'ailleurs et parfois ignorants des réalités de l'islam en France. Ils analysent donc le programme dans l'espoir d'y trouver une tribune où la jeunesse indisciplinée de l'UOIF peut prendre la parole sur un thème où elle peut dignement s'exprimer. Ceux-là se demandent si Tareq Oubrou, Cheikh Zakaria, Farid Abdelkrim, Oumero Marongiu etc etc... seront de la partie cette année. Ils prient secrètement afin que, pour une fois, les beaux thèmes annoncés soient effectivement traités. Car, depuis longtemps ceux-là se sont fait une raison; ils savent qu'en dehors de quelque universitaire médiatique ami des musulmans, aucune voix associative de l'islam en France ne sera entendue, à moins de graviter dans la galaxie de l'UOIF canal historique.

Il y a celles et ceux qui s'inquiètent d'avance sur la longueur des files d'attente devant les sanitaires, leur état d'hygiène et leur confort. Ils se demandent s'ils pourront cette année, comme les années précédentes, ignorer à défaut de discipliner leurs vessies de peur d'affronter les exhalaisons et l'inconfort des édicules mobiles du Bourget.

Le Bourget des Bourgetteurs


Il y a enfin celles et ceux pour qui le salon du Bourget est le rendez-vous annuel par excellence. Ils s'y préparent longtemps à l'avance. Seuls ou en groupe, il ne leur viendrait pas à l'idée de passer une année sans leur Bourget. Ceux-là ne s'égarent pas en spéculations méthaphysiques. Ils ne se turlupinent pas l'esprit dans de pseudo analyses socio-politiques. Membre de l'UOIF ou indifférents à l'Union, ils vont au Salon du Bourget avec l'enthousiasme d'un pèlerin. La langue française leur doit la naissance d'un mot nouveau, c'est le verbe Bourgeter.

Ils Bourgettent pour respirer à pleins poumons l'amour et la fraternité islamiques qui manquent au quotidien du musulman d'Europe. En habitué des lieux, parfois depuis de longues années, le Bourgetteur a tissé des liens solides et cherche à revoir ses pairs pour les serrer dans ses bras. Quelques jours durant, le Bourgetteur vivra en osmose avec les valeurs qui sont les siennes, sans concession. Il fera l'expérience de ce bien-être naturel que l'on éprouve lorsque le regard de l'autre ne montre aucun signe laissant penser qu'il nous croit échappé d'un zoo.

Au salon du Bourget, le Bourgetteur et la Bourgetteurse peuvent sortir de leur retraite et se montrer à l'aise. Ils ne craignent pas le regard de l'autre, ils sont en zone psychologiquement protégée. Ici, pas besoin de justifier la taille de son bouc ni la teinture de sa barbe. En Hijab ou en Niqab, la Bourgetteuse est dans la norme et son look se fond dans le décor. Cette liberté n'a pas de prix. Et le sentiment de liberté vaut plus cher que la liberté. Celui qui y goûte en redemande. Et pour rien au monde, le Bourgetteur ne voudra rater sa piqûre de rappel.

On Bourgete aussi pour rencontrer des frères et des soeurs dans la foi. Devenus des amis, on les rencontre de Bourget en Bourget. Toujours chaleureux et hospitaliers on peut se confier à eux, en paix. Le temps d'une Salat, autour d'un repas Halal en conversant gaiement sur la beauté de l'islam, la futilité de ce monde et l'hypocrisie des gens, le tout arrosé d'une bonne rasade de « Alhamdulilah!! », la louange est à Allah.
Avec l'aide de Dieu, le Bourgetteur comme la Bourgetteuse peut rencontrer l'âme soeur. Une personne musulmane, pratiquante et forcement pieuse. Oui, une âme qui fait l'effort de Bourgeter en ce beau week-end de printemps, ne peut être qu'une âme pieuse!.

Pour ceux-là, une année sans Bourgeter, est une année d'occasions ratées. Le Bourgetteur se sent redevable à l'UOIF de l'occasion rare qu'elle lui offre d'approcher et d'entendre des savants, de renommée internationale, spécialistes de l'islam. Qu'importe le déroulement du salon, il a la critique avare et se méfie sérieusement de la presse.
Comment saurait-il se priver de l'ambiance du pavillon des exposants où chaque visite est une leçon de tolérance et de fraternité. Car dans cette cohue où s'agglutinent des centaines de milliers d'adultes, jamais n'éclate une engueulade, pas même une petite dispute. Comme dit le Coran, en vérité, les musulmans sont ceux-là « qui se sont recommandé la vérité et la justice et qui se sont recommandé la patience. »

Un bon budget de Bourget


Bourgeter c'est aller à la rencontre des nouveautés islamiques de l'année. L'occasion est riche en découvertes et dégustations diverses et parfois à l'oeil. Editeurs, créateurs de modes et artistes intéressés par le public musulman attendent le Salon du Bourget pour lancer leurs nouveautés. Il serait naturel que Fulla, la nouvelle poupée voilée qui émeut les fillettes des pays du Golfe, s'invite à ce Salon du Bourget 2006. Elle ne prend pas de risque, son succès est assuré d'avance !

Le Bourgetteur averti sait que l'achat d'un livre, un Hijab, un Khamis, l'acquisition d'un CD du Coran ou même d'une poupée Fulla durant le salon est une affaire doublement bénéfique. Il a d'abord le gain de l'objet et il a ensuite l'assurance de bien dépenser son argent. Car l'argent dépensé au Bourget tombe toujours dans une bourse qui connait la crainte de Dieu. C'est pourquoi le Bourgetteur et la Bourgetteuse sont de bons clients. Un Bourgetteur qui se respecte ne va au Bourget qu'avec un bon budget !

Opium pour les uns, oxygène pour les autres, le Salon du Bourget est un parc géant dont le public est lui-même une attraction. Le succès de ce rendez-vous est à la mesure du pragmatisme de l'UOIF qui a acquis une bonne maîtrise de l'évènement. Et si l'image de l'Union a souffert de son implication dans les tribulations du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'affluence au Bourget n'en souffrira point. Le Bourgetage continue. Et plus que jamais, le Congrès de l'UOIF, le Salon du Bourget, a de beaux jours devant lui.





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