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Points de vue

Présidentielles en Côte d’Ivoire

Rédigé par Amara Bamba | Samedi 6 Novembre 2010 à 14:58

           

Les Ivoiriens ont eu droit à des élections dignes. Elles ouvrent une ère nouvelle, cinquante ans après l’indépendance. Une ère qui voit émerger des Ivoiriens capables de dépasser les clivages partisans naturels de ce pays, à l’image du Premier ministre Guillaume Soro.



Présidentielles en Côte d’Ivoire
Pays multiethnique, la Côte d’Ivoire n’est pas une nation. Elle est une mosaïque d’une soixantaine d’ethnies liées par l’étau de l’Histoire coloniale. En l'absence d'institutions fiables, les clivages naturels l’emportent sur l’intérêt national. Ce pays avait besoin d’hommes d’État. Félix Houphouët Boigny, premier Président, en était-il conscient ? Car il a refusé l’alternance du pouvoir et s’est appliqué à éliminer tout Ivoirien capable d’acquérir une envergure d’homme d’État. Houphouët est mort au pouvoir en 1993, ce fut le début du chaos.

Le branle-bas fut animé par ses héritiers Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Le premier, au pouvoir, a voulu enterrer le second. Avec le concept abject de l’« ivoirité », il voulut faire d’Alassane Ouattara un Ivoirien de seconde zone parce qu’originaire du Nord à majorité musulmane. Dans cette atmosphère de division ethnico-religieuse survinrent le premier coup d’État militaire puis un simulacre d’élections qui portèrent Laurent Gbagbo à la tête de l’État.

Avec le Front populaire ivoirien (FPI), le discours de Laurent Gbagbo était séduisant. Il transcendait les clivages ethniques et religieux. Le FPI rallia des Ivoiriens de tout bord, qui rêvaient d’alternance démocratique au pouvoir houphouétiste.

Mais les intentions du Président Gbagbo furent contraires à son discours. Le FPI se divisa et plongea le pays dans la guerre civile entre le Nord et le Sud. Le Nord contestait la Constitution, en exigeant les mêmes droits pour tous les Ivoiriens. Le Sud exigeait le respect des textes en vigueur. Il faudra près d’une décennie et une médiation internationale pour résoudre l’énigme.

Ce 31 octobre 2010, le premier tour des élections présidentielles ivoiriennes place un animal politique, Laurent Gbagbo (38 %), face à un militant de l’unité nationale, Alassane Ouattara (32 %). Ils écartent Konan Bédié (25 %), incarnation de l’ancien ordre houphouétiste.

Les scores dans le Nord indiquent que M. Gbagbo n’a pas l’étoffe d’un chef d’État. Il est perçu comme un opportuniste expert en petites intrigues politiciennes. Alassane Ouattara non plus n’a pas acquis l’envergure d’un homme d’État. Il est perçu comme l’imposteur, venu du Burkina Faso, pour toquer à la porte de la Côte d’Ivoire. Ses scores dans le Sud l’attestent.

Houphouët a régulièrement tué l’homme d’État ivoirien dans l’œuf. Ces femmes et ces hommes de conviction, capables de s’élever au-dessus des clivages et intérêts partisans pour incarner l’intérêt national avec intégrité, la Côte d’Ivoire en a produits. Houphouët les étouffait ou les explosait en plein vol. Laurent Gbagbo a su lui échapper, c’est le plus beau de ses mérites. Mais c’était avant d’arriver au pouvoir.

Aujourd’hui, Guillaume Soro, Premier ministre ivoirien, revêt cette stature d’homme d’État dont la Côte d’Ivoire a tant manqué. Malgré sa popularité, M. Soro a choisi le rôle d’« arbitre des élections ». Il en fallait bien un, il l’a fait. Et il a réussi la première manche.

Laurent Gbagbo ou Alassane Ouattara, le prochain Président ivoirien devra combattre des clivages profonds, dont il se sera servi pour se hisser au pouvoir. Pour l’un comme pour l’autre, ce défi est incontournable. Et, incontestablement, l’avenir de la Côte d’Ivoire en dépend.






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