Connectez-vous S'inscrire

Economie

Bourse et Foi s'entremêlent au Bourget

Rédigé par Bamba Amara | Mercredi 23 Avril 2003 à 00:00

           

Au 20e Salon du Bourget, Le Pavillon 4 est le domaine des exposants. Le Pavillon 3 sert de « salle de prière » le jour et de dortoir la nuit. Le Pavillon 2 est réservé aux conférences tandis que les invités de marque sont reçus au Pavillon 1. De ces quatre sites qui accueillent les visiteurs du Bourget, le Pavillon 4 est de loin le plus animé. Les rencontres fraternelles du Forum des associations côtoient la sérénité studieuse des librairies. Le tout est enveloppé dans le tintamarre des haut-parleurs, le tohu-bohu des bazars. Une ambiance de kermesse gentiment effervescente où foire et foi font bon ménage autour du porte-monnaie.



Au 20e Salon du Bourget, Le Pavillon 4 est le domaine des exposants. Le Pavillon 3 sert de « salle de prière » le jour et de dortoir la nuit. Le  Pavillon 2 est réservé aux conférences tandis que les invités de marque sont reçus au Pavillon 1. De ces quatre sites qui accueillent les visiteurs du Bourget, le Pavillon 4 est de loin le plus animé. Les rencontres fraternelles du Forum des associations côtoient la sérénité studieuse des librairies. Le tout est enveloppé dans le tintamarre des haut-parleurs, le tohu-bohu des bazars. Une ambiance de kermesse gentiment effervescente où foire et foi font bon ménage autour du porte-monnaie.

Le Grand Souk de la Fraternité

Mouktar se tient au milieu d’un bazar indescriptible. Une tranche de souk oriental transplanté au cœur du Bourget. Coiffé d’une chéchia rouge à pompon jaune, il arbore un gilet noir orné de parures dorées. Le rideau est levé, le spectacle a commencé. Une cliente lève un porte-coran en bois. ' Trois Euros cinquante ' lance Mouktar. Il exécute un quart de tour et annonce : ' un Euro cinquante ' à l’endroit d’un quadragénaire qui lui montre un poster. Il pivote à nouveau. Maître de son geste il se penche sur notre micro pour proposer sa photo sur notre site : ' Il y a beaucoup de monde. Alhamdulillah. Il y a de l’ambiance Alhamdulillah. Les gens viennent. Ils achètent des khamiss, des Coran, des Tesbilla, de l’encens, des livres. Nous faisons une remise de 30% sur les livres. Pour les autres produits, la remise est de 10 %. Le produit star, il n’y a pas à dire : c’est le Coran. Alhamdulillah. Beaucoup de CD du Coran et les cassettes. Il y aussi les montres avec les inscriptions coraniques. Puis les parfums. Un peu les khamiss. Les gens dépensent beaucoup. Alhamdulillah. '

Non loin du théâtre de Mouktar, un régiment de hijab a pris d’assaut une montagne de foulards. La vendeuse laisse venir l’attaque et crie à tue tête : ' deux Euro, un Euro, deux Euro, oui… un Euro ma sœur '. Tandis que les hijab plongent dans la pile et se relèvent un foulard à l’hameçon, la vendeuse disparaît dans l’arrière boutique pour réapparaître aussi sec tenant dans ses bras énormes un volumineux carton. Elle en déverse le contenu multicolore sur l’étale qui accuse une nouvelle charge. Des bras tendent des billets, des pièces. Pas le temps de vérifier. La vendeuse encaisse. Elle rend la monnaie : ' deux Euro, un Euro ma sœur … ' Pas une minute à nous consacrer. Il a fallu attendre un moment de trêve : ' Nous sommes de Paris 18e . Nous avons des foulards à 2€, des foulards à 1€. Et quoi ! bien sûr que ça marche très bien. Les robes à 3€... Ce sont nos prix. Ce ne sont pas des prix pour le Bourget. Mais ça marche très bien. Nous répondons aux besoins de la clientèle. Ici, la clientèle est sûre. On en a vendu des centaines et des centaines. Je ne sais pas combien. Mais beaucoup beaucoup de foulards. Vraiment beaucoup. Même avant le Bourget ça marchait. Mais au Bourget ça marche encore plus. '

Farid est d’Evry dans l’Essonne : ' je n’ai pas de budget précis. Je suis juste venu pour acheter quelques bouquins et des tenues pour ma femme. J’ai dépensé 50 €. J’ai acheté des livres et des posters qui expliquent la prière aux enfants. Mais il y a beaucoup de monde. Ce n’est pas évident de chercher. Nous ne pouvons pas revenir demain. Mais l’année prochaine Inchallah'.

Abdel Rahim est venu de Valencienne. En habitué du Congrès, il a choisi un hôtel non loin du site pour deux nuits. Sa recherche au Pavillon 4 est ciblée : ' J’enseigne à des jeunes. J’ai donc besoin de documents. Je viens ici pour puiser dans les livres. J’ai acheté des livres essentiellement en arabe. Quelques livres en français. J’avais déjà entendu parler de cette librairie (Ndr :El Nour), mais je ne m’y étais jamais rendu. Je n’ai pas de budget précis. Pour le moment, j’ai déjà environ 100€.'

Nadia est à son premier Bourget. Elle est venue d’abord acheter des billets pour des amis avec lesquels elle compte revenir le dimanche. Elle en profite pour faire le tour des lieux : ' Ce qu’il y a de surprenant pour moi, c’est le côté souk. Je m’étais imaginé un côté très pieux, très religieux, plus spirituel. Mais je découvre le côté commerce. J’ai l’impression que les gens ont besoin de s’approvisionner. Mais il n’y a pas du tout ce côté fraternel. Je viens d’arriver. Je n’ai pas encore fait tous les stands. J’irai voir les stands associatifs. Habituellement, j’ai un budget dans les librairies. Aujourd’hui j’ai dépensé 70 € environ. J’ai une liste de livres que j’ai trouvés en faisant une recherche par l’Internet. Mon budget global pour les livres et les CD ne dépasse pas les 160 €. Je ne prévois pas d’acheter de vêtements. Ici je ne peux pas choisir, je préfère faire coudre mes vêtements en général. Sinon je préfère les essayer tranquillement. Mais ici ce n’est pas possible, il y a trop de monde. '

Khadidja porte un gilet du Secours Islamique. Elle est perchée sur un tabouret derrière un comptoir et devant une urne. Elle accueille les visiteurs qui se succèdent pour faire des dons. ' C’est la première fois que j’assiste à cette rencontre en tant que bénévole. Il y a beaucoup de monde et il faut gérer tout ça. Les gens sont généreux et donnent beaucoup. Je crois que la situation en Irak y est pour quelque chose. Je trouve que l’ambiance est très riche humainement parlant. J’aime cette ambiance. Il y a de la solidarité. Une véritable sensibilité. C’est une occasion rare pour les musulmans d’ici et d’ailleurs. '

Le Choc des Bulles a Commencé

Il y a foule devant le stand de Mecca Cola. Elle est jeune et joviale. Elle devise gaiement, un gobelet de bulles à la main. Depuis six mois qu’il est lancé, Mecca Cola défraye la chronique. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Mourad reconnaît notre micro et s’avance volontiers pour se prêter à nos questions : '  tout se passe très bien', dit-il. Alhamdulillah. Nous ne faisons pas de vente sur le Salon. Nous présentons le produit. Ceux qui veulent acheter sont orientés vers les restaurants. Nous avons une forte affluence : voyez par vous-même. En deux jours nous avons servi près de 13 000 gobelets, soit environ 1000 bouteilles. Nous sommes en rupture de gobelets. Notre succès s’explique par deux raisons : d’abord le nom du produit, Mecca est un mot évocateur pour le public du Bourget. Ensuite notre idéologie : notre image est celle d’un produit humanitaire et politique. Les gens qui boivent Mecca Cola sont contre la politique de Bush et la politique du gouvernement Sharon. Nous sommes à notre premier salon du Bourget et Alhamdulillah. '

Hassen F. est le Directeur Financier de ' Muslim Up '. Cette boisson gazeuse a été lancée il y a un mois et demi. Enthousiaste et souriant, il s’active, autour du stand, à mettre en évidence les panneaux d’annonces du produit. Son allégresse semble naturelle. Elle devient contagieuse lorsqu’il parle de ' Muslim Up ' : ' Nous avons créé la société il y a deux mois et demi. Alhamdulillah ça marche bien. Ici nous menons une démarche de marketing pour faire connaître le produit. On ne cherche pas à faire de l’argent. Nous luttons contre Coca Cola et contre les produits américains. Les gens aiment bien parce que ça touche leur sentiment avec le mot ' Muslim'. Nous avons distribué gratuitement 3 000 bouteilles en deux jours. Sur le marché, vous retrouvez la bouteille à 1€ ou 1€50. Mais nous la vendons beaucoup moins cher à nos grossistes. Pour le congrès du Bourget, tous nos bénéfices vont au Secours Islamique, et au CBSP : 50% pour chacun. '

A Chacun Son Budget Bourget

Khadija, Nacera et Aïcha sont toutes trois adolescentes. Venues de St Etienne, elles découvrent le congrès : ' Nous avons un budget de 150 € pour deux ' explique Khadidja en consultant sa sœur du regard. Nacera confirme d’un geste de la tête. ' Il y a des choses qu’on n’arrive pas trouver dans notre ville. Ici on en profite pour faire des achats ' ajoute Aïcha. Avant de regretter : ' Nous ne nous attendions pas à de tels prix. Nous nous intéressons beaucoup aux vêtements. Ils sont magnifiques mais trop chers par rapport aux prix habituels. Mais nous n’avons pas de tels vêtements chez nous à Saint Etienne. Nacera garde l’espoir : ' ce n’est que le premier jour. C’est donc normal. Il y a des chances que ce soit moins cher demain. Je pense qu’ils vont baisser les prix '. Khadidja reluque des cassettes de Coran. Aïcha lorgne des foulards qu’elle compte offrir à des membres de sa famille qui n’ont pu faire le déplacement. Pour Nacéra il faut absolument acheter des livres et des vêtements : ' le Bourget, c’est vraiment l’occasion à ne pas rater. ' Conclut-elle.

Ce sont deux silhouettes qui avancent posément. La grande aurait pu se prénommer Claire ou Virginie. Avec un sourire plein de malice elle annonce : ' je m’appelle Fatiha. Nous sommes venues de Reims. Je rentre ce soir. Donc je fais un peu d’achats. Autrement j’ai suivi les conférences toute la journée. Là je me repose un peu. Nous, les filles en hijab, n’avons pas beaucoup de choix de tenues. Je cherche des chemises assez longues. Et ici, on a le choix. A Reims nous n’avons pas de magasins adaptés. Je n’ai que le Bourget pour m’habiller. Je ne peux pas rater le Bourget. Normalement je travaille ce soir. Mais j’ai trouvé quelqu’un pour me remplacer. Je reprends le boulot demain, Inchallah. Je n’ai pas de budget fixe. J’achète tout ce qui me plaît. '

Khaltoum est la sœur de Fatiha : ' moi j’ai 14 ans', dit-elle. 'J’ai acheté des livres, des robes de soirée et c’est tout. Mais je ne suis pas satisfaite. Les gens se prennent de bonne heure. Nous arrivons vers la fin parce que nous suivons les conférences. Quand nous arrivons, nous ne trouvons pas ce que nous recherchons. On s’y prend trop tard. '

Fatiha et Khaltoum ont attendu en vain la conférence de Hassan Iquioussen. Leur déception se mêle à leur surprise lorsque nous leur apprenons que leur conférencier favori n’a donné qu’une brève allocution d’excuses avant de s’éclipser. Un caprice de star ou le contre coup d’une trop grande pression ? L’énigme est posée.

Automatiquement Halal

Dans l’espace de restauration, le service ne connaît pas de temps mort. C’est au forceps que nous mettons la main sur Mouss. Il nous reçoit débout à l’entrée de la ' cuisine ' du Rev d’Orient. Avec une courtoisie très professionnelle il accueille nos questions: ' Nous nous occupons de l’organisation du repas. Comme vous pouvez le constater, il y a énormément de monde. Il n’y pas assez de places pour la restauration. Nous embauchons spécialement pour l’occasion. Actuellement, nous tournons à 18 ou 20 personnes. Nous servons en moyenne 10 000 repas par jour. Cela permet de couvrir les frais de location des stands. Selon leur superficie, les stands restauration valent de 6 à 10 000 € environ. Une information que Mouss se refusera à confirmer. ' Tout ce que je peux vous dire c’est que ça marche bien. Alhamdulillah '.

Salman ne parle pas français. Dans un mélange d’Allemand, d’Anglais et d’Arabe, il nous explique son périple depuis l’Allemagne d’où il est parti pour rejoindre des amis en Belgique. Ensemble, ils ont rejoint une délégation à Lille avant de descendre en convoi sur le Bourget. Ahmed est son ami. C’est lui qui nous donne le menu de leur dîner : ' Nous avons mangé un plat de frites avec des merguez, et du poulet puis un Mecca Cola. Ca nous a coûté 7,5 €. C’est pas cher. Les frites étaient un peu froides. Mais ca va, Alhamdulillah. Je viens ici depuis cinq ans. Il y a une bonne ambiance. Ca vaut le déplacement. On trouve aussi des habits, c’est bien. Depuis mon premier Bourget, je vois que ça évolue bien. Alhamdulillah ' 

Cherazade, Malika, Najda, Asma, Chaïma sont strasbourgeoises. Elles ont fait le voyage spécialement pour le congrès. Elles dorment et mangent sur place. C’est donc un dîner entre copines au Bourget. Les avis divergent sur le prix du repas. ' C’est un peu cher. Non, c’est pas cher pour Paris. Moi je pense que ce n’est pas là le problème… Pour moi, il n’y a pas de différence de prix mais la qualité est moins bonne. C’est normal, des sandwichs qui ont été faits le matin et servis l’après-midi, ça peut pas être terrible. Mais, quand même, vous avez vu le monde qu’il y a ? … ' Najda voudrait parler de l’hygiène dans les toilettes des femmes. Mais le repas n’est pas le lieu indiqué pour ouvrir un tel dossier. Les copines voudraient en savoir plus sur Mecca Cola dont deux bouteilles trônent au milieu de la table. L’unanimité finit par se faire sur le coût moyen du séjour, voyage et emplettes compris : ' pour le Bourget, un budget de 200 €, ça ne suffit pas… Mais pour la nourriture, 50 € c’est bon '.

Karim annonce qu’il a un petit budget : ' C’est mon premier jour et j’ai mangé ici ce soir. On ne peut pas juger le Bourget sur la nourriture. La qualité est fonction de la quantité. Il y a beaucoup de monde. On leur fait confiance car ce sont des musulmans. On ne va pas chercher si c’est Halal. Cela est normalement acquis d’office. Mais avec l’industrie de la viande, qui peut savoir ? Je trouve que le prix est correct. Ces gens ont beaucoup de travail. Il ne faut pas trop se plaindre. De toute façon, avec l’Euro tout a augmenté. '

A l’Occasion Du Bourget

Youssef tient le stand de la Ligue Nationale des Musulmans de France (LNMF). Un tapis de cassettes audio et vidéo recouvre le stand: ' Nous sommes connus des jeunes au travers de notre site Internet, nos conférences, nos produits. Avec nos produits, nous avons un contact direct avec les jeunes. Ici, nous exposons les cassettes des conférences que nous organisons tout au long de l’année. Elles traitent des problèmes sociaux, des problèmes quotidiens que les jeunes rencontrent dans leur foi et leur vie spirituelle. Je ne saurais dire combien de personnes sont passées au stand, mais ils sont très nombreux. La crainte de Dieu est un sujet qui intéresse les jeunes. La crainte de mourir dans un état autre que l’état de musulman. Avec le Bourget nous contribuons à nous autofinancer. Les produits que nous exposons ici sont uniquement des nouveautés que vous ne trouvez pas ailleurs. Nous profitons de l’occasion pour faire le lancement. Tous ces étales sont donc des nouveautés de cette année. Par la suite, après le Bourget, nous les vendons aux magasins. '

Au milieu d’une allée noire de monde, entre le ' souk'  et l’espace de restauration, une banderole domine les têtes. A ses pieds, quatre quêteurs. Ils collectent des dons pour la construction d’une mosquée. Kilali K s’interrompt un instant pour nous informer : ' depuis deux ans, nous avons un projet de mosquée à Aubervilliers (93). La population nous soutient. Nous avons recueilli 3500 signatures de citoyens d’Aubervilliers, toutes confessions confondues. De cette pétition et de l’enthousiasme de la population nous avons établi un plan de financement. Puis des équipes ont été constituées pour récolter le financement sur les différents marchés de la ville, du département et lors d’événements comme aujourd’hui. Ici les gens sont très généreux. Il est intéressant d’observer le comportement des populations. On découvre par exemple que, dans l’ensemble, les femmes sont plus généreuses que les hommes. On observe aussi que les frères des régions sub-sahariennes ( Mali, Sénégal, …) sont, généralement, un peu plus réguliers que les Maghrébins. On s’aperçoit que dans ces régions de l’Afrique, la tradition de la ' saddaka ' (Ndr : l’aumône volontaire) est très pratiquée. Tandis que les Maghrébins hésitent, se demandent si c’est la bonne mosquée ou pas, les musulmans d’Afrique Noire ne se posent pas de telles questions. Ils donnent comme de manière naturelle. Les organisateurs nous a accordé des créneaux auxquels nous devons nous tenir. Nous ne payons pas de places. Nous payons simplement nos billets d’entrées, sans plus. '

Comme quoi, si le Bourget n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !