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Arts & Scènes

Rock the Kasbah : pleins tubes à l’Institut des cultures d’islam

Rédigé par | Samedi 4 Mars 2017 à 08:00

           

Du 7 mars au 30 juillet, c'est sur les rythmes des chants, des battles, des mélodies aux sonorités urbaines matinées de sons traditionnels que l’Institut des cultures d'islam va faire voguer les visiteurs. Entre interdiction religieuse et libération créatrice, la musique est au cœur de l'exposition « Rock the kasbah », clin d'œil assumé à la chanson du groupe The Clash.



The Contingent #5, une œuvre de Jompet Kuswidananto, un des dix artistes exposés dans « Rock the Kasbah », une programmation proposée par l'Institut des cultures d'islam, qui interroge les « effets de la musique et du son sur les corps, les consciences et les âmes ».
The Contingent #5, une œuvre de Jompet Kuswidananto, un des dix artistes exposés dans « Rock the Kasbah », une programmation proposée par l'Institut des cultures d'islam, qui interroge les « effets de la musique et du son sur les corps, les consciences et les âmes ».
Écouter de la musique est un vilain péché. C’est l’avis qui circule dans de nombreux écrits traduits et provenant des pays du Golfe, déversés depuis plus de 25 ans dans les librairies francophones dites islamiques. Un avis amplifié avec l’avènement des réseaux sociaux où les cyberimams font œuvre de prosélytisme avec bien plus d’efficacité que ceux qui prêchent dans les mosquées locales. C’est ainsi que la musique ferait « naître le mal, l’hypocrisie, les choses mauvaises » et que pour « celui qui écoute de la musique (...) il y a un risque qu’Allah le transforme soit en porc, soit en singe », avait dit l’« imam » de Brest Rachid Abou Houdeyfa, filmé dans une vidéo qui avait fait polémique en 2005, mais qui n'avait que repris une parole censée provenir du Prophète même de l'islam (hadith). Dans les années 1980, l’ayatollah Khomeini y était également allé de sa fatwa (avis juridique) interdisant le rock en Iran.

De quoi inspirer The Clash, le groupe punk britannique, qui s’était fait connaitre au-delà du cercle des « No future » de l’époque, en dénonçant cette fatwa avec leur chanson Rock The Casbah au rythme joyeux et dansant, et qui devint, en 1982, leur plus gros succès. Celle-ci fut d’ailleurs reprise en 2004 par le chanteur franco-algérien Rachid Taha, redonnant au tube punk-rock une nouvelle jeunesse avec des accents de world music.

Regard décalé sur les musiques en pays d’islam

Reprenant ce titre pour nommer sa nouvelle programmation de printemps, l’Institut des cultures d’islam (ICI) propose, du 7 mars au 30 juillet, à travers l’exposition « Rock the kasbah », de jeter un regard tout en finesse et non moins décalé sur les musiques en pays d’islam. Comme à son habitude, l’ICI rythme l'exposition par l'accompagnement de nombreux événements pluridisciplinaires (projections-débats, ateliers, conférences, spectacles, concerts…). Les artistes exposés ? Adel Abidin, Philippe Chancel, Hiwa K, Katia Kameli, Jompet Kuswidananto, Christian Marclay, Angelica Mesiti, Magdi Mostafa, Sarah Ouhaddou, Siaka Soppo Traoré, James Webb. Encore peu connus du grand public, ils promettent pourtant de l’étonner.

L’installation Sound Cells (Friday), de l’Egyptien Magdi Mostafa, plonge le visiteur dans l’ambiance sonore des quartiers populaires du Caire le vendredi, jour de prière collective et de grande lessive. Cette œuvre, composée de micros, d’enceintes, de sons enregistrés dans la ville et de tambours de machines à laver, pointe la séparation genrée des rôles dans les sociétés à majorité musulmane, à la jonction du conservatisme religieux et de la modernité globalisée.

Combinant humour et critique politique, l’artiste irakien Adel Abidin fait interpréter des chansons d’amour, originellement écrites à la gloire de Saddam Hussein, par des chanteuses finlandaises pop et lounge, sans que ces dernières en comprennent les paroles. Dans sa vidéo Bread of Life, il filme un quatuor de percussionnistes qui jouent sur des galettes de pain rassis en guise de darboukas : belle métaphore de la famine en temps de guerre, où le gargouillement des ­estomacs vides ne peut être rempli que par les rythmes des percussions.

Retour à Paris, dans le quartier de Barbès, qui a joué un rôle actif dans la diffusion du raï dans les années 1990. L’installation vidéo Ya Raï, de la Franco-Algérienne Katia Kameli, réalisée pour l’exposition, rend hommage à ce genre musical très écouté sur walkmans et ghettos-blasters.

Parmi les autres artistes : Philippe Chancel pose son regard photographique sur la jeunesse « black blanc beur » du Paris des années 1980 et l’Indonésien Jompet Kuswidananto donne à voir une œuvre forte en symboles, constituée d’une fanfare-fantôme désincarnée dont il ne reste que les instruments.

Côté sons, l’Institut des cultures d’islam nous en met plein les oreilles : weekend hip-hop, karaoké franco-arabe, battle de clips, soirée berbère, hammam mix, concerts électro-rock, sans oublier des moments plus classiques de psalmodies, de riffs de oud et poésie syrienne sur fond de jazz.

Visites guidées gratuites de l’exposition « Rock the kasbah », à 15 heures, les 11 mars, 29 mars, 15 avril, 29 avril 2017 et le 13 mai ; sur réservation : accueil@institut-cultures-islam.org.
En savoir plus www.rockthekasbah.fr



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur


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