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Société

De sa vie, ce qu'il faut savoir sur Muhammad Ali en dix points

Rédigé par Hanan Ben Rhouma et Samba Doucouré | Vendredi 10 Juin 2016 à 19:00

           

La vie de Muhammad Ali est digne d'un roman que des millions de personnes à travers le monde peuvent lire avec un plaisir soutenu. A l'heure des adieux, que retenir de cette légende afro-américaine musulmane qui est le héros de toutes les générations ?



Muhammad Ali terrassant Sonny Liston en 1965.
Muhammad Ali terrassant Sonny Liston en 1965.

Muhammad Ali aux côtés de son premier entraîneur de boxe Joe Martin.
Muhammad Ali aux côtés de son premier entraîneur de boxe Joe Martin.

1. Un boxeur au palmarès exceptionnel prêt à tout lâcher par honneur

La légende de Muhammad Ali s'écrit d'abord à Louisville, dans le Kentucky. Né Cassius Clay le 17 janvier 1942, Muhammad Ali a commencé à boxer à l'âge de 12 ans après s'être fait voler son vélo. Promettant de corriger le voleur dès qu'il le retrouverait, un policier prénommé Joe Martin, lui-même entraîneur de boxe, lui avait plutôt conseillé de canaliser son énergie sur un ring.

Muhammad Ali a livré au total 61 combats au niveau professionnel. Sur les 56 victoires (dont 37 par KO), plusieurs sont entrés dans l'histoire. Il n'a que 18 ans lorsqu'il remporta la médaille d'or des poids mi-lourds aux Jeux olympiques de Rome en 1960 puis enchaîna les victoires jusqu'à devenir plusieurs fois champion du monde poids lourds entre 1964 et 1978 à l'issue de combats d'exception.

Entre-temps, il est condamné à cinq ans de prison et est interdit de boxer en 1967 après avoir refusé d'intégrer les forces armées américaines pour la guerre au Vietnam. « Aucun Vietcong ne m'a jamais traité de sale nègre », avait-il déclaré en 1966, fustigeant une guerre menée par des Blancs contre des « Asiatiques noirs ». L'homme, qui devint une des figures du mouvement de lutte pour les droits civiques, finit par gagner son procès en 1971. Son dernier combat, c'est celui qu'il aura durant trois décennies contre la maladie de Parkinson qu'il finira par perdre samedi 4 juin à l'âge de 74 ans.

2. Sa relation avec Malcolm X et la Nation of Islam

Elevé dans la foi chrétienne grâce à sa mère baptiste, Cassius Clay devient musulman suite à sa rencontre avec Malcolm X à Détroit en 1962. Cela fait déjà trois ans qu’il a découvert la Nation of Islam (NOI) et qu’il s’intéresse aux discours du mouvement. Emmené par son frère Rudy déjà converti dans un temple de la NOI, le jeune Cassius est subjugué par le prédicateur. « Ma première réaction fut de demander comment un Noir pouvait parler du gouvernement, des Blancs, être si culotté et ne pas se faire abattre ? », témoigne le boxeur dans une interview en 1989. Il ajouta que « seul Dieu doit le protéger (…). Il marchait seul et sans peur. Cela m’a vraiment attiré ». Muhammad Ali rejoint secrètement l’organisation musulmane et se lie d’amitié avec Malcolm X.

De peur que cela nuise à sa jeune carrière sportive, il cache son attachement à la NOI. En 1964, au soir de la rencontre face à Sonny Liston, Cassius Clay est, de l’avis des spécialistes, condamné à se faire laminer par son adversaire. Malcolm X le prend à part avant le combat et lui demande : « Crois-tu que Dieu t’as amené jusqu’ici pour que tu ressorte du ring autrement qu’en champion ? » La suite est connue : Cassius Clay terrasse l’« Ours » par KO et devient champion du monde. « Je suis le champion maintenant et Dieu a voulu que je sois le champion. Si ce n’est pas Dieu, qui d’autre ? », déclara-t-il à la fin du match. Le lendemain, il officialise sa conversion et sa proximité avec Malcolm X et affirmer s’appeler désormais Cassius X.

Le 6 mars 1964, il devient Muhammad Ali, membre officiel de la Nation of Islam. Le mouvement était jusqu’ici réticent à ce qu’un boxeur soit leur porte-drapeau. Dans un article du journal Muhammad Speaks titré « Les démons du sport et du jeu » daté du 15 octobre 1962, Elijah Muhammad, le guide spirituel de la NOI condamne la boxe. Selon lui, les Noirs qui pratiquent la boxe sont des esclaves qui assouvissent les plaisirs d’un public blanc. Mais devant la notoriété du poids-lourd, il change d’avis et devient très proche du boxeur, à tel point qu’Elijah Muhammad trouve en lui un successeur médiatique à un Malcolm X devenu gênant car trop indépendant. Muhammad Ali finit par se retourner contre son ami et déclare à la presse : « Plus personne n'écoute Malcolm ».

Dans son autobiographie, The Greatest dit regretter d’avoir rompu ses liens avec le leader et fait preuve d’une rare humilité : « Tourner le dos à Malcolm fut l’erreur que j’ai le plus regretté dans ma vie. J’aurais aimé pouvoir lui dire que je suis désolé et qu’il avait raison sur plein de choses. Mais il a été tué avant que je puisse en avoir la chance. C’était un visionnaire bien au-dessus de nous tous. »

A la mort d’Elijah Muhammad en 1975, il quitte la Nation of Islam et rejoint la branche traditionnelle de l’islam comme Malcolm X dix ans plus tôt.

3. Le champion a enregistré un album de chansons

Muhammad Ali est reconnu pour son sens du spectacle, en témoigne sa verve et sa façon d’animer chacun de ses combats. Il savait également chanter puisqu’en 1963, il enregistre un album intitulé « I am the greatest ». A l’époque, il se fait encore appeler Cassius Clay. Sa conversion à l’islam, peu de temps après, va pousser Columbia records de retirer les albums des rayons. Ci-dessous, son interprétation de « Stand by me », le classique de Ben E. King.


La bande dessinée Superman vs Muhammad Ali.
La bande dessinée Superman vs Muhammad Ali.

4. Muhammad Ali a affronté Superman

En 1978, les auteurs de bande dessinée Neal Adams et Denny O’Neil ont conçu un album retraçant un combat imaginaire entre Muhammad Ali et Superman. Le président des Etats-Unis Jimmy Carter, les Jackson Five, le lieutenant Columbo et Frank Sinatra font partie de l’improbable public réunit au Madison Square Garden pour cet affrontement entre le boxeur de Louisville et le super héros de Smallville. Aussi puissant soit-il, le natif de Krypton n’est cependant pas venu à bout de son adversaire et a dû mordre la poussière face au punch ravageur de Muhammad Ali.

En France, la BD sera renommée « Superman contre Cassius Clay » avec en tout petit Muhammad Ali, comme le note Sébastien-Abdelhamid, un spécialiste des jeux vidéos et des comics. Les Français n’étaient, à cette époque semble-t-il, pas prêts à voir un champion au nom musulman s’afficher en grand tel un héros...


5. Il a sauvé un homme qui voulait se suicider

L’action se déroule à Los Angeles en 1981. Un jeune homme menace de se jeter du 9e étage d’un immeuble pour se suicider. Debout sur le bord de la fenêtre et refusant d’écouter les policiers, l’issue paraît fatale. Mais Muhammad Ali, qui passait là par hasard, décide d’agir et d’aller lui parler. Depuis une autre fenêtre du building, il lui parle pendant une vingtaine de minutes avant de finalement le rejoindre pour le prendre dans ses bras. « Sauver une vie est plus important pour moi que n'importe quelle ceinture », témoignera le champion.


6. Il participa à la libération d'otages américains

Malgré l'opposition du président Georges H.W. Bush (père) et son état de santé chancelant, il s'envole vers l'Irak le 23 novembre 1990, peu avant la guerre du Golfe, pour y revêtir des habits de négociateur en vue de faire libérer des otages américains capturés par Saddam Hussein lors de l'invasion au Koweït.

Plusieurs jours s'écoulent, sans nouvelles du président irakien, jusqu'à que ce dernier se décide à le voir afin d'écouter ce champion adulé même des Irakiens. A l'issue d'une rencontre avec le président irakien le 29 novembre, Muhammad Ali se voit offrir de repartir vers les Etats-Unis le 2 décembre avec les 15 otages. Mission accomplie.

De sa vie, ce qu'il faut savoir sur Muhammad Ali en dix points

7. Personne ne marche sur son nom à Hollywood

En 2002, la Chambre de Commerce d’Hollywood décide d’honorer le boxeur en lui dédiant une étoile du fameux « Walk of Fame ». Mais Muhammad Ali refuse que des gens puissent piétiner le nom du Prophète. C’est pourquoi il est la seule célébrité à avoir son étoile placée sur un mur devant le Kodak Theater.

8. Une de ses filles marche sur ses traces

Muhammad Ali s'est marié quatre fois, et est le père de neuf enfants. Laila Ali, né en 1977, a suivi une brillante carrière de boxeuse professionnelle contre l'avis de son géniteur. Elle a remporté ses 24 combats dont 21 par KO. En 2007, elle prend sa retraite après avoir conservé le titre de championne du monde des mi-lourds pendant cinq ans.

Laila Ali participe dans la foulée à l'émission « Danse avec les stars ». Elle s'est installée durablement dans le paysage audiovisuel américain, animant des shows ou participant à diverses émissions de télé réalité.

9. Muhammad Ali, un ferme opposant à Donald Trump

Décembre 2015, Donald Trump est en pleine campagne pour l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle américaine. Suite aux attaques de Paris et San Bernardino, il suggère d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis. Barack Obama, dans un discours, rappelle que « les Américains musulmans sont nos amis et nos voisins, nos collègues de travail, nos héros sportifs ». Ce à quoi le milliardaire excentrique réponds sur Twitter : « Obama a dit dans son discours que des musulmans figuraient parmi nos héros sportifs. De quels sports parle-t-il, et de qui ? Est-ce qu’Obama fait du profilage ? »

Muhammad Ali, bien qu’âgé de 73 ans, livre une de ses dernières déclarations publiques par un communiqué de presse. « Je suis musulman et tuer des gens innocents à Paris, San Bernardino ou n'importe où ailleurs dans le monde, ça n'a rien à voir avec l'islam. Les vrais musulmans savent que la violence impitoyable des jihadistes soi-disant musulmans va à l'encontre des principes mêmes de notre religion », déclara-t-il, avant d'ajouter : « En tant que musulmans, nous devons nous lever contre ceux qui utilisent l'islam pour servir leurs propres intérêts. »

Comble de l'ironie, Donald Trump a tweeté, le jour de la mort de Muhammad Ali, que le champion sera manqué de tous. Un hommage dont la famille se passera bien.


10. Des hommages post-mortem en cascade

L'heure est aux adieux et les hommages se multiplient aux Etats-Unis et à dans le monde. Le maire de New York Bill de Blasio, a annoncé, mardi 7 juin, qu’une portion de la 33e rue de Manhattan, adjacente au Madison Square Garden serait rebaptisée « voie Muhammad Ali ». Il souhaite ainsi rendre hommage aux huit combats que le champion a disputé dans la mythique salle de spectacle newyorkaise. Muhammad Ali y a notamment affronté à deux reprises Joe Frazier contre qui il a connu sa première défaite en 1971 avant de gagner sa revanche trois ans plus tard.

Le changement de nom de rue n’est cependant que temporaire, en attendant un vote en conseil municipal. Mais une telle initiative en annonce d'autres qui continueront de marquer le nom de Muhammad Ali dans le panthéon des grands hommes.

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