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Psycho

Sonia : « J'ai l'impression de subir la vie avec lui »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Samedi 20 Mai 2023 à 08:00

           


Je me permets de vous envoyer ce message pour vous exposer de manière succincte certaines parties de ma vie de femme mariée. Je viens vers vous car je rencontre des soucis de couple récurrents, qui durent depuis des années et j'ai besoin de conseils, d’un éclaircissement, de la lumière.

Cela fait 12 ans que je me suis mariée. J'ai trois enfants. Aujourd'hui, j'ai 30 ans. Ce n'est pas très simple à vous expliquer, mais mon mariage est issu d'une promesse de mariage. Je me suis promise à lui alors que je n'avais que 14 ans. Oui, vous avez bien lu, 14 ans. On ne décide pas de se marier ou d'avoir l'intention de se marier à cet âge-là. Maintenant que j'y pense, je suis choquée, outrée. Avec l'âge, on prend du recul et on se rend compte de beaucoup de choses, ça fait mal...

Je me souviens de moi, à 14 ans, je faisais vraiment enfant mature qui ne faisait pas son âge, et je me disais : « Bon, de toute manière, tu vas te marier, un jour ou l'autre, et comme c'est de la famille et qu'il est pratiquant, pieux, vraiment bien dans la religion, alors vas-y fonce, promets-toi à lui et tu seras récompensée par Allah. Ce sera vraiment une très bonne action. »

Il est issu d'un milieu modeste et je l'ai fait venir de l'étranger. Je voudrais tout de suite mettre un frein aux stéréotypes, ce n'est pas du tout quelqu'un qui a voulu se marier pour les papiers ou quoi. Non absolument pas.

Aujourd’hui, on ne s'entend pas, on s'engueule beaucoup, beaucoup de négativité dans notre couple, beaucoup de mauvaises ondes. Ce n'est pas quelqu'un qui va s'intéresser à moi sérieusement, nous ne partageons pas les mêmes centres d'intérêts, nous ne partageons pas les mêmes hobbies. Quelques points nous lient mais nous avons énormément de désaccords.

On ne fait rien ensemble, j'ai l'impression de subir la vie avec lui, que la vie est un fardeau, et qu'il faut la subir, qu'elle est pleine de devoirs, c'est vraiment démoralisant. En tout cas, c'est ce qu'il me fait ressentir, il ne me motive pas, un peu paresseux sur les bords. On ne se comprend pas, il a l'impression de faire vraiment de son mieux avec moi, alors que moi, je me dis vraiment que notre vie de foyer ne représente en rien la vie d'une famille digne de ce nom. Notre couple, en réalité, n'a pas les véritables caractéristiques d'un couple, c'est-à-dire l'écoute, le partage, la communication, l'attention. On doit parler, surtout dans un couple, pour dénouer et mieux reconstruire.

J'ai besoin qu'il soit beaucoup plus attentionné envers moi, je voudrais me sentir exister, sentir ma valeur dans cette maison. Mes attentes ne sont plus comme celles d'avant, je ne suis tout simplement plus celle qu’il a connue lorsque j'avais 14 ans, et c'est normal, on évolue, on grandit... et la vie s'est complexifiée de plus en plus au fur et à mesure que l'on a eu nos enfants.

Il fait ressortir en moi une facette de moi que je ne veux pas voir, que je ne veux pas que mes enfants voient. Entre nous, c'est très électrique. La communication est très difficile et il se braque si je décide de discuter avec lui pour parler de notre couple...

Maintenant, vous l'aurez compris, je regrette profondément de m'être mariée aussi jeune. A cet âge-là, je n'avais aucune notion du mariage, ses principes, ses obligations, ses devoirs. J'étais beaucoup trop jeune pour savoir ce qu’est le mariage et, pourtant, j'ai pris la décision (très paradoxale) de me marier en me disant que c'était vraiment un bon choix pour moi et que je ne pourrais pas trouver dans le futur meilleur que lui. Inconsciemment, je voulais aussi peut-être me montrer aimable envers la famille, en me mariant à leur fils.

Attention, je voudrais préciser que l'on ne m’a pas forcée à me marier, en aucun cas, je l'ai fait en pleine conscience. Le souci, c’est que personne dans mon entourage ne m'a remis les idées en place en m'interdisant tout bonnement ce futur mariage. Un refus et une opposition catégoriques auraient été préférables à ce moment-là. Mon entourage s'est certes entretenu avec moi pour discuter de tout, si j'étais bien sûre de me marier, etc. Mais ce n'était pas de simples discussions qu’il me fallait, mais bien d’une opposition catégorique pour que je puisse penser à autre chose et me focaliser sur mes études, sur quelque chose de plus viable.

J'avais tout quitté, études, permis, voiture, travail… c'est bizarre parce que je me suis vraiment mariée en me disant que c'était la meilleure chose pour moi, que tout se passera bien, que c'est pas grave si je mets entre parenthèses ma future vie professionnelle... Je me suis dit qu'en tant que bonne épouse, je dois me consacrer à ma vie de femme mariée et de future mère. Et voilà que maintenant que tout me retombe sur la tête... C'est très douloureux, j'ai grandi et je ne suis plus cette fillette de 14 ans qui voyait la vie simplement, d'un air candide et naïf. J'étais un peu livrée à moi-même à cet âge-là et croyait bien faire...

En ce moment, je décide de me réintégrer professionnellement parlant, en effectuant une formation à distance dans l'audiovisuel, mais là, il n'est absolument pas au rendez-vous, et il ne me motive pas du tout. En fait, je pense qu'il est comme il est et que c'est sa nature après tout, il a reçu telle éducation et il vient de tel lieu, il ne nuit pas volontairement non, mais c'est sa personnalité, sa façon de comprendre les choses, d'expliquer les choses, de raisonner, de penser qui est en dissonance totale avec moi. En fait, on n'est pas si compatibles que ça ; au début, je le pensais, mais absolument pas en fin de compte. Je vous jure que ce sont mes enfants qui me retiennent de ne pas le quitter. Mais psychiquement, cette relation me nuit atrocement.

Que faire ? Un conseil, de l'aide, s'il vous plaît. Je ne vous ai pas tout exposé en détails et le message commence à être long. D'ailleurs, j'en suis désolée. Merci.

Lalla Chems En Nour, psychanalyste

Chère Sonia,

Merci pour cette lettre très claire et courageuse car vous y montrez un certain sens de la nuance en ne condamnant pas votre mari et en prenant vos responsabilités. Bien sûr, il faudrait pouvoir creuser pourquoi à 14 ans vous vous mettez ce projet dans la tête. Je peux supposer qu’à 14 ans, en pleine adolescence, vous ne pouvez pas prendre en compte les conséquences d’une décision pareille. Sans doute avez-vous subi l’influence de membres de votre famille, de l’entourage familial.

D’ailleurs, vous admettez qu’une interdiction vous aurait évité cette erreur. Cependant, auriez-vous accepté alors qu’on vous interdise de vous marier ? Ce n’est pas certain. Ce que je voudrais souligner, c’est le fait que vous attendez que les autres vous poussent, vous aident, vous soutiennent. C’est certes légitime, mais la vie est en train de vous apprendre que vous êtes la seule responsable des décisions que vous prenez. Je devine, à vous lire, que vous avez pu manquer de conseils avisés, de parents soutenants et soucieux de votre intérêt plus que des convenances sociales de votre milieu. Là est sans doute la raison de votre (mauvais) choix.

Vous semblez attendre de votre mari qu’il vous soutienne dans votre choix de reconversion professionnelle. Qu’il vous pousse comme vous dites. Tout en reconnaissant à votre manière que vous ne pourrez pas changer votre mari. Conclusion ? Ayez le courage d’assumer vos choix, formez-vous pour vous, dans votre intérêt. Si vous y trouvez de l’épanouissement, cela ne peut que vous aider à améliorer votre relation de couple. C’est cela être adulte, c’est assumer ses choix. Et vos enfants pourront être fiers d’avoir une maman qui s’assume. Une fois qualifiée professionnellement, vous verrez bien plus tard quel choix faire, si vous êtes toujours insatisfaite.

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