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Points de vue

Il était une fois, mon estime et moi

Rédigé par Fatiha Ouahi | Mercredi 22 Février 2023 à 13:00

           


Nous connaissons tous l’histoire de Narcisse, ce mythe grec, qui raconte l’histoire d’un jeune homme qui vit, un jour, son reflet dans l’eau claire d’une source, et qui tomba amoureux de sa propre image.

A l’inverse de ce mythe, il y a des personnes qui n’aiment pas ce que leur renvoie le miroir, et qui évitent donc de se regarder ou, au contraire, s’observent pour relever tous ces défauts qui leur gâchent la vie : « J’ai un trop gros nez », « Mes cuisses sont trop grosses », « J’ai des oreilles énormes » ou encore « Je ressemble à une baleine ».

Et pour la grande majorité, quand nous nous regardons dans un miroir, nous nous trouvons corrects, plutôt beaux, avec de petites imperfections, mais qui ne nous dérangent pas dans le quotidien. Cependant, malgré ce constat, malgré ce regard positif que nous portons sur notre physique, nous pouvons ressentir un sentiment de mal-être, de malaise qui fait qu’on ne s’accepte pas au plus profond de nous-mêmes.

Qu’est-ce que l’estime de soi ?

L’estime de soi est la perception qu’on a de soi et de ses capacités. Elle se définit par la confiance et le jugement ou la perception que nous avons de notre propre valeur.

Par exemple, si je n’ai pas une estime de moi très forte et qu’on me demande de me décrire, je le ferai avec beaucoup d’hésitations, de prudence, en étant aussi dans la nuance : « Je suis quelqu’un de plutôt franc, mais je le fais souvent avec maladresse », « J’aime bien faire rire les autres, mais je suis souvent seule à rire de mes blagues »… Ça ne sera pas le cas si on me demande de décrire les autres, ce qui montre que c’est spécifique au regard que je porte sur moi-même.

Par contre, si j’ai une estime de moi plutôt solide, je parlerais de moi en des termes plus positifs et affirmés, je me montrerais moins dépendante des autres. Je pourrai par exemple affirmer sans difficulté « Je n’aime pas le rock », alors que je parle à un groupe de fans absolus.

Dans la première situation, je crains le jugement de l’autre, et je crains l’échec. Je m’identifie à l’échec et, pour moi, échouer, c’est être nul, c’est ne pas mériter l’attention des autres, c’est ne pas avoir d’avenir, donc c’est dangereux. Et afin d’éviter tout échec éventuel, je vais éviter de mettre en place des actions qui pourraient me mettre en danger. Dans la seconde situation, j’accepte de prendre des risques, j’accepte de ne pas être en accord avec l’autre. J’ose affirmer ma différence.

L’estime de soi est la perception que l’on a de nous-mêmes, de notre valeur et de ce que nous méritons. Elle est donc très importante dans la vie quotidienne. Mais reconnaître ses qualités est parfois difficile.

Mais d’où vient l’estime de soi ?

La construction de l’amour propre commence dès notre plus tendre enfance (4 ans environ), et continue au fil de la vie, à travers le regard et l’interaction avec notre entourage proche. Elle n’a aucune interaction avec l’intelligence.

Elle s’appuie, entre autres, sur trois dimensions différentes :

– L’apparence physique, c’est-à-dire ce que l’on renvoie de nous physiquement et ce que les autres voient en premier. Elle se construit à travers tout l’amour inconditionnel que l’on reçoit, et qui amène le sentiment et la certitude que l’on m’aime malgré mes défauts, malgré mes mauvaises notes, malgré mon mauvais comportement…

– Le sentiment d’être apprécié, c’est-à-dire avoir sa place dans son entourage, et plus largement dans la société.

– Les compétences, c’est-à-dire ce que l’on sait faire et ce que l’on réussit. C’est le sentiment que l’on m’accepte, bien que je puisse échouer, que je puisse prendre des risques. Ceci est un socle très important à l’estime de soi, car j’intègre le fait que, non seulement je peux échouer, mais aussi que c’est normal. Je vais donc agir plus facilement, sans crainte de perdre l’amour de l’autre. Je vais avancer plus sereinement dans la vie.

Une estime de soi positive est le fondement de la confiance en soi. Et avoir confiance en soi, c’est se fier à ses propres ressources avant de faire confiance aux autres.

La baisse de l’estime de soi peut, quant à elle, être déclenchée par plusieurs événements parmi lesquels :

– L’abus, la négligence ou l’intimidation psychologique ;

– Des problèmes de santé ;

– La perte d’un emploi ou la difficulté à en trouver un, l’échec scolaire ;

– Des problèmes relationnels, comme un divorce, une séparation, la difficulté à avoir des amis, ou à trouver l’âme sœur ;

– Des critiques trop présentes pendant l’enfance, par exemple de la part des parents ou des enseignants ;

– Des problèmes d’image corporelle ;

– La discrimination, le racisme et le sexisme.

Une mauvaise estime de soi ne favorise pas de bien-être émotionnel. Par exemple, la tristesse ressentie sera plus durable dans le temps que pour les personnes qui ont une bonne estime d’elles-mêmes. De même, si on a connu des échecs scolaires et professionnels à répétition, on peut être ébranlé. On entre dans un cercle vicieux, c’est-à-dire que moins je réussis, moins j’ose aller vers les autres, et donc moins je réussis.

A notre époque, lorsque nous sommes confrontés au stress et aux difficultés de la société, il devient plus difficile que jamais d’avoir une bonne estime de soi. Et les réseaux sociaux à profusion n’arrangent pas les choses. Ils imposent un diktat de la femme et de l’homme parfaits avec l’installation de filtres, de retouche, à l’instar des « influenceurs » devenus des stars. De plus, la possibilité de « publier » son quotidien par des photos, des vidéos donne l’illusion que chacun mène une vie meilleure que la sienne. Voir des photos qui font « rêver » défiler à longueur de journée augmente des complexes que nous avons de nous-mêmes et de nos vies. Les réseaux sociaux semblent donc favoriser l’insatisfaction que nous avons sur les aspects de notre vie.

L’autre phénomène des réseaux sociaux qui influence l’estime de soi est la course aux likes, c’est-à-dire la recherche de l’approbation des autres, sous des photos, des vidéos, des commentaires que l’on a partagés. Les manifestations d’intérêts (des likes) améliorent instantanément l’estime de soi, et elle sera d’autant améliorée que le nombre de likes sera important. Ça ne sera évidemment pas le cas, si aucune, ou très peu de manifestations est constaté : « Personne ne s’intéresse à moi » « Ce que je publie est nul », « Je n’ai pas d’amis », « Je ne suis pas beau et ma vie est nulle »… Autant de pensées négatives qui en résulteront et qui peuvent amener du mal-être, un sentiment de rejet des autres, de la solitude, de l’anxiété, voire de la dépression, parce que notre propre valeur est soumise au regard et au jugement de l’autre.

Comment retrouver l’estime de soi ?

Pour progresser et améliorer sa confiance en soi, quelques conseils peuvent être préconisés :

– S’efforcer d’accepter nos faiblesses en remettant en question les pensées négatives à notre égard ;

– Apprendre à se traiter en ami : est-ce que j’utilise le même langage à mon égard, qu’envers quelqu’un que j’aime (il est important de se traiter avec la même compassion) ;

– Eviter de se comparer aux autres. La concurrence peut nous motiver, mais lorsqu’on se compare aux autres, on a souvent tendance à se concentrer sur les forces et les réalisations des autres en oubliant les nôtres. Ainsi, se mesurer à soi-même et essayer de battre ses propres records est une bonne technique pour renforcer son estime de soi. Et pour cela, choisir une de nos compétences et la développer (cuisine, sport, peinture…) ;

– Pratiquer l’acceptation de soi. Nous exigeons beaucoup de nous-mêmes, et il n’est pas toujours facile de se sentir bien dans son corps. Afin d’éviter toutes pensées négatives sur notre apparence, s’entraîner à voir notre corps d’une manière neutre, plutôt que bonne ou mauvaise. Si c’est difficile, recentrer nos pensées sur le fonctionnement de notre corps, plutôt que sur son image. C’est-à-dire, apprécier les choses que notre corps nous permet de réaliser, comme voir, entendre ou nous déplacer. Compétences que d’autres personnes ne peuvent malheureusement faire (situation de handicap, maladie…).

En travaillant sur l’estime de soi, on améliore la confiance en soi-même, la confiance dans les autres, la confiance dans ce que nous faisons. Nous serons plus à même de décider de ce que nous voulons, mais surtout de décider qui nous sommes (indépendamment des autres).

Beaucoup perçoivent l’estime de soi comme une question d’ego ou un phénomène superficiel, mais elle nourrit en fait toute notre existence et est au centre du cheminement personnel, car il établit les bases pour nos relations privilégiées au sein des familles et entre les individus eux-mêmes ou entre tout groupe humain. Sans une bonne estime de soi, nos relations sociales se détériorent.

Reconstruire sa confiance en soi, ce n’est pas seulement une question de croyance positive. C’est surtout un cheminement personnel et bienveillant qui vise à développer notre estime de nous-mêmes et redonner confiance à notre enfant intérieur. Cela permet de mieux se connaître, et d’apprécier le chemin parcouru, pour pouvoir « briller » au travail, au sein de notre foyer, et dans notre vie en général.

Enfin, l’essentiel de notre épanouissement personnel est fondé sur la relation à Notre Créateur. Elle nous permet de prendre la mesure de notre juste valeur : « Et Nous avons honoré les enfants d’Adam » (Coran, Le voyage nocturne, verset 70), et s’inscrit dans la perspective du verset « A réussi, certes, celui qui la purifie (l’âme) » (Coran, Le Soleil, verset 9), lequel pose la purification au sens prophétique comme sens à tous les efforts qu’on fait sur soi.

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Fatiha Ouahi est psychologue. Première publication sur le site de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).

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