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Politique

« Séparatisme islamiste » : la Grande Mosquée de Paris dénonce des propos « mensongers » de Blanquer

Rédigé par | Lundi 24 Février 2020 à 17:15

           

La loi islamique a-t-elle remplacé la loi républicaine dans certains quartiers de France ? Oui, pour Jean-Michel Blanquer, dont les propos ont fait bondir élus et habitants des communes de Roubaix ou encore de Maubeuge, dans le Nord, cités en exemple par le ministre de l'Education nationale. La Grande Mosquée de Paris a également dénoncé la sortie du ministre, appelant à ne « pas accepter que la caricature fasse office de constat sociologique ».



Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, persiste et signe. A ses yeux, dans certains territoires comme Roubaix, Maubeuge et Garges-les-Gonesse, la loi islamique aurait remplacé la loi républicaine. « Ce sont des endroits où certains ont, en quelque sorte, pris le pouvoir dans la rue (...) et ça se voit, il suffit d’y aller », a-t-il déclaré sur France Info le 19 février, au lendemain du discours d'Emmanuel Macron dédié au séparatisme.

Face au mécontentement des maires de Maubeuge et de Roubaix, qui ont invité le ministre à rendre visite à leurs communes au-delà des clichés, ce dernier n’a rien renié de ses propos, bien au contraire. « Ce sont des villes où, depuis de nombreuses années, l'espace public a été envahi par certaines manifestations religieuses », a-t-il déclaré sur BFM TV dimanche 23 février, pointant du doigt la responsabilité des élus locaux. « Le rôle des municipalités est d'aller à l'encontre de ces tendances anti-républicaines », a-t-il signifié.

Des propos qui « frise l’irresponsabilité »

Le député LREM du Nord, Christophe di Pompeo, a accusé, lundi 24 février, Jean-Michel Blanquer de « stigmatiser un territoire et ses habitants », jugeant que le ministre de l’Éducation « frise l’irresponsabilité » avec des propos qui « alimentent des discours discriminatoires et populistes qui ont le vent en poupe ».

« Permettez-moi de vous dire que votre déclaration n’est pas à la hauteur de ce que nous attendons de vous en tant que ministre de la République », a-t-il fait savoir dans une lettre adressée au ministre et dont l’AFP a obtenu copie. « En choisissant de s’attaquer au séparatisme, le président de la République a ciblé une pratique antirépublicaine sans mettre en cause tous ceux qui respectent les lois de la République. (...) Votre déclaration est tout autre et va à l’encontre de la volonté qui est la nôtre : elle stigmatise un territoire, une ville et ses habitants », a assuré le député.

« Parler de "lois islamiques" appliquées localement est tout simplement mensonger »

La Grande Mosquée de Paris a fait part de sa « stupéfaction » face à la déclaration « aussi surprenante qu’inacceptable sur France Info ». Son « affirmation surréaliste », non étayée sérieusement, a fait bondir le recteur Chems-Eddine Hafiz, qui se dit stupéfait de « constater qu’un membre du gouvernement se permet, lorsqu’il s’agit des musulmans, d’emprunter avec une extraordinaire légèreté la rhétorique d’un commentateur ou d’un polémiste en quête de propos sensationnalistes. Les sujets relatifs à l’islam politique méritent autre chose qu’un traitement aussi fantaisiste ».

« Soyons sérieux ! Il y a en France des communes et des cités qui ont été littéralement abandonnées par la puissance publique depuis une quarantaine d’années. La ghettoïsation de ces lieux n’est pas le fait des seuls musulmans. À ce titre, si le gouvernement actuel n’est pas l’unique comptable d’une situation héritée, il doit nécessairement assumer les errements de l’État en matière de politique de la ville et de lutte contre les courants diffusant l’islamisme. Il ne doit pas se décharger sur la communauté (musulmane) dans son ensemble », indique le recteur, qui dénonce au passage « les liens contre-nature entre islamistes et élus, qui ont participé largement à créer des situations inextricables ».

« Cela étant dit, se permettre de parler de "lois islamiques" appliquées localement est tout simplement mensonger », signifie le recteur, pour qui les propos de Jean-Michel Blanquer est de l’ordre d’une sortie « qui ne sert qu’à nourrir des théories conspirationnistes notamment diffusées par des milieux d’extrême droite » mais aussi « une injure contre les musulmans respectueux des lois, les associations locales attachées à notre modèle républicain et enfin les habitants des quartiers cités ».

« Stigmatiser de la sorte des populations est inacceptable. L’approximation volontaire du ministre, qui s’apparente davantage à un dérapage contrôlé, dans une période préélectorale où toutes les surenchères sont visiblement permises, ne doit pas passer inaperçue, car elle fragilise ce que nous voulons incarner et vise à un entretenir un incendie allumé par plusieurs années d’inconsistance gouvernementale », affirme-t-il encore, avant de conclure qu’« il n’est aujourd’hui dans l’intérêt de personne de rabaisser la qualité du débat » et que « nous ne pouvons pas accepter que la caricature fasse office de constat sociologique ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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