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Points de vue

Pour une juste compréhension du Coran et du droıt successoral en ıslam

Rédigé par Cheikha Hayat Nur Artiran | Vendredi 6 Mars 2020 à 09:00

           


Pour une juste compréhension du Coran et du droıt successoral en ıslam
Toujours vivace depuis la création d’Adam et Eve, au sein de toutes les religions et civilisations, la question de la place de la femme dans la société a été constamment débattue. Le traitement de cette question s’est révélé problématique dans les nations à majorité musulmane, et, quelle qu’en soit la cause, il n’a pas été possible de comprendre réellement et avec justesse le point de vue de l’islam sur la femme.

L’idée que l’islam ne donne pas à la femme sa juste valeur, qu’elle est exclue de la vie sociale et des responsabilités spirituelles, a toujours prévalu. On ne saurait, bien évidemment, souscrire à une telle conception qui résulte de préjugés et d’un manque de recherches. Si l’on examine de plus près le statut des femmes dans les diverses sociétés pré-islamiques, on sera en mesure de mieux se représenter la valeur que l’islam accorde à la femme.

Ce que l'islam a apporté en matière de droit successoral pour les femmes

Avant l’avènement de l’islam, les filles étaient entièrement privées du droit d’héritage sur la masse successorale en Egypte, en Iran, à Byzance ou encore au Japon mais aussi dans le droit antique romain, chinois et hébraïque. Chez les Arabes, les enfants, les jeunes filles et les femmes n’avaient pas le statut d’héritier dans la famille sous prétexte qu’elles étaient incapables de manier les armes et de défendre leur patrie en cas de besoin. La totalité de la masse successorale du défunt était ainsi transmise par voie successorale aux enfants mâles en âge de participer à la guerre. La situation était encore plus tragique chez les juifs et les chrétiens. Partant de l’idée que la femme était une pècheresse et une créature impure, elle ne pouvait prétendre à aucun droit, ni à aucune considération au sein de la société. A telle enseigne qu’en Angleterre, les femmes n’ont obtenu le droit de toucher l’Evangile qu’en 1547.

Contrairement à des idées reçues, avec l’avènement de l’islam, tous les tabous erronés furent éradiqués et les injustices relatives au droit successoral des filles furent abolies. Les droits des femmes furent protégés et elles furent intégrées dans la vie de la société. Avec le verset 11 de la sourate Les Femmes, les enfants, les femmes et les filles ont obtenu, pour la première fois, le droit d’hériter de leur famille comme les hommes. Avant ce verset, elles n’avaient aucun droit à l’héritage. Bien plus, les filles étaient enterrées vivantes dès leur naissance ou étaient vendues comme de vulgaires marchandises sous prétexte qu’elles représentaient un fardeau matériel pour leur famille.

Pour une juste compréhension du Coran et du droıt successoral en ıslam
Avant l’islam, le mariage des filles était un sujet primordial dans les cultures antiques romaine, grecque, byzantine et arménienne ou encore dans la croyance juive et chrétienne. Les filles qui allaient se marier étaient tenues de donner une somme d’argent ou des biens, ce qui était une question d’honneur et de réputation pour la famille concernée.

En conséquence, les familles en cause endossaient une responsabilité matérielle et, dans la mesure où les filles impécunieuses n’avaient aucune chance de se marier, elles étaient considérées comme des créatures dépourvues de toute valeur pour leurs proches. La tradition de la dot allouée par les filles à leur futur époux se perpétue encore de nos jours dans certains systèmes culturels et de croyance.

Avec l’islam, l’obligation faite aux filles d’attribuer un pécule ou des biens à leur futur époux fut abolie, et une pratique diamétralement opposée fut instaurée. C’est au futur époux qu’il incombe, désormais, de verser une somme d’argent ou un bien appelé « douaire ». Celui-ci est versé en numéraire ou en nature à la femme musulmane à l’occasion de son mariage et devient sa propriété exclusive, dont elle est libre d’en disposer à sa guise. Elle ne peut être contrainte de l’utiliser contrairement à sa volonté. Conformément au verset 11 de la sourate Les Femmes, la femme est devenue pour la première fois propriétaire d’un capital ou d’un bien au moyen du douaire reçu de son époux, ce qui a grandement contribué à élever son statut social et à préserver ses droits dans la société.

Avec l'islam, la femme devient titulaire de droits et d’une liberté matérielle

Le Coran encadre minutieusement le « douaire » en enjoignant à l’époux de ne le reprendre dans aucune circonstance ; s’il n’a pas encore été transmis avant le mariage et que le couple divorce, il est prescrit de verser le douaire convenu en bonne et due forme. Par conséquent, les droits de la femme sont protégés et sa sécurité matérielle est garantie en cas de divorce. C’est une grande première dans l’histoire de l’humanité. Alors que, de nos jours, les femmes qui divorcent se heurtent encore à des difficultés de versement de pension, le Coran a résolu ce problème à la source, 1 400 ans auparavant, en prescrivant à l’époux qui divorce d’allouer à sa femme l’intégralité de son dû.

Bien plus, le verset 6 de la sourate La Répudiation précise l’obligation pour l’homme qui divorce d’une femme allaitant encore l’enfant né de cette union, de lui verser une pension et de pourvoir entièrement aux besoins de son enfant. Dans le cadre de ce commandement coranique, la femme demeure libre d’agir à sa guise : elle est en droit d’accepter cette aide, si tel est son désir, ou de la refuser.

Ainsi, avec l’avènement de l’islam, la femme devient titulaire de droits et d’une liberté matérielle. Elle obtient le droit de se séparer de son mari, le droit de travailler et de fonder sa propre entreprise au moyen de sa part successorale dans l’héritage et du “douaire” reçu de son époux. La conception selon laquelle « les femmes sont comme des biens meubles qu’on peut acheter et vendre » fut supplantée. C’est avec le Coran que l’idée que les femmes sont des personnes à part entière, et qu’elles ont des droits, fut consacrée pour la première fois.

Comment expliquer la part successorale supplémentaire dans l’héritage octroyée à l’homme

La question de l’héritage est primordiale en islam. Il convient donc de bien comprendre le sens véritable des versets concernés. Selon l’islam, la part successorale dévolue à chacun dans l’héritage est déterminée en fonction des besoins et des responsabilités assumées par les personnes au sein de la société. La responsabilité de pourvoir aux besoins matériels de la mère, de l’épouse, des filles ou des sœurs incombe entièrement aux hommes tels que le fils, le mari, le père, le frère, voire même le cas échéant à l’oncle.

Selon le droit islamique, la femme est en droit de gérer comme bon lui semble son patrimoine; même si elle est fortunée, elle n’a pas l’obligation de contribuer aux dépenses du ménage. Si une sœur célibataire ne parvient pas à subvenir à ses besoins au moyen de l’héritage transmis par son père, son frère a l’obligation de lui venir en aide. Lorsqu’une femme se marie, l’époux est tenu de pourvoir à ses besoins et à ceux de leurs enfants. La seule responsabilité d’une femme mariée est d’être une bonne mère et une bonne épouse. En outre, on considère que tous les cadeaux de mariage appartiennent à la femme.

Selon le droit islamique, une femme n’est pas tenue de travailler, de gagner de l’argent et de subvenir aux dépenses ménagères du couple si tel n’est pas son souhait. A l’inverse, l’homme est tenu en toutes circonstances de subvenir aux besoins de sa femme, de sa fille, de sa mère, de sa sœur et des filles qui sont dans le besoin au sein de sa famille élargie. La protection de la femme, qui, sauf volonté contraire, n’est pas tenue de travailler, est garantie par la responsabilité matérielle dévolue à l’homme. Une femme musulmane est en droit de travailler si tel est son souhait. Elle est libre de disposer des revenus de son travail, selon les exigences de sa conscience et ses valeurs éthiques. C’est pourquoi l’homme, tenu d’endosser la responsabilité matérielle de sa femme, de ses filles, de sa mère, de ses sœurs et de verser au surplus un « douaire » à son épouse, bénéficie d’une part successorale plus élevée dans l’héritage par rapport à la femme qui n’assume aucune responsabilité matérielle. Cela contribue tout à la fois à préserver les droits des hommes et à leur permettre de remplir leurs obligations vis-à-vis des femmes dans de meilleures conditions.

Si on considère la question de l’héritage en islam comme un tout, on peut aisément constater que, si une part successorale égale avait été accordée à l’homme et à la femme, l’équilibre aurait été rompu, puisque l’homme est tenu de pourvoir aux besoins matériels de sa famille et des femmes, tandis que celles-ci sont entièrement exemptées d’une telle responsabilité. Cela aurait été injuste vis-à-vis de l’homme. Cette réglementation du droit successoral en islam permet donc de trouver un équilibre entre les droits des femmes – exemptées des difficultés matérielles du quotidien – et les droits des hommes. Si l’on examine le sujet dans son ensemble, sans préjugés, avec bienveillance, et qu’on se livre à une analyse objective du droit islamique et des versets y afférents, on pourra aisément constater que, loin de léser les femmes, bien au contraire, leurs droits ont été préservés jusque dans les moindres détails.

Cela étant dit, lorsqu’on considère la question de l’héritage en islam à notre époque, on s’aperçoit que bien des hommes n’assument malheureusement pas leur rôle de protecteurs matériel et spirituel au sein de la famille, et ne subviennent pas aux besoins des femmes en fonction de leurs revenus. Les femmes ne sont plus préservées des préoccupations matérielles du quotidien. Par contre, nul ne remet en cause leur droit à une part successorale plus importante dans l’héritage. Il va sans dire que c’est une situation erronée et totalement injuste. Il ne faut pas perdre de vue que le droit à une part successorale plus importante dans l’héritage a un fondement réel et sérieux, et qu’il induit un prix à payer. Non seulement vous n’allez pas accomplir les obligations qui vous incombent, et vous allez, par-dessus le marché obtenir une part plus élevée dans la masse successorale ! C’est là une attitude que ni le Créateur suprême, ni les hommes ne peuvent accepter.

De fait, cette part successorale supplémentaire dans l’héritage est octroyée à l’homme, non pas à cause de son genre, mais à cause des responsabilités qu’il est censé endosser. L’homme qui s’arroge un droit supplémentaire dans l’héritage se doit de subvenir sincèrement, selon les moyens matériels de la famille, aux besoins des femmes qui ont également un droit dans cet héritage.

Pour une juste compréhension du Coran et du droıt successoral en ıslam

La responsabilité des Hommes est de s’évertuer à vivre les versets en toute sincérité

En définitive, le but véritable des versets en question est de protéger les femmes et de faire en sorte qu’elles ne soient pas livrées à elles-mêmes face aux préoccupations matérielles de ce monde. Il convient, donc, de porter son attention sur le sens profond de ces versets, afin de tout mettre en oeuvre pour protéger les droits des femmes. Ceci ne revient pas à enfreindre les dits versets, mais, au contraire, à les appliquer conformément à leur esprit. Si on tient uniquement compte de la partie des versets qui sert nos intérêts, sans les considérer dans leur totalité, c’est faire preuve d’irrespect et d’irrévérence envers Dieu et le Coran. Par ailleurs, le fait de ne pas s’interroger sur leur signification induit une lourde responsabilité : de là viennent les erreurs d’interprétation.

Selon ces constats, on peut conclure que les droits des hommes et des femmes forment un tout dans le droit islamique. Avec ces versets coraniques, les femmes ont obtenu la consécration de droits qu’elles n’avaient jamais eus auparavant, et les droits des hommes ont été préservés dans les moindres détails. La responsabilité des Hommes est de s’évertuer à comprendre le sens profond des versets, et à les vivre en toute sincérité.

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Cheikha Hayat Nur Artiran est présidente de la Fondation Internationale Şefik Can pour l’Education et la Culture sur Mevlânâ, à İstanbul, en Turquie.

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