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Points de vue

Palestine, nouvelles perspectives de paix

Rédigé par Arif Kamar | Vendredi 25 Février 2005 à 00:00

           

Le mercredi 19 janvier 2005, sur l’initiative du Gups, (l’Union internationale des étudiants de Palestine) et de l’Adala (Association des étudiants de Sciences Po pour une paix juste au Proche-Orient), s’est tenue une conférence-débat à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Bertrand Badie, Jean-François Legrain et Pénélope Larzillière sont intervenus sur le thème « Recomposition des structures dirigeantes en Palestine. Quelles perspectives pour une reprise du processus de paix ? » Il s’agissait de donner leur analyse des premières élections palestiniennes après le décès de Yasser Arafat afin d’en saisir la portée interne et internationale ainsi que l’espoir de paix qui peut en découler.



Le mercredi 19 janvier 2005, sur l’initiative du Gups, (l’Union internationale des étudiants de Palestine) et de l’Adala (Association des étudiants de Sciences Po pour une paix juste au Proche-Orient), s’est tenue une conférence-débat à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Bertrand Badie, Jean-François Legrain et Pénélope Larzillière sont intervenus sur le thème « Recomposition des structures dirigeantes en Palestine. Quelles perspectives pour une reprise du processus de paix ? » Il s’agissait de donner leur analyse des premières élections palestiniennes après le décès de Yasser Arafat afin d’en saisir la portée interne et internationale ainsi que l’espoir de paix qui peut en découler.

 

 

La nouvelle donne géopolitique du conflit israélo-palestinien

Par Bertrand Badie

Docteur agrégé de Sciences Po et professeur de Relations Internationales à l’Institut de Sciences Politiques de Paris

 

Il apparaît nécessaire, avant toute autre chose, de prendre en compte la complexité de ce conflit.

La première ambiguïté réside dans la simplification qui consiste à placer ce conflit dans une logique d’affrontement entre deux puissances égales. Il ne s’agit pourtant pas d’un conflit entre deux Etats mais plutôt celui d’un Etat contre un peuple. Les parties en opposition sont d’une part, une puissance militaire, économique, institutionnelle et technologique - celle de l’Etat d’Israël - de l’autre, des acteurs sociaux démunis et finalement impuissants – le peuple palestinien. Le déséquilibre entre les forces en présence est par conséquent incontestable.

Depuis un certain temps, il semble que le conflit proche oriental soit amplifié dans cette asymétrie. En effet, la communauté internationale fausse complètement le jeu diplomatique en proclamant une « fausse » symétrie du conflit et de ce fait, le mouvement palestinien se trouve privé de toute puissance car nié dans son existence même.

La fin de la bipolarité, la crise des nationalismes régionaux, l’intervention unilatérale des Etats-Unis, le processus de désinstitutionalisation de la société palestinienne : tous ces facteurs conduisent à une dangereuse ascension de la violence sociale au sein de la population palestinienne.  Humiliée et frustrée, celle-ci réagit face à l’injustice par des poussées identitaires violentes et non canalisables qui constituent un réel danger dans l’aggravation du conflit.

 

Les enjeux des élections du 9 janvier 2005

Jean-François Legrain

Historien de la Palestine et chercheur à la Maison de l’Orient (CNRS) à Lyon.

 

La disparition de Yasser Arafat a ouvert plusieurs successions, dont trois importantes : la présidence du Fatah, celle de l’Autorité et de l’Autonomie, et enfin la présidence de l’OLP.

Le 9 janvier 2005, Mahmoud Abbas est élu Président du comité exécutif de l’OLP, seule institution reconnue internationalement comme habilitée à représenter les Palestiniens et à signer des accords internationaux.

Le résultat des élections est cependant à relativiser. Le nombre des électeurs potentiels et celui des inscrits n’étant pas clairement déterminé, il est important de ramener le score des 62% de votes attribués à M. Abbas à une proportionnelle plus mesurée. Contrairement à ce que l’on veut laisser transparaître, cette élection est loin de constituer un véritable raz de marée en faveur de M. Abbas. A cela s’ajoutent les soupçons de fraude concernant certaines irrégularités telles les votes sans présentation de carte d’identité, l’utilisation d’encre non indélébile, le système de comptage, entre autres.

Au-delà du mode de scrutin et des conditions administratives et techniques de l’élection, il convient de s’interroger sur la signification du choix du candidat. Il semblerait que le plébiscite de Mahmoud Abbas ne soit pas un choix idéologique mais plutôt une mobilisation dans l’urgence pour désigner le futur chef de l’OLP. Il est clair que M. Abbas n’a pas été élu sur son programme de démilitarisation de l’Intifada et de défense de la coexistence entre les deux Etats car il n’est pas le seul à œuvrer en ce sens. Une grande partie de l’électorat est en fait composée d’islamistes et de nationalistes déçus auxquels s’ajoutent ceux qui ont choisi de privilégier les enjeux liés à la société civile comme la lutte anti-corruption.

En dépit de la réouverture des négociations, prônée notamment par tous ceux qui voyaient en Arafat un obstacle à la paix, l’avenir des Palestiniens apparaît encore bien sombre. Les propositions faites sont largement insuffisantes et les conditions objectives de l’absence de paix sont toujours là. La situation économique catastrophique, le blocage des denrées, les bombardements de maisons, la poursuite de la construction du mur sont autant de paramètres qui font à ce jour le quotidien accablant des Palestiniens. Et cela sans aucune dénonciation de la communauté internationale.

 

Les élections perçues par la population palestinienne

Par Pénélope Larzillière

Sociologue et chercheuse à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Elle a notamment traité la question des kamikazes palestiniens.

 

Les récentes élections donnent lieu à un discours de renouvellement des espoirs de paix, mais en termes objectifs, il faut plutôt constater une situation de statut quo vécue par les Palestiniens. Alors pourquoi un tel décalage ? Principalement parce que nombreux sont ceux qui ont taxé Yasser Arafat de tous les maux et l’ont considéré comme le principal blocage au processus de paix. Or, en réalité, quel que soit le programme de Mahmoud Abbas, il y a plutôt continuité que rupture avec son prédécesseur, en ce qui concerne son action politique. Et pour l’instant l’ensemble de ces propositions ne constitue pas une nouveauté.

Aujourd’hui, le sentiment de domination et l’incertitude subis par les Palestiniens les conduit à  lutter sans stratégie ni illusion de voir les choses évoluer à court ou moyen terme. Dans l’immédiat, la volonté de vengeance au coup par coup constitue le principal motif des attentats-suicides, eux-mêmes destinés à accréditer l’idée d’un ennemi malgré tout faillible.

Pour l’ensemble de la population, la possibilité de voir naître un jour un Etat palestinien s’inscrit dans un horizon de victoire très lointain et dans l’état actuel, les élections, les discours et tout ce qui a trait à la sphère politique connaît auprès des Palestiniens une forte crise de légitimité.

 

Conclusion

 

Un constat alarmant et la perspective d’un avenir plus qu’incertain ne doivent pourtant pas masquer ou anéantir les espoirs de paix. Pour exemple, il faut d’abord souligner l’importance de la tenue des élections le 9 janvier 2005, car celles-ci rendent compte d’une réelle volonté démocratique. Malgré certaines imperfections, il serait inopportun de minimiser la portée d’un événement qui marque, quoiqu’il en soit, un tournant dans l’histoire du conflit au Proche-Orient.

L’idée d’un processus de paix revivifié est certainement fausse car un changement de direction ne donne pas forcément lieu à un changement de situation et c’est le cas actuellement. Mahmoud Abbas risque en effet d’être confronté aux mêmes difficultés que Yasser Arafat, et tant que primera la logique sécuritaire et unilatérale des Israéliens, le nouveau président de l’OLP restera privé de légitimité.

A ce stade avancé du conflit, les conditions de la négociation reposent sur une nécessité : le retour à la réciprocité et la restauration par l’ensemble de la communauté internationale de la primauté du droit sur la force.





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