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Inde : les musulmans visés par une politique du bulldozer qui absout les extrémistes hindous

Rédigé par | Lundi 7 Août 2023 à 17:45

           

La « justice du bulldozer » sévit dans l'Etat de l'Haryana, traversé par des tensions intercommunautaires depuis plusieurs jours. Dans cette région dirigée par les ultranationalistes hindous, ce sont les musulmans qui en font encore et toujours les frais.



Inde : les musulmans visés par une politique du bulldozer qui absout les extrémistes hindous
Aux lendemains des violences intercommunautaires qui ont secoué l'Etat de l'Haryana, les seuls musulmans du district de Nuh sont victimes de la politique du bulldozer, une pratique décriée des autorités qui consiste à détruire les propriétés de personnes suspectées d'avoir participé à des actions interdites.

Dans le cadre de cette justice expéditive et arbitraire qui ne dit pas son nom mais qui est prisée du BJP, le parti au pouvoir, plus de 250 commerces et maisons appartenant à des musulmans ont été détruits en quelques jours sans que les propriétaires n'aient pu se défendre des accusations portées à leur encontre.*

Mise à jour samedi 12 août : Les autorités ont décidé de démolir au moins 1,200 commerces et maisons appartenant principalement à des familles musulmanes, rapporte la presse indienne.

Les autorités ont justifié ces destructions en assurant que les propriétés visées, en plus d'être impliquées dans les violences, ont été construites « illégalement ».

Des gages donnés aux groupes extrémistes hindous

A l'origine des tensions en cours, une procession religieuse organisée le 31 juillet par des mouvements ultranationalistes hindous, proches du BJP, dans une commune comptant une large majorité de musulmans. Ces groupuscules ont accusé les musulmans d'avoir empêché la procession en jetant des pierres et en incendiant des véhicules, menant ainsi à des émeutes dans la région. Les accusations proviennent de mouvements connus pour mener des actions violentes contre les minorités en Inde, mais les autorités locales ne se sont pas fait prier pour punir sans délai les musulmans.

Ces derniers ont, de leur côté, mis la faute sur les extrémistes hindous. Dans une vidéo très diffusée sur les réseaux sociaux selon Al Jazeera, un milicien de la protection des vaches, accusé d'avoir tué deux musulmans suspectés d'avoir transporté de la viande de l'animal sacré, avait appelé ses partisans à le rejoindre à Nuh pour la procession, ce qui avait mis en colère des habitants.

« Les autorités ont commencé cette justice au bulldozer en démolissant des maisons et des magasins appartenant uniquement aux musulmans. Pourquoi n'ont-ils pas démoli une seule maison des responsables des violences qui brandissaient ouvertement des armes lors du rassemblement ? », s'est ému un habitant auprès de The Telegraph India « C'est fait pour apaiser les groupes de l'hindutva (une idéologie extrémiste prônant l'hindouité de l'Inde, ndlr), déterminés à détruire l'harmonie sociale et l'amitié entre les communautés qui existaient ici depuis plusieurs années. »

Le BJP trop prompt à punir les musulmans et à blanchir les hindous

Pour la directrice Inde de Human Rights Watch (HRW) Meenakshi Ganguly, « des incidents comme celui-ci sont le résultat malheureux et évident de la politique pro-hindoue menée par le gouvernement du BJP, qui comprend l'adoption de lois et de politiques discriminant systématiquement les minorités et stigmatisant les opposants au gouvernement. La diffamation continue des musulmans a entraîné une augmentation des crimes de haine ».

« Les autorités sont promptes à punir les musulmans qui manifestent, tout en absolvant les membres des mouvements hindous qui scandent des slogans (haineux) et attaquent les musulmans, leurs commerces ou leurs lieux de culte, dénonce l'organisation. La libération sous caution des sympathisants du gouvernement est rarement contestée, mais les détracteurs du gouvernement sont considérés comme une menace et restent incarcérés. Lors de procès visant des hindous membres du BJP, les preuves ont tendance à être insuffisantes, conduisant à des acquittements. Même s'ils sont condamnés, ils peuvent être graciés ou mis en liberté conditionnelle. »,

Pour HRW, « le Premier ministre Narendra Modi promeut la démocratie indienne à l'étranger, mais chez lui, c'est une autre histoire. Ses déclarations ne peuvent être considérées comme crédibles tant qu'il continue de mettre en œuvre des politiques discriminatoires. » Des pratiques qui ne dérangent pas outre-mesure le gouvernement français : Emmanuel Macron a décerné au chef du gouvernement indien la grand'croix de la Légion d'honneur à l'occasion de sa visite officielle à Paris en juillet.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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