Football et Ramadan : la tolérance zéro affichée par la FFF vertement critiquée

Interrompre quelques instants un match pendant le Ramadan pour permettre à des joueurs de rompre leur jeûne, c'est non pour la Fédération française de football (FFF). « Il a été porté à la connaissance de la Fédération des interruptions de matchs suite à la rupture du jeûne du ramadan. Ces interruptions ne respectent pas les dispositions des statuts de la FFF », avait indiqué Eric Borghini, le président de la commission fédérale des arbitres et membre du comité exécutif de la FFF, estimant que cette démarche va à l’encontre du « principe de neutralité du football sur les lieux de pratique ».

Aussitôt dévoilée jeudi 30 mars, l'information a suscité de multiples réactions sur les réseaux sociaux, alors que les arbitres de la Premier League en Angleterre et de la Bundesliga en Allemagne autorisent une pause pour rompre le jeûne pendant les matchs joués en soirée. Pour Mehdi Bahria, arbitre amateur en Essonne, qui a été parmi les premiers à relayer la mise au point de la FFF sur TikTok, il est « ultra choquant » de voir des arbitres et des joueurs être menacés de sanctions pour si peu à ses yeux. Il espère que ses homologues sauront « quand même (être) cléments » avec les joueurs musulmans qui jeûnent à l'occasion du Ramadan.

Du côté des joueurs aussi, les réactions n’ont pas tardé. «  En 2023, on peut arrêter un match 20 minutes pour des décisions, mais pas une minute pour boire de l’eau », s’indigne Lucas Digne dans un tweet. L’ancien de l’équipe de France, qui évolue actuellement en Angleterre, souligne son message avec des émojis montrant sa sidération. Pour l’ex-joueur aujourd’hui entraîneur de l’OGC Nice, Didier Digard, « il faut avouer les choses, ils sont plus ouverts que nous sur le sujet et ça a toujours été (le cas). Ce serait bien que la France le fasse, mais ça ne pose de soucis à personne qu'on ne le fasse pas car on n'est pas dans un pays musulman. Il faut accepter le pays où l'on vit », a-t-il déclaré en conférence de presse, en référence à la pause de deux minutes autorisée en Angleterre pour boire et prendre un biscuit au cours d’un match.

Les joueurs musulmans de l’équipe de France, qui se sont vus suggérer de reporter des jours de jeûne sur « recommandation » de la FFF en vue des matchs pour l'Euro 2024, sont restés discrets sur le sujet, de même que leurs coéquipiers.

Le journaliste Mohamed Bouhafsi ne s'est pas gêné pour critiquer l'instance : « Alors que l’Angleterre et l’Allemagne l’acceptent, la FFF se ridiculise. Des terrains professionnels aux terrains amateurs c’est une décision grotesque. La laïcité ne veut pas dire rejeter la bienveillance, le partage. En quoi, est ce différent qu’arrêter le match 1 minute pour une pause fraîcheur ? Au lieu de fédérer dans des temps troubles que l’on vit ce mail vient encore décevoir des membres de notre société pour une gorgée d’eau. Ridicule, agressif, déraisonnable. PS : il y a d’autres sujets à gérer avant : type, le racisme dans le football, la sécurité des arbitres ou encore le soutien des clubs amateurs. »

Pour Hervé Penot, journaliste à L'Équipe, la décision de la FFF est aussi « ridicule ». « Dans une société déjà fracturée, il aurait été plus simple de faire un geste pour les joueurs musulmans. Comment peut-on avoir aussi peu de recul ? La FFF a perdu l’occasion de se grandir, d’afficher un vivre ensemble capital actuellement », écrit-il sur Twitter. On ne saurait mieux dire.

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