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Société

Colonisation : plainte contre l'Etat et un groupe français pour crimes contre l’humanité

Rédigé par | Jeudi 13 Février 2014 à 08:00

           


Louis-Georges Tin, le président du CRAN (à droite), et l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, devant le siège de Spie Batignolles à Neuilly-sur-Seine.
Louis-Georges Tin, le président du CRAN (à droite), et l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, devant le siège de Spie Batignolles à Neuilly-sur-Seine.
Le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a annoncé son intention, mercredi 12 février, d'assigner en justice l'Etat et le groupe de construction français Spie Batignolles pour crimes contre l’humanité. Ils sont appelés à répondre des crimes coloniaux commis lors de la construction du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), qui relie Brazzaville, la capitale de l’ancienne Afrique équatoriale française (conglomérat de plusieurs ex-colonies), à Pointe-Noire située sur la côte Atlantique.

A l’occasion du Colonial Tour et à deux jours de la Semaine anticoloniale qui se déroule cette année du 15 février au 3 mars, le CRAN remet à nouveau dans l’actualité la question épineuse des réparations des crimes coloniaux, à travers le CFCO « qui a fait un véritable carnage dans les années 1920 », selon son président Louis-Georges Tin, interviewé par Saphirnews.

Entre 1921 et 1934, des rafles et des déportations d'indigènes ont été organisées, « avec le concours de l’Etat français », tout au long des 510 kilomètres de trajet pour faire aboutir le projet de construction de la ligne. « Des travaux forcés qui se distinguaient fort mal de l’esclavage » aboli en 1848 car « les populations étaient exploitées jusqu’à ce que mort s’en suive », indique le président du CRAN.

Le taux de mortalité pouvait atteindre 57 % dans les camps de travail, appelés alors « camps ferroviaires », fait savoir l’historien Olivier Le Cour Grandmaison. La construction de l’infrastructure a fait au moins 17 000 morts, un chiffre officiel connue de l’entreprise, née de la fusion de la Société parisienne pour l'industrie électrique (SPIE) et la Société de construction des Batignolles (SCB), qui est à l’origine du CFCO.

La justice à défaut du dialogue

La SCB a toujours été une entreprise privée « mais elle a travaillé de concert avec l’Etat qui attribuait des concessions à l’entreprise » à des fins d’exploitation. « Nous avons engagé un dialogue auprès d’elle (Spie Batignolles, ndlr) et l’Etat mais aucun des deux n’a voulu nous recevoir », explique M. Tin pour justifier sa plainte. François Hollande s’est en effet prononcé contre les réparations lors de la commémoration de l’abolition de l’esclavage en mai 2013.

Dans une interview au Monde accordée en mai 2013, l’ex-PDG de Spie « disait qu’il était très fier du modèle social de son entreprise et de ses aventures outre-mer par le passé » mais comment l'être, s'interroge le CRAN. Le CFCO « n’est que la première des entreprises coloniales de cette période sur laquelle nous communiquons mais c’est vrai qu’elle a une notoriété particulière », dit-il, en évoquant les travaux du journaliste Albert Londres et de l’écrivain André Gide dans les années 1920. « Il faut qu’il y ait une pluie de procès qui tombe sur l’Etat français et sur les entreprises. On voit d’ailleurs le lien entre colonialisme et capitalisme », conclut M. Tin. Un lien que Spie Batignolles n'est pas prêt à reconnaître. Son passé colonial le rattrape désormais.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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