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Points de vue

Du disruptif en politique : des propositions pour revigorer la démocratie

Rédigé par Youssouf Omarjee | Vendredi 10 Juin 2022 à 14:00

           


© CC BY-SA 4.0 / Vincent Paulic
© CC BY-SA 4.0 / Vincent Paulic
Il y a nécessité d’une réinitialisation de la démocratie et du rapport du peuple à ses élu-e-s. Cela passe par le fait d’être disruptif. Autrement dit, il faut savoir faire preuve d’audace, de créativité et d’innovation.

D’abord, au regard du nombre impressionnant de candidatures aux élections législatives dans l’ensemble des circonscriptions (une dizaine en moyenne), on se demande si « trop de démocratie ne tue pas la démocratie ». Il est vrai qu’en l’état actuel des modalités du scrutin, on assiste à une inflation de candidatures laquelle, en réalité, ne fait que favoriser davantage les représentants déjà élus ou ceux soutenus par des appareils déjà en place. Ainsi, afin de mieux refléter la diversité des aspirations sans donner l’illusion de la représentativité au travers du foisonnement des candidatures, il faudrait donc qu’on innove et qu’on ose faire des propositions nouvelles. Dans cette perspective, on aurait pu conjurer le sort combiné de l’affaiblissement des partis et du surenchérissement d’une « petite » candidature anecdotique, par le recours au tirage au sort de cinq listes sur l’ensemble des candidatures présentées.

Par ailleurs, il faudrait pouvoir fixer, dès le départ, lors de l’ouverture même de la procédure de réception de candidatures, un ratio de candidats par rapport à la strate démographique de la circonscription concernée. De même, afin d’éviter les candidatures fantaisistes, il faudrait exiger, des prétendant-e-s qu’ils et elles puissent afficher au moins huit propositions de loi dans leur programme. Gagner ainsi de la clarté dans la représentativité en donnant une chance au rajeunissement de nos représentants permettra de remobiliser les abstentionnistes notamment, plus nombreux chez les jeunes au sein de l’électorat.

Œuvrer pour un rapprochement avec les élus

Deuxièmement, nous voyons bien que le peuple aspire à ce qu’il y ait davantage de recours au référendum local pour des décisions impactantes pour l’avenir de la cité car la démocratie représentative comporte aujourd’hui des limites, et ce d’autant plus que certaines décisions mériteraient d’être prises au plus près de l’échelon local. Il faut donc reconnaître qu’il ne relève pas des attributions d’un parlementaire de faire des promesses électorales contrairement à un élu local qui agit pour son territoire communal, départemental ou régional.

Troisièmement, le peuple demande un rapprochement des élu-e-s du terrain, et pas seulement le temps de la tenue des élections. Nos futurs député-e-s n’échappent pas à cette règle et, même s’ils disposent d’une permanence, leur rôle les met légèrement à distance de la population. Il n’empêche que les députés sont aussi là pour faire de la veille active sur des attentes, des doléances et des besoins de la population en vue de faire voter, s’il y a lieu, une proposition de loi ou, en tout état de cause, de faire entendre la voix de son électorat à l’Assemblée nationale lors de la séance des questions orales ou dans le cadre des questions écrites. La faculté de relayer des demandes collectives et/ou individuelles dans le cadre de la fonction de réseautage en vue de faire aboutir des démarches ou de mettre en lien les citoyens avec les bons interlocuteurs est aussi appréciée.

Introduire une limite d'âge, dispatcher les mandats

Quatrièmement, le peuple est en attente d’un fort rajeunissement de la classe politique et lorsque l’on écoute ce que l’on peut appeler les débats, on se rend compte qu’il s’agit souvent de reproches mutuels, quand il n’est pas question d’invectives sur le bilan et/ou sur la qualité du projet politique dont on a du mal à bien percevoir les contours. Il serait peut-être temps d’instituer une limite d’âge pour être candidat en guise de première réforme des institutions. On ne pourrait plus se déclarer candidat au-delà de 60 ans par exemple. Et puis, à quoi bon voter pour un binôme si le second candidat ne peut pas s’engager à mi-mandat parlementaire ?

Cinquièmement, en termes d’exercice des pouvoirs, une réforme réelle et sérieuse doit pouvoir s’envisager afin que les élus d’une intercommunalité soient différents de ceux de la municipalité à l’exception du premier magistrat. De même, on pourrait imaginer qu’aux niveaux départemental et régional, une seconde liste (d’élus) soit amenée à exercer les trop nombreux mandats représentatifs dans les organismes dits « satellites » et/ou extérieurs de ces collectivités respectives. Voilà, par exemple, des pistes d’amélioration de la respiration démocratique qui lui apporteraient davantage de vitalité et seraient garantes d’un nouveau souffle.

Sixièmement, il faudrait que la représentation parlementaire prenne réellement la mesure de la précarité grandissante de la population et que les deux seuls moyens d’en sortir sont l’éducation d’une part, et la mise en place d’un grand plan de soutien au micro-entrepreneuriat d’autre part. Il y a aussi dans la formation professionnelle à chercher plus d’efficacité en évitant de former pour seulement former. Il faudrait plutôt simplifier le nombre de qualifications, titres et autres diplômes qui conduisent à générer des surdiplômés sous-payés. Pour ce faire, il faudrait miser sur une réelle stratégie de formation de nos jeunes aux métiers d’avenir comme de ceux du quotidien, ou à d’autres métiers créateurs de valeur ajoutée et menacés par des opportunités de délocalisation séduisantes en apparence, mais coûteuses pour l’avenir de notre pays.

Enfin, être disruptif en politique, c’est aussi satisfaire à la promesse faite par des présidents par le passé aux étrangers pour qu’ils puissent enfin prendre part aux élections locales. Cela passe également par l’approfondissement des voies et moyens permettant de rendre la démocratie plus opérante en faisant en sorte que le peuple s’intéresse davantage à cet aspect fondamental de la citoyenneté qui est le droit de vote.

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Youssouf Omarjee est membre fondateur du collectif Musulmans engagés pour le respect et la concorde par l'inclusion dans l'île de La Réunion (Merci 974).

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