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Religions

L’ENAH des aumôniers hospitaliers, pour « construire des fondations solides » au culte musulman en France

Rédigé par | Lundi 16 Juillet 2018 à 11:30

           

C’est à Ostwald, tout près de Strasbourg, que l’École nationale de l’aumônerie hospitalière (ENAH) a été officiellement inaugurée le 4 juillet. Un établissement ô combien important tant il s’inscrit dans la structuration du culte musulman en France et à laquelle l’aumônier national des hôpitaux de France Abdelhaq Nabaoui y contribue largement de par son engagement de longue date au service de l’aumônerie. L'ENAH, une initiative inédite en France, que vous présente Saphirnews.



L’ENAH des aumôniers hospitaliers, pour « construire des fondations solides » au culte musulman en France
C'est à la force de ses convictions et au prix d’un engagement sans faille qu’Abdelhaq Nabaoui est parvenu à ouvrir, en mars, l’École nationale de l’aumônerie hospitalière (ENAH). Pour marquer d’une pierre blanche l’existence de cet établissement unique en France et même en Europe, l’ENAH a été inaugurée le 4 juillet à Ostwald (Bas-Rhin) en présence de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation de l’islam de France.

La création de l’ENAH vient au bout d’années d’efforts d’Abdelhaq Nabaoui. Dès sa nomination en 2006 en tant qu’aumônier national des hôpitaux de France, et avec de bien dérisoires moyens alloués pour mener sa mission à bien, il comprend qu’il faudra mettre la main à la poche pour faire bouger les lignes.

« La première chose faite fut de sillonner toute la France pour comprendre la réalité de l’aumônerie musulmane », rappelle celui qui est aussi président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) Alsace. La formation des aumôniers, au nombre aujourd’hui de 350 environ à travers la France, devient très rapidement le principal défi qu’il lui faut relever. « En 2007, nous avons adopté une charte afin d’éclairer notre mission. On y parle de la laïcité, de la prise en considération des patients mais aussi des critères de recrutement », souligne Abdelhaq Nabaoui. Une charte à laquelle les aumôniers doivent adhérer pour obtenir l’autorisation d’exercer, délivrée par l’aumônier national. Quatre critères y sont stipulés : être « intègre et de bonne moralité », posséder « le sens du contact, de l’écoute et de l’échange », avoir « une compréhension médiane de l’islam loin de tout extrémisme » et « réussir le stage de formation de l’aumônerie musulmane ».

Abdelhaq Nabaoui, aumônier national des hôpitaux de France pour le culte musulman, et Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation de l'islam de France.
Abdelhaq Nabaoui, aumônier national des hôpitaux de France pour le culte musulman, et Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation de l'islam de France.

« On veut construire des fondations solides »

L’ENAH a vu le jour onze ans après la charte, et cinq ans après la création du Conseil national de l’aumônerie musulmane hospitalière (CNAMH), qui a notamment pour objet la formation des aumôniers qu’Abdelhaq Nabaoui avait à cœur de structurer.

Pour le moment, les formations sont réalisées sous forme de séminaires, dont le premier a été lancé le 27 mars (cinq séminaires au total prévus pour 2018). Mais il est question, bien évidemment, dans un avenir plus ou moins proche, de mettre en place une formation continue.

Abdelhaq Nabaoui nourrit également l’ambition d’ouvrir des antennes dans les 12 autres régions de France. « L’objectif est que chacun puisse bénéficier d’une formation (comprenant 80 % de modules profanes, ndlr) qui soit la même partout », affirme-t-il, cela en complément de la validation d’un DU civique et civil. « L’expérience est très importante, mais il est essentiel pour les aumôniers d’avoir une meilleure maîtrise de leur mission. »

Aujourd’hui, la plupart des aumôniers musulmans officiant dans les établissements hospitaliers est bénévole. Cinquante-cinq d’entre eux sont salariés à mi-temps, mais Abdelhaq Nabaoui émet le vœu de voir, dans les années à venir, une majorité de ces cadres religieux exercer ce métier à titre professionnel : « Je veux professionnaliser le métier, à l’instar d’autres cultes. Le défi est énorme. Il s’agit de répondre aux attentes des patients mais aussi de l’administration, car les aumôniers ont un rôle de médiation et d’accompagnement essentiel que les directions des hôpitaux ne peuvent ignorer. »

« Visiter le malade est un devoir religieux »

Mettre en place une formation continue, créer des antennes de l’ENAH à travers la France… Une volonté qui dépendra des ressources acquises par l’aumônerie musulmane hospitalière. « Nous avons fait ce choix difficile qui est de refuser tout financement étranger pour ne pas avoir à faire face à une ingérence étrangère », assure l’aumônier national, faisant ainsi appel aux particuliers pour aider l’ENAH à exister sur le long terme. Bon point pour l’école : les dons sont défiscalisés, l'école étant gérée par le CNAMH sous statut associatif.

Le montant de 200 000 € est estimé pour le fonctionnement annuel de l’école, située dans la partie culturelle du centre Iqra, présidé aussi par Abdelhaq Nabaoui. Ce dernier espère obtenir 100 000 € de financement des collectivités, dont il souhaiterait bénéficier grâce au statut concordataire de l’Alsace-Moselle. À ce jour, seule la Fondation de l’islam de France a participé au projet à hauteur de 20 000 €, mais uniquement pour l’année 2018.

L’aumônier national, qui exerce sa fonction à titre bénévole (il est, parallèlement, aumônier militaire pour le Grand Est), compte surtout sur les donateurs privés. Il rappelle ainsi que « visiter le malade est un devoir religieux et ceux qui participent à la formation des aumôniers y contribuent ».

« Si nous n’obtenons aucun financement, nous assurerons le minimum mais nous continuerons à fonctionner. On ne peut plus reculer », déclare-t-il. L’école est gratuite pour le moment, mais « elle sera payante à terme car notre objectif est de négocier avec les hôpitaux pour créer des postes et permettre aux aumôniers formés à l’ENAH (et exclusivement nommés par l’autorité cultuelle, ndlr) de leur trouver du travail. »

« Nous voulons être utiles à la société, pour l’intérêt général. Nous donnons beaucoup de notre temps pour le bien de tous », conclut Abdelhaq Nabaoui, pour qui les initiatives plaidant en faveur d’une meilleure structuration du culte musulman en France sont salutaires.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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