Connectez-vous S'inscrire

Société

Avec Sakana, un tour de France des mosquées à vélo pour sensibiliser à l'écologie et inciter à l'action

Rédigé par | Lundi 14 Septembre 2020 à 11:55

           

Faire un aller-retour de plus de 1 000 kilomètres entre Paris et Marseille pour sensibiliser les musulmans aux questions écologiques, c’est le pari qu’ont décidé de relever une dizaine de cyclistes amateurs réunis autour du collectif Sakana. Coup de projecteur sur cette initiative 100 % nature.



Sur les routes de France, la joyeuse troupe de Sakana a fait de belles rencontres en vue de sensibiliser les fidèles des mosquées à l'écologie. © Sakana
Sur les routes de France, la joyeuse troupe de Sakana a fait de belles rencontres en vue de sensibiliser les fidèles des mosquées à l'écologie. © Sakana
Aller frapper aux portes des mosquées pour rappeler auprès de leurs fidèles l’importance d’un mode de vie plus respectueux de la nature, c’est ce que font une dizaine de cyclistes amateurs depuis le début de l'été. L'objectif affiché est clair : interpeller la communauté musulmane sur les dangers de la surconsommation. Une initiative dans l’ère du temps puisque la question écologique est aujourd’hui très présente.

Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique et Solidaire, l’empreinte carbone des Français a augmenté de 20 % entre 1998 et 2017, et les émissions mondiales de Co2 ont fait un bon de 64 % entre 1990 et 2017.

Passer de la théorie à la pratique

L’aventure a commencé en juillet sous l’impulsion d’Anis, un des membres fondateurs de Sakana, une association aujourd'hui sur le point d'être créée et visant à lutter pour la sauvegarde de l'environnement.

Ce cycliste avait, deux ans auparavant, réalisé un voyage à vélo entre Paris et Barcelone. Cette fois-ci, une quinzaine de convaincus par la cause l’ont accompagné dont Chamsi, lui aussi à l’origine du collectif. Son but avec ce tour de France à vélo est de donner l’exemple aux musulmans en relevant un challenge exigeant. « Avec Sakana, on organise des conférences où on explique aux gens comment réduire son empreinte environnementale mais partir à vélo demandait plus d'efforts. C’était plus concret, plus parlant, plus inspirant », explique Chamsi, qui a fait le trajet entre Paris et Marseille en juillet.

La troupe s’est arrêtée dans une dizaine de mosquées en passant notamment par plus de dix villes dont La Rochelle, Toulouse, Lyon et Valence. Si, parfois, les bénévoles n’échangeaient qu’avec les responsables, ils leur arrivaient aussi d’avoir un auditoire composée de 20 ou 30 personnes.

Au-delà du nombre, c’est la qualité des rencontres humaines qui ont le plus marqué la troupe. Chamsi, qui était jusqu'il y a peu ingénieur industriel, a été particulièrement touché par la générosité des gérants de la mosquée de Montargis, dans le Loiret. « La première journée a été très difficile. Il nous était arrivé tellement de choses que je ne pensais pas pouvoir rejoindre Marseille. Le soir même, nous avons été reçus par la mosquée et l’accueil a été si chaleureux que ça nous a fait oublier toutes les difficultés de la journée », se remémore-il.

La bienveillance au rendez-vous

Ces moments de partage ont permis à la joyeuse bande de faire le plein d’énergie tout au long de leur circuit. Les bénévoles faisaient en moyenne 60 kilomètres par jour à raison de six heures quotidiennes. Un rythme convenable pour des cyclistes amateurs estime Chamsi : « Il n’y avait qu’un ou deux sportifs dans le groupe, les autres avait une endurance normale, ce qui m’a rassuré. On n’a pas besoin de préparation particulière pour ce genre de projet. »

En revanche, une préparation logistique était, elle, indispensable : le jeune homme a aidé à l’organisation de l’itinéraire et du planning, et mis au service du collectif son réseau de contacts. Ce qui n’a pas empêché les aventuriers d’arriver parfois à l’improviste : « Il y avait des mosquées qu’on ne prévenait pas de notre venue et elle découvrait notre initiative sur place : certaines étaient très enthousiastes, d’autres nous disaient merci d’être passé. » Mais le plus souvent, le collectif pouvait compter sur la bienveillance de leurs interlocuteurs. « On était hébergé par les mosquées et, la plupart du temps, elles nous offraient le repas. On mangeait sobrement donc se nourrir n’a pas coûté très cher. On a même pu se payer quelques repas grâce à quelques dons », explique Chamsi.

Réduire l'écart entre l'écologie et les musulmans

En créant l'association et en partant à vélo, le collectif avait un but précis : « Faire de notre mieux pour réduire l’écart qu’il y a entre l’importance de l’écologie en islam et l’importance que les musulmans lui accordent. Car quand on lit le Coran, on voit que c’est quelque chose d’important. Mais aujourd’hui, pour les musulmans, soit c’est facultatif soit c’est une mode, un truc pour bobos. »

Lire aussi : Le respect de la Nature au cœur du Coran

Les fondateurs de Sakana souhaitent normaliser les pratiques écologiques et montrer l'importance de leur valeur spirituelle. « On peut faire de ces comportements une adoration. Avoir l’intention de se nourrir plus sainement pour prendre soin de notre santé, pour Allah, c’est une adoration », estime Chamsi.

Plus encore, l’ancien ingénieur, qui a décidé de déménager en grande couronne pour vivre plus près de la nature, souhaite que la communauté s’implique autant pour l’écologie que pour l’humanitaire : « Aujourd’hui, il y a pas mal d’associations humanitaires qui agissent dans les quartiers ou à l’étranger, c’est devenu normal dans la communauté alors qu’il est encore rare de voir une association consacrée à l’écologie. »

Une initiative synonyme de solidarité et d'ouverture

Si le groupe oeuvre à l'éveil des consciences au sein de la communauté musulmane, l’aventure lui a aussi permis de cultiver d’autres valeurs telles que l’entraide et la solidarité. « Une personne qui nous suit depuis un moment nous a accueillis chez elle. On s’est rendu compte que son fils était dans le même délire que nous. On lui a donc proposé de nous rejoindre. Il nous a dit qu’il n’avait pas de vélos alors qu’en fait, il y avait plusieurs vieux vélos dans son garage. Un papa, qui nous a accompagné avec son fils, lui en a construit un à partir d’anciennes pièces. Il a donc pu venir et est arrivé jusqu’à Marseille avec nous ! », raconte Chamsi.

La solidarité, une qualité dont ont aussi fait preuve de nombreux soutiens qui n’ont pas participé au tour. Plusieurs membres de Sakana sont restés à Paris pour animer les réseaux sociaux ou faire jouer leurs contacts et ainsi permettre aux cyclistes de trouver un point de chute dans les différentes villes de passage. Un esprit de communauté qui transcendait les croyances religieuses, précise l’ancien ingénieur : « Une jeune femme qui n’est pas musulmane et qui nous suit sur les réseaux nous a accueillis chez elle toute une après-midi. Cet esprit d’ouverture est important. On veut aussi parler aux non-musulmans », explique-il.

Et c’est bien ce qu’incarne Sakana dont le nom n’a pas été choisi au hasard : « Il nous faisait penser au mot "sakina" qui en veut dire sérénité, en arabe et aussi au mot "saken" qui, lui, signifie foyer. Mais au départ, un des membres nous a soumis cette idée en pensant que "sakana" voulait dire paix en japonais. Il s’est finalement rendu compte que ça voulait dire poisson... on a quand même gardé le nom ! »,s'amuse le jeune homme.

Un nom qui correspond bien aux idées défendues par ses membres, dont une partie sillonne encore les routes de France pour aller à la rencontre des mosquées et de leurs fidèles qu’il reste à convaincre.

Lire aussi :
Face au changement climatique, la disparition totale des glaciers annoncée : le point de non-retour franchi ?
Plaidoyer pour une écologie islamique de transformation
Justice écologique, justice sociale et justesse intérieure : les « trois J » de l’écologie musulmane




SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !