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Monde

Covid-19 en Italie : zoom sur le grand élan de solidarité et de responsabilité des musulmans

Rédigé par Sara Ibrahim | Lundi 4 Mai 2020 à 17:00

           

L’Italie a été durement frappée par l’épidémie de Covid-19. Les communautés musulmanes ont rapidement réagi à l’urgence sanitaire créée par la propagation du coronavirus en répondant favorablement aux mesures décrétées par le gouvernement. Tandis que la crise s’est greffée au mois du Ramadan et à l’heure où l’Italie entame sa phase de déconfinement, les organisations continuent à faire appel à la responsabilité tant individuelle que collective et multiplient les actions solidaires. Un élan naturel mais qui, espèrent des organisations musulmanes, saura contribuer à baliser le chemin vers une reconnaissance officielle de l’islam en Italie après la crise.



Covid-19 en Italie : zoom sur le grand élan de solidarité et de responsabilité des musulmans
Les communautés musulmanes d’Italie se sont très tôt mobilisées pour répondre à l’urgence sanitaire liée au nouveau coronavirus, qui a tué plus de 245 000 personnes dans le monde, dont quelque 29 000 dans la péninsule italienne.

La quarantaine, imposée depuis fin février dans le nord de l’Italie et plus tard sur l'ensemble du territoire national, a provoqué la fermeture des lieux de culte et des lieux de réunion pour faire face à la propagation du virus. « Nous avons immédiatement mis en œuvre tous les décrets promulgués par le gouvernement italien, en appelant à la fermeture des salles de prière et des mosquées et en demandant l’arrêt de toutes les activités communautaires » afin de participer à « mettre fin à cette épidémie le plus rapidement possible », déclare à Saphirnews Yassine Lafram, président de l’Union des communautés islamiques italiennes (UCOII).

Des initiatives nombreuses à travers l’Italie

L’UCOII réunit les communautés musulmanes parmi les plus représentatives et enracinées dans le territoire italien. Dès l’émergence de la crise sanitaire, l’UCOII, qui regroupe 163 lieux de culte, a activé un numéro Whatsapp pour relayer au mieux informations et recommandations auprès de ses membres et signaler les problèmes des uns les autres à des fins d’entraide.

En parallèle, plusieurs actions de solidarité visant à soutenir les municipalités, les hôpitaux et les populations les plus fragiles ont été mises en œuvre. Nombreuses sont les campagnes de collecte de fonds ou encore les opérations de sensibilisation au don de sang, afin d’encourager les musulmans à apporter leur contribution face à l’urgence sanitaire. Pour le cas de l’UCOII, elle a lancé, dès la fin du mois de février, un fonds pour l’achat de masques destinés aux citoyens et aux instituts de santé dans le besoin.

« Malgré les difficultés économiques et les efforts déployés pour pouvoir couvrir les dépenses et les coûts fixes des salles de prière fermées, la réponse de la communauté a été remarquable », souligne Yassine Lafram. Des jeunes musulmans se sont particulièrement mobilisés en mettant à disposition de municipalités un service volontaire et gratuit de livraison à domicile de produits alimentaires et de médicaments aux personnes âgées et vulnérables ne pouvant pas sortir.

Le sens de la responsabilité, essentiel dans la lutte contre le virus

Comme ailleurs dans le monde, le Covid-19 a provoqué une envolée du chômage en Italie, posant de sacrés défis économiques et sociaux. Des fonds de soutien aux personnes ayant perdu leur travail à cause du coronavirus ont ainsi été lancés. La Communauté religieuse islamique italienne (COREIS) en a ainsi fait bénéficier à ses membres les plus affectés, comme nous l’explique son directeur Abd al-Sabur Gianenrico Turrini.

« Nous avons mis à la disposition de tous les membres de notre communauté un fond qui provient de la zakat des autres fidèles, destiné à ceux qui se trouvent dans le besoin. En islam, la zakat (l’aumône légale) est un pilier qui marque l’importance de la responsabilité individuelle et collective dans la valorisation de la vie et du droit fondamental à la santé et à la paix. Le sens de la responsabilité mutuelle est essentiel dans la lutte contre ce virus », indique-t-il.

La création de cimetières musulmans, une préoccupation majeure

Des musulmans ont également payé de leurs vies pour lutter contre le coronavirus. « Dans notre communauté, cinq médecins sont déjà décédés et d’autres ont été contaminés », rapporte Asfa Mahmoud, président de la Maison de la culture musulmane à Milan, qui a invité ses fidèles à faire un jour de prière et de jeûne contre le virus.

Parmi les urgences majeures qui touchent notamment la communauté musulmane, le problème de l'inhumation des morts dans les cimetières et les carrés musulmans, au nombre insuffisants en Italie, se pose comme en France, face à l’impossibilité de faire rapatrier les corps vers l’étranger. « L’urgence en ce moment est de trouver un cimetière pour tous les personnes décédées afin de leur donner une sépulture digne » selon les rites funéraires islamiques, bousculés en temps d’épidémie, signale l’UCOII.

L’espoir d’une reconnaissance officielle toujours présent

En Italie, malgré la présence de plusieurs communautés musulmanes implantées de longue date, l’islam n’est pas officiellement reconnu par l’Etat. Leurs organisations représentatives ne bénéficient jusque-là pas d’accords avec le gouvernement qui leur faciliterait, par exemple, la construction de nouveaux lieux de culte et de cimetières pour les citoyens musulmans. Un « pacte pour un islam italien » visant à assurer de meilleures conditions de pratique de l’islam en contrepartie d’un engagement total des mosquées et des associations dans la lutte contre l’extrémisme a été signé en 2017 mais l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en 2018 a freiné des espoirs d’avancée vers la reconnaissance.

L’espoir formulé par l’UCOII est que la crise du Covid-19, catalyseur de nouvelles solidarités auxquelles les communautés musulmanes contribuent, puisse favoriser la reprise du dialogue avec les institutions.

« Cette épreuve doit être affrontée ensemble »

A l’heure où l’Italie entame un déconfinement progressif depuis lundi 4 mai, les organisations musulmanes italiennes continuent à appeler leurs fidèles à continuer à respecter les règles en vigueur pour se protéger et protéger les autres du coronavirus afin de surmonter la crise sanitaire au plus vite.

En plein mois du Ramadan, cela implique encore d’éviter les réunions familiales ou entre amis pour prier ou rompre le jeûne. « Nous ne pouvons pas désobéir aux autorités pour obéir à Allah, parce que l’obéissance implique également le respect des instructions de nos autorités, surtout dans un contexte comme celui que nous vivons maintenant, où il y a un danger de mort pour nous tous », déclare fermement Yassine Lafram dans une vidéo mise en ligne sur ses réseaux sociaux.

« Je pense que cette épreuve doit être affrontée ensemble. Chacun doit se sentir responsable de la propagation ou non de ce virus. Accepter ce que l'on appelle des règles restrictives, mais que j'appelle des mesures de protection des fidèles, est un défi qui doit être gagné ensemble », a indiqué au début du mois du Ramadan à Vatican News Abdellah Redouane, secrétaire général du Centre culturel islamique d'Italie, qui gère la Grande Mosquée de Rome.

Le COREIS, qui a partagé auprès de ses membres les recommandations de l’OMS pour orienter les musulmans vers les bonnes pratiques à observer pendant le mois du jeûne en temps de Covid-19, a lancé un message pour exhorter les musulmans à « un Ramadan de solidarité et protection », faisant écho à la déclaration faite par les leaders religieux de la Nouvelle Alliance de la Vertu envers les personnes touchées par la pandémie du coronavirus.

« Ce virus, qui ne reconnaît ni les frontières territoriales ni les distinctions entre les races ou entre les riches et les pauvres, est pour nous l'occasion de nous rappeler l'égalité entre les êtres humains et de se souvenir de l'enseignement de nos religions abrahamiques selon lequel chaque âme, quelle qu’elle soit, représente toute l'humanité », ont fait part les signataires dont fait partie le président du COREIS, Yahya Pallavicini. « En ces temps critiques, nous devons approfondir notre reconnaissance mutuelle du fait que nous, en tant qu’humains, faisons partie d'une famille partageant une seule maison, la planète Terre. »

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