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Monde

'Nous cherchons à montrer une Afrique plus authentique'

Rédigé par Propos recueillis par Aurélien Soucheyre | Lundi 14 Août 2006 à 12:17

           

Afrik.com est un quotidien généraliste qui couvre toute l’actualité de l’Afrique continentale plus celle des différentes diasporas à travers le monde. Avec une audience constamment croissante, ce site Internet est en train de s’imposer comme le leader des quotidiens sur l’Afrique. Entretien avec son rédacteur en chef, David Cadasse.



David Cadasse, rédacteur en chef d'Afrik.com
David Cadasse, rédacteur en chef d'Afrik.com

Saphirnews : Comment expliquez-vous le succès du site ?

David Cadasse : Cela a commencé par un succès d’estime. Mais c’est surtout le «bouche à oreille» qui a fonctionné, à une rapidité surprenante d’ailleurs. Initialement, il n’y a pas eu de campagne marketing, pas de communication. On commence tout juste à être partenaire de certains événements et concerts en Afrique ou en France. Actuellement, la newsletter est envoyée à 20 000 personnes. Mais nous avons une moyenne d’un million de lecteurs.

Je pense que ce qui a fait le réel succès d’Afrik.com, c’est que ce média manquait sur Internet. Nous offrons aussi un contrepoids par rapport à la presse papier où, finalement, il n’y a pas grand monde non plus.

Paradoxalement c’est plus facile de travailler avec et sur l’Afrique depuis Paris. C’est peut-être des reliques post-coloniales. Quand on appelle un homme politique africain depuis Paris, il répond de suite. Si on a rendez-vous avec lui dans son bureau, on est très souvent invité à se représenter le lendemain.

Souvent, en Afrique ou en France, les Africains se plaignent que le flux d’information se fasse du Nord au Sud. Donc on écoute RFI pour apprendre les nouvelles de son pays. Mais c’est un discours que je ne peux pas accepter. Si quelqu'un avait vraiment l’ambition de créer un quotidien d’information sur Internet depuis l’Afrique, avec les moyens dont disposent certaines personnes là-bas, cela se ferait.

Quelle est l’ambition du site ?

D.C : Nous cherchons à montrer une Afrique plus authentique. Quand on grandi en France, que l’on soit d’origine africaine ou non, on a une certaine image de l’Afrique qui est construite par les médias. On ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure, et l’Afrique reste un continent très stigmatisé. Notre ambition, c’était de faire un pont entre les Africains d’Afrique, les Africains de France, et les occidentaux.

Concrètement, on suit l’actualité, les conflits, les présidentielles... Mais on rédige aussi des articles médians. Exemple : tout le monde a fait les dossiers : «avoir 20 ans en Afrique», mais personne à ma connaissance n’a eu l’idée d’en réaliser un sur : «avoir cent ans en Afrique». On a la chance de pouvoir voyager sur le continent, d’aller sur le terrain. Ces personnes on connu la colonisation, les guerres et la décolonisation. C’est intéressant, et cela donne un visage plus humain, plus vrai de l’Afrique.

J’entends souvent : «j’aime la danse, la musique, la nourriture africaine». Mais l’Afrique ce n’est pas un seul mais 53 pays très diverses. On y parle une multitude d’autres langues. C’est comme la France fois 53 voir 55 avec les diasporas.

Ce qui m’intéresse c’est d’être au plus proche des hommes avec un grand «H». Ces personnes qui viennent en France pour faire subvenir au besoin de leur famille au pays, c’est un combat, un parcours. Nous cherchons à redonner une humanité. Les vrais héros, ceux de l’ombre, sont là.


Selon vous, quelles sont les préoccupations des Africains de France ?

D.C : En ce moment c’est principalement la discrimination. Ils s’estiment à tort ou à raison discriminés. Ils veulent revendiquer leur identité. Mais finalement il y a un stade à dépasser. Parce que cette discrimination est pour beaucoup un prétexte pour ne rien faire et se trouver des excuses par rapport à leur façon d’agir ou leur choix. Peu d’entre eux ont dépassé ce clivage. Je suis un mauvais exemple à la limite mais je n’ai jamais connu la discrimination. C’est assez ambigu, j’ai du mal à me placer par rapport à cela. Des modèles économiques dans la communauté noire il y en a, comme Malamine Koné ou Mohammed Dia. Mais ils restent un peu caricaturaux, ils ne sortent pas des clichés classiques.

Que pensez-vous de la nomination d’Harry Roselmack au 20h00 estival de TF1 ?

D.C : L’arrivée d’un noir au 20 heures dans tous les foyers, même dans le Puy de Dôme ou le Poitou Charente, c’est certain que ça participe à faire évoluer les mentalités. Ca banalise le fait que tous les noirs ne sont pas des immigrés clandestins ou des bandits. Mais pour moi c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. S’il faut attendre que la France blanche reconnaisse que les noirs existent pour qu’elle se dise : «tiens ils sont là, on va se bouger pour», on va attendre longtemps. Il y a aussi un travail à faire au sein même de la communauté dans sa façon de voir les choses.

Donc pour Harry Roselmack, c’est très bien, c’est un symbole. Mais il y a plein d’autres métiers que les médias. La communauté noire africaine doit à mon avis changer d’état d’esprit. Parce qu’ils veulent des preuves que c’est possible, des preuves de reconnaissance en matière d’identité que finalement peu maîtrisent. Il y en a qui se revendiquent afro, mais ils connaissent plus Malcolm X que Sankara et ils s’enferment dans leur rôle de victime. Selon moi, Roselmack ou pas Roselmack, il reste un autre chemin à faire, peut être plus dur. Face à la discrimination c’est à nous d’être plus fort et de dépasser cette limite dans nos têtes.

Peut-on parler d’une communauté africaine aujourd’hui en France ?

D.C : C’est la grande question. Je pense qu’on assiste à une mutation. Aujourd’hui on ne peut pas vraiment parler de communauté africaine. Car il y a 55 pays en Afrique qui sont chacun composé de plusieurs communautés et ethnies.

Je crois qu’il y aura une communauté africaine vers la 5e ou la 6e génération. L’identité va évoluée. Il n’y aura plus le clivage de la langue. On parle en ce moment d’«afropéannité». Je pense que cette identité va émerger. On aura alors une communauté afro.



Voir l'article : L'Afrik surfe sur le web.





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