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Quant les Hauts-de-Seine se penchent sur la diversité

Rédigé par Fouad Bahri | Lundi 9 Juillet 2007 à 13:18

           

Organisé en partenariat avec des associations consacrées à la formation et l’emploi, un forum intitulé « Emplois en divers’cités » s’est ouvert, la semaine dernière, à Boulogne-Billancourt, sous la direction de la préfecture des Hauts-de-Seine.



Diversité. Ou plus exactement, Divers’cités. C’est sous ce label incontournable, très à la mode quant on veut parler des inégalités sociales ou des discriminations professionnelles, que le département le plus riche de France a choisi d’organiser un forum, les 26 et 27 juin dernier, dédié à la question de l’emploi et de l’insertion professionnelle.

Avec la présence d’acteurs économiques aussi important que la DDTEFP (Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle des Hauts de Seine), de structures spécialisées sur la création d’entreprise comme Stragéfi, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, l’Association pour la promotion et le soutien à la création d’entreprise (APSIE), sur l’emploi (l’ANPE, l’AFPA et l’Assédic) ou d’associations telle que la Coordination Islam et société des Hauts de Seine (CIS 92), ce forum a permis de sélectionner deux cent curriculum vitae, dont trente, parmi eux, pourraient aboutir à une embauche.

Ce n’est pas le premier salon du genre. Le 29 mai, la ville de Paris, organisait déjà, en partenariat avec la région Ile-de-France, l’ANPE et la Cité des sciences et de l’industrie, le « Paris de la diversité et du premier emploi », un rendez-vous lui aussi consacré à l’épineuse question des discriminations dans l’emploi, qui touchent majoritairement les jeunes, les femmes et les français d’origines diverses.

Depuis la création de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), institution juridique mise à la disposition des citoyens et censée lutter contre les pratiques discriminatoires, il manquait des outils économiques adaptés à cette question du chômage des jeunes et de l’exclusion sociale. Le lancement de ces salons, qui permettent à des jeunes non qualifiés ou à des étudiants de rentrer directement en contact avec des employeurs, pourraient constituer une première réponse politique.

Ahmed Timsit à gauche, responsable de l'APSI (Association pour la promotion et le soutien à la création d'entreprise)
Ahmed Timsit à gauche, responsable de l'APSI (Association pour la promotion et le soutien à la création d'entreprise)

Une réponse aux émeutes

Pour les organisateurs de ce forum Divers’cités, tout a commencé au moment des émeutes de 2005. Prise au dépourvu et inquiète des développements sociaux de la nouvelle révolte urbaine, la préfecture des Hauts de Seine a aussitôt organisé une réunion d’urgence avec les associations du département, pour tenter de calmer les esprits.

Abdelkhallaq Khallouki, l’un des responsable du CIS 92, était présent à cette réunion. "Le préfet voulait savoir pourquoi cette révolte de banlieue avait éclaté. Nous lui avons répondu que l’une des raisons de cette révolte était l’exclusion sociale. De nombreux jeunes sont à la recherche d’un emploi mais aussi à la recherche de leur identité. Ce qui est frappant, c’est de constater que ces jeunes, qu’ils soient diplômés ou pas, ont du mal à trouver un emploi dans la société."
Des réunions ont suivi, avec des responsables politiques départementaux et des syndicats d’entreprises, tel que le Médef. A l’issu de ces réunions, le Préfet, Mr Delpioche à l’époque, décide d’organiser ce salon. L’initiative sera poursuivie par Michel Bar, son successeur.

Aujourd’hui, l’idée forte du salon Emplois en divers’cités est de créer des passerelles entre les jeunes et le monde de l’entreprise.

C’est cette vision que propose Bénédicte Cesso, coordinatrice régionale de l’AFIJ (l’association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes). "Nous proposons aux jeunes que nous suivons des offres de premier emploi, des stages en alternance, des rencontres avec les chefs d’entreprises ou des modules de formation « technique de recherche d’emploi » pour qu’ils s’organisent dans leur recherche, optimisent leur cv et se préparent à des entretiens".

Ces services sont essentiellement proposés à des publics en difficulté. "Nous assurons des suivis individuels pour des jeunes qui rencontrent des difficultés, souvent dues à des handicaps ou à des discriminations, en raison de leurs origines. Nous accompagnons aussi les étudiants, en manque d’expérience, de réseau relationnel et qui ne savent pas à qui s’adresser, en dépit de nombreuses offres professionnelles qui ne sont pas pourvues."

L’entreprise, une démarche individuelle

Dans le domaine de la création d’entreprises, les challenges sont tout aussi important. Lorsque nous l’interrogeons sur les raisons de sa participation au forum, Ahmed Timsit, responsable de l’APSI, nous en dévoile les enjeux. "Diversité, c’est le maître mot. Diversité dans la mixité de la population mais aussi diversité dans les solutions du retour à l’emploi. Aujourd’hui, la création d’entreprise est une voie à part entière de réinsertion ou d’entrée dans le marché du travail. A l’APSI, nous essayons de faire que cette solution par défaut devienne une solution choisie ".

Même si la création d’entreprise n’est pas toujours encore à la portée de tout le monde.
"La première barrière, est la barrière financière. Un créateur d’entreprise est d’abord un investisseur. Je dirais tout de même qu’il ne s’agit pas que d’investissement financier mais d’investissement multiple de temps, de compétences, de matériels. Cela correspond à un nouveau profil de créateur, dû à de nouvelles activités. On parle de plus en plus de services à la personne, de reprographie, de communication, pour lesquels finalement, l’investissement n’est pas si énorme. L’investissement est surtout intellectuel."

Mais quelles solutions proposer à ces jeunes créateurs, désargentés ou inexpérimentés, et qui veulent entreprendre ?

Réponse d’Ahmed Timsit. "Notre démarche est centré sur l’individu. C’est un investissement personnel. Pour commencer, nous faisons donc l’inventaire de cet apport personnel, c'est-à-dire de ces qualités individuelles, de l’entourage et des proches, de tout ce que chacun a, en soi.

Ensuite, nous apprenons aux personnes que nous conseillons à penser en terme de projet global, de projet de vie et non pas seulement de projet technique.

Il n’y a pas de bons ou de mauvais projets. Il y a de très bonnes idées qui tombent au mauvais moment et de très mauvaises idées qui peuvent tomber au bon moment, sans forcément faire long feu."


Enfin, sur le plan financier, tout un réseau d’acteurs, dans les Hauts de Seine et dans la région d’Ile-de-France, financent des créateurs d’entreprise, comme l’ADIE (l’association pour le droit à l’initiative économique), HDSI (Haut de Seine Initiatives) qui octroie des prêts d’honneurs, les aides de l’Etat avec des avances remboursables, dans le cadre de l’opération EDEN (Encouragement au développement des entreprises nouvelles), pour les bénéficiaires des minima sociaux. L’APSI, elle, intervient en amont de ce réseau d’acteurs, en finalisant et rédigeant le projet, pour qu’il soit bien ficelé.

Dans ce cadre, combien peut espérer obtenir un jeune créateur ? "Entre dix et quinze mille euros, s’il s’adresse à l’ADIE. Au maximum, toutes aides cumulées, entre vingt et trente mille euros de concours financiers, s’il répond aux critères, ce qui n’est pas toujours facile. Les banques sont aussi un acteur à part entière du système économique. Tout va dépendre de la maturité du créateur et de la qualité de son business modèle."

Sylvain Sadier de Hewlett Packard
Sylvain Sadier de Hewlett Packard

Le mur de verre

Mais ce salon de l’emploi n’a pas été utile qu’aux jeunes. Des entreprises, en quête de nouveaux profils, n’hésitent pas à y participer, pour compléter leur recrutement. C’est le cas de la société informatique Hewlett Packard, représenté par Sylvain Sadier.

"Nous avons quarante cinq nationalités différentes dans notre entreprise . La nouveauté, c’est que HP ne faisait pas, auparavant, des efforts particuliers sur la diversité. Nous croyions aux candidatures spontanées. Mais ce que nous avons remarqué, c’est qu’il existe ce qu’on appelle le plafond de verre, c’est-à-dire un obstacle, pour certains, à l’évolution et à la progression au sein de la hiérarchie. Nous avons découvert qu’il y a, en fait, un vrai mur de verre. Beaucoup n’osent pas faire acte de candidature chez des sociétés comme HP, Thalès ou EADS. Nous avons trouvé, par exemple, à la chambre de commerce de Nanterre, des cv en or. Mais ces personnes ne s’imaginaient pas travailler pour nous."


Pour HP, la pêche a donc été bonne, avec quinze entretiens et cinq embauche de jeunes diplômés. "Faire un tiers de sélection pour des candidatures, est un résultat excellent pour nous. En général, on est de l’ordre de 15 ou 20 %."

Finalement, en dépit d’une faible affluence au salon, les organisateurs considèrent que l’essentiel des objectifs ont été atteints. C’est le cas d’Abdelkhallaq Khallouki. "La plupart des entreprises ont répondu à l’appel et les jeunes ont pu venir rencontrer directement des employeurs. Il nous faudra, bien sûr, évaluer, dans les jours qui viennent, le bilan du salon et voir avec la préfecture, si nous renouvellerons l’expérience."




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