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La loi de compétence universelle abrogée par les députés belges

Rédigé par Zaïri Rachid | Lundi 4 Août 2003 à 00:00

           

Les députés belges ont adopté la semaine passée un projet de loi sur les violations graves du droit international humanitaire, qui remplace celle dite de 'compétence universelle', dénoncée notamment par les Etats-Unis. Introduit en 1993, le précédent texte avait suscité plusieurs incidents diplomatiques. Il avait permis le dépôt de plaintes contre George W. Bush et Ariel Sharon. Les incidents étaient tels que le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld avait fait part de la réticence de Washington à envoyer ses représentants à Bruxelles pour des réunions de l'OTAN. Rumsfeld s'était également dit opposé à augmenter la contribution américaine pour le nouveau siège de l'OTAN…



Les députés belges ont adopté la semaine passée un projet de loi sur les violations graves du droit international humanitaire, qui remplace celle dite de 'compétence universelle', dénoncée notamment par les Etats-Unis. Introduit en 1993, le précédent texte avait suscité plusieurs incidents diplomatiques. Il avait permis le dépôt de plaintes contre George W. Bush et Ariel Sharon. Les incidents étaient tels que le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld avait fait part de la réticence de Washington à envoyer ses représentants à Bruxelles pour des réunions de l'OTAN. Rumsfeld s'était également dit opposé à augmenter la contribution américaine pour le nouveau siège de l'OTAN…

La loi de 'compétence universelle'

La loi de 1993 rendait les tribunaux belges compétents pour juger des crimes de guerre quels que soient l'endroit où ils ont été perpétrés et la nationalité de leurs auteurs ou de leurs victimes.

Autrement dit, aux termes de la loi de compétence universelle adoptée en 1993, des plaintes pour crimes de guerre peuvent être déposées devant les tribunaux belges, quel que soit l'endroit où se sont produits les événements et la nationalité des personnes visées.

La loi belge avait été utilisée la première fois en 2001 pour inculper deux religieuses accusées d'avoir participé au génocide rwandais. De nombreuses autres plaintes avaient ensuite été déposées.

Ariel Sharon fût accusé pour son rôle présumé dans les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila en 1982 au Liban, alors qu'il était ministre de la défense.

Cette loi avait également donné lieu à tout une série de dépôts de plaintes contre George Bush et des responsables de l'administration américaine pour crimes de guerre en Irak.

De vives réactions et les premières mesures prises par la Belgique

La loi avait donné lieu à plusieurs incidents diplomatiques. Ainsi, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld avait fait part de la réticence de Washington à envoyer ses représentants à Bruxelles pour des réunions de l'Otan. Rumsfeld s'était également dit opposé à augmenter la contribution américaine pour le nouveau siège de l'Otan.

Les Etats-Unis avaient en effet exercé d'intenses pressions pour obtenir l'abrogation du texte, faisant planer même la menace d'un déménagement du siège de l'Otan, situé depuis 1967 dans la capitale belge.

La Belgique avait déjà pris des mesures visant à 'adoucir' sa loi. Il avait ainsi été décidé de transférer les dossiers aux autorités judiciaires du pays d'origine de l'accusé s'il s'agissait d'un pays démocratique capable de traiter l'affaire de manière équitable. Ce fut par exemple le cas avec des plaintes déposées contre George Bush et Tony Blair à propos de la guerre en Irak.

Le nouveau projet de loi abroge de facto la loi de 1993

Les députés belges ont approuvé un projet de loi abrogeant la loi de compétence universelle.

Le texte, qui a été examiné par la commission judiciaire de la Chambre des représentants et passé devant le Sénat belge la fin de la semaine dernière, a été adopté en séance plénière de la Chambre à une large majorité par 89 voix pour, trois voix contre et 34 abstentions, selon l'agence Belga. Le texte devra alors être signé par le roi Albert II afin de devenir une loi.

Le nouveau projet de loi abroge de facto la loi de 1993 et réduit très nettement la possibilité qui avait été donnée depuis aux tribunaux belges de poursuivre des crimes contre l'humanité. Une fois le nouveau dispositif en vigueur, des poursuites ne seront possibles que lorsque l'affaire aura un 'lien de rattachement' avec la Belgique. En effet, la nouvelle législation, le droit d'ouvrir une procédure sera désormais réservée aux Belges ou aux étrangers résidant dans le pays depuis au moins trois ans à la date du crime.

Les plaintes contre des étrangers resteront possibles mais sous des conditions très strictes et devront respecter les règles internationales en vigueur sur l'immunité. Une plainte contre un étranger ne se traduira plus automatiquement par la nomination d'un magistrat instructeur. Par ailleurs, les plaignants ne pourront plus faire appel de la décision du parquet.

La décision d'abroger la loi avait été prise le 12 juillet dès la formation du nouveau gouvernement de coalition associant les libéraux du Premier ministre Guy Verhofstadt et du chef de la diplomatie belge socialiste, Louis Michel, suite aux intenses pressions exercées par les Etats-Unis et l’Angleterre.

Irritation des défenseurs des droits de l’Homme : 'une gifle pour les victimes'

La décision d'abroger la loi avait suscité ces dernières semaines de vives critiques de la part d'organisations de défense des droits de l'homme comme Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International. 'L'abrogation de la loi de 1993 relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire est une gifle pour les victimes des crimes de génocide, de guerre ou contre l'humanité, et pour les citoyens du monde entier', avait déclaré Philippe Hensmans, directeur de la branche belge de l'organisation de défense des droits humains.

En début de semaine dernière, Guy Verhostadt avait pour sa part défendu sa proposition devant le Parlement, estimant qu'elle était basée 'sur la législation appliquée' dans les pays voisins.

Il reste à espérer que, malgré les fortes pressions exercées essentiellement par les Etats Unis, le Tribunal Pénal International (TPI) et la récente Cour Pénale Internationale (CPI) puissent jouer pleinement leur rôle en condamnant les auteurs de massacres et de génocides dans le monde quelle que soit l’origine des personnes visées...





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