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Points de vue

Nos démocraties sont menacées par de potentielles majorités dangereuses et démagogiques

Rédigé par Olivier Abel et Mohammed El Mahdi Krabch | Mercredi 22 Novembre 2023 à 11:00

           


Un processus global est en cours, qui s’accélère, c’est l’affaiblissement des démocraties européennes. Il est d’abord dû à l’inconscience trop fréquente avec laquelle nombre de leurs dirigeants gardent l’œil rivé sur les sondages d’opinion, se soumettant à quelques questions démagogiques qui leur masquent souvent les questions réelles, avec des effets catastrophiques. Et la politique de forteresse assiégée qui refuse tous les visas conduit trop souvent des étudiants pourtant francophones d’Afrique, du Maghreb ou d’Orient, à partir vers la Chine plus accueillante ou d’autres pays émergents, plus confiants en eux-mêmes.

Les autres pays sont de plus en plus dubitatifs quant à l’effectivité du droit international et des valeurs démocratiques dont nous nous étions fait les champions. Le Sud global accuse l’Occident d’hypocrisie et de double standard parce qu’on assiste à beaucoup de contradictions et d’incohérences dans ses réponses aux crises actuelles internes et externes. Cela renforce incontestablement le ressentiment, la suspicion et le complotisme. Pour la France, ce n’est pas seulement qu’elle oublie le monde, c’est qu’elle oublie sa propre mondialité, sa pluralité d’ailleurs ancestrale, mais désormais indissociable de son avenir. Or les cicatrices de la période sont réactivées à l’envi, comme s’il fallait rouvrir et envenimer les blessures, par une perpétuelle humiliation.

La République doit remplir son rôle de médiateur dans la résolution des conflits

Nos démocraties sont ainsi menacées par de potentielles majorités dangereuses qui voudraient refaire l’unité du corps social en fabriquant un corps étranger à rejeter et expulser. Et ce processus est suicidaire car, une fois lâché et attisé, il génère une rancœur sociétale ou identitaire sans autre fin que la furie de la destruction mutuelle. La République ne peut pas se trahir dans ses valeurs de liberté, égalité et fraternité. Elle doit remplir pleinement son rôle de médiateur dans la résolution des conflits tant au niveau national qu’international. Les Lumières voulaient l’émancipation et la dignité de l’Homme, et n’étaient pas une révolte contre la religion, mais contre l’interprétation dominatrice qui en était donnée.

Pourquoi la parole religieuse est-elle aujourd’hui si souvent embarrassée, humiliée, comme écrasée entre la dérision et le fanatisme ? Certes il y a des entrepreneurs de parole religieuse qui sont bien peu embarrassés car, dans leur milieu, l’embarras serait un aveu de faiblesse de la conviction ! Cependant, l’ironie à l’égard de la religion n’est pas très embarrassée non plus, habituée à faire taire la question.

Dans nos médias, on parle beaucoup de la religion mais on ne laisse pas beaucoup s’exprimer la parole religieuse ; on la cantonne, on la dénigre, elle devient amère et réactionnaire. On explique tout ce qui va mal par un passé religieux ramené à quelques stéréotypes. On n’hésite pas à donner à la laïcité la forme inédite de lectures humiliantes, infantilisantes, méfiantes, sinon méprisantes. On n’encourage guère la critique interne, proprement théologique, des traditions, on ne voit pas qu’il y existe des traditions extrêmement critiques et novatrices.

Le refus que le religieux soit autre chose qu’une affaire purement individuelle et privée ont eu des effets désastreux

La question religieuse a profondément à voir avec l’humiliation du sujet parlant. C’est d’abord par la parole, par le langage, que les sujets donnent forme à leur vie. Comment instituer des sujets parlants, comment les créditer d’une parole, d’une confiance dans leur parole et celle des autres, si on ne cesse d’humilier leur langage ?

Le dialogue interreligieux ou interconvictionnel doit exclure tout préjugé social, culturel ou religieux ; il doit s’engager sincèrement et sans hypocrisie pour une meilleure reconnaissance objective et mutuelle.

Nos démocraties individualistes n’ont pas voulu voir que la culture est toujours liée à une forme de vie. Le refus que le religieux soit autre chose qu’une affaire purement individuelle et privée, la manière dont nous avons fait en sorte que les individus soient autant que possible soustraits à tout milieu religieux, ont eu des effets désastreux, ils ont ruiné la transmission, mais aussi l’inventivité de ces milieux.

La sécularisation ne signifie pas la négation des religions mais plutôt la possibilité d’attester d’une religion ou d’une conviction loin du conformisme communautaire ou social. L’Etat est laïc en France mais la société française n’est pas laïque car la laïcité n’est pas une religion mais un principe juridique protecteur de la diversité des convictions.

*****
Olivier Abel est philosophe, professeur d’université et membre de l’académie de Nîmes. Mohammed El Mahdi Krabch est théologien, juriste et membre correspondant de l’académie de Nîmes.




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par François CARMIGNOLA le 23/11/2023 09:01 | Alerter
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"Le refus que le religieux soit autre chose qu’une affaire purement individuelle et privée" propre à la laïcité à la française a effectivement ruiné le religieux catholique comme religion de masse pour les raisons données ici. Il espère faire de même de la religion musulmane, cela est clair, quitte à provoquer, puis à briser le radicalisme qui en serait issu.

L'argument d'une France qui ne serait pas "laïque" car la laïcité ne serait pas une religion, oublie l'athéisme majoritaire, qui n'ayant pas de parole publique ne peut supporter les manifestations publiques du religieux quel qu'il soit... Le seul moyen de le respecter est de rendre le religieux discret, ce qui est demandé.

2.Posté par François CARMIGNOLA le 23/11/2023 20:48 | Alerter
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Je me permettrais de rajouter ici, mais est-ce lieu adéquat, que Saphirnews ne s'inquiète toujours pas des retombées de l'affaire de Crépol...

3.Posté par Premier janvier le 01/12/2023 22:23 | Alerter
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François. Vous oubliez un paramètre. Lorsque l'on dit je suis sans religion, c'est que l'on sait dire ce que c'est. Ce qu'il y a dedans.
Et ça marche avec tout.
Si l'on dit de ce que l'on est, que l'on l'est par rapport à quelque chose, c'est que l'on ne sait pas dire qui l'on est
C'est qui l'on est qu'il faut dire. Et pas qui l'on est pas.
Si je dis, je ne suis pas poète, je dis de la poésie que je sais ce que c'est et pas le contraire. Que je ne sais pas ce que c'est.
Si je dis de la poésie que je sais ce que c'est. Sans jamais en faire la démonstration. Je peux dire de tout ce qui existe que je sais ce que c'est.
Non pas savoir dire ce qu'il y a dedans mais savoir dire ce que c'est.

4.Posté par Premier janvier le 01/12/2023 22:36 | Alerter
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L'affaire Crépol. Sacré François.
Tiens j'ai lu ça. Je vais le mettre.
Je suis une personne qui ne lit les infos que par période.
Dont en ce moment fait parti. L'affaire Crépol.
J'aurais pu ne pas la lire. Mais il se trouve que j'ai l'ai lue.
Si par hasard je n'avais pas allumé internet, je serais un autre.
Je ne serais pas moi. Mais qui alors!
Après tout le monde est je.
Comme l'a dit Rimbaud. Je est donc forcément un autre.

5.Posté par François CARMIGNOLA le 03/12/2023 19:15 | Alerter
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@101 Parler de l'affaire de Crépol semble hors sujet ici, et c'est un peu vrai, mais cela a un rapport tout de même : appartenance, identité, religion discrète ou supposée, racisme et résistance des cultures; tout cela est abordé ici.

D'abord la question du corps étranger "fabriqué" pour être rejeté ou expulsé.
Tout est dans le "fabriqué". La discussion porte donc sur la nature de ce qui est rejeté, s'il est essentiel ou non au groupe à qui on est ainsi accusé d'identifier CE qui est rejeté.

Crime raciste commis par une bande (ou des bandes) de jeunes délinquants mettant en coupe réglée un quartier (la maire de Romans-sur-Isère pour avoir identifié les assassins à ces groupes par ailleurs connus, est menacée de mort).
A-t-elle dénoncé le quartier ou ce qui le pourrit ?

Crimes de fous furieux commis contre des professeurs ou des passants, infectés par les théories aberrantes effectivement émises par les propagandistes insidieux de formes aberrantes de l'islam.
Dénonce-t-on les musulmans dans leur ensemble si on refuse et dénonce les signes extérieurs d'appartenance ou les revendications politiques et géopolitiques de ces propagandes-là ?
Est ce dénoncer l'islam que de dénoncer ce qui le rend invivable ?

6.Posté par Premier janvier le 04/12/2023 21:27 | Alerter
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François. Vous ne savez faire que rapporter.
Tiens j'ai lu ça. Je vais le mettre.
Le bourreau est Arabe. Je vais caser le mot islam.
L'islam, la religion des Arabes.
L'islamophobie est un anti sémitisme.

7.Posté par Premier janvier le 04/12/2023 21:31 | Alerter
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Crime contre l'Humanité à Crépol. Un mort.
Le bourreau est Arabe.


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