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Points de vue

Les musulmans aux premiers rangs contre l’hydre islamiste

Rédigé par Chems-Eddine Hafiz | Vendredi 1 Novembre 2019 à 12:33

           


Les musulmans aux premiers rangs contre l’hydre islamiste
Dans la cour de la Préfecture de police de Paris, devant les cercueils des quatre victimes, le président de la République a trouvé les mots justes en appelant « la nation tout entière » à « se mobiliser » face à « l’hydre islamiste ». Mais qui peut définir ce qu’est cette hydre islamiste ? Les politiques ? Certainement pas. Dans sa mission de protection de la société, la loi donne des références objectives, en termes de sanction mais aussi de prévention. Mais c’est à nous, musulmans, d’agir en premier lieu, dans la fidélité à notre foi et aux enseignements de l’islam pour aider la société à définir clairement ce qui nous menace tous.

Ce sera le meilleur moyen de contrecarrer la probable chasse insidieuse au musulman, notamment pratiquant, qui risque d’être enclenchée par les vents de la haine et du racisme. Dans ce contexte, j’entends, en ma qualité de membre d’une instance représentative du culte musulman et d’avocat proposer une méthode mais aussi un état d’esprit.

Le droit crée la protection des croyances qu’il se refuse à apprécier

Le premier axe est le respect du droit fondamental : la loi doit s’affirmer sans s’immiscer dans l’intime. La foi religieuse est une croyance partagée qui inclut des éléments de transcendance. La religion offre une lecture situant l’être humain dans ses rapports avec la création du monde et l’infini. Lorsque sont réunis ces éléments, le droit doit reconnaître l’existence d’une croyance religieuse, sans avoir à se poser la question de la validité des dogmes, de la pertinence de la théologie, ou du sens des rites. Cette croyance partagée s’impose comme un fait, et le droit crée sa protection qu’il se refuse à apprécier.

Le second axe est le respect de la pratique de l’islam, religion monothéiste à caractère universel. Sans représentation figurée, sans mystères ni sacrements, elle repose sur les révélations faites par Dieu à son Prophète Muhammad. Elle appelle tout musulman à une réflexion sur lui-même, et demande le respect des cinq « piliers » de l’islam : profession de foi (chahâda), prière, aumône, jeune et pèlerinage (hajj).

Le fidèle musulman doit les exécuter avec une intention pure et sincère mais il est tenu compte de ses capacités matérielles et physiques, et du milieu dans lequel il vit. Ces obligations ont des incidences sur la vie du musulman, dans le cadre de la sphère privée mais également dans son environnement. Se pose alors naturellement la question des adaptations nécessaires pour le musulman qui n’est pas en terre de culture musulmane.

Cesser de confondre les préceptes religieux et ceux qui relèvent de la tradition

Au-delà de ces cinq obligations, les musulmans, imprégnés par la lecture du Coran, livre sacré perpétuel et inamovible, et par les faits et gestes de leur Prophète (Sunna), appliquent ces préceptes au sein de la société dans laquelle ils évoluent. Ce sont les mu’âmalât (la relation à l’autre) qui font l’objet d’adaptations sans travestir ni l’esprit, ni la lettre de leur religion, prise dans sa forme spirituelle.

Abolir l’iniquité, éviter de faire le mal et de commettre l’injustice par ses actes à son profit mais également à celui de l’autre, sans distinction de race ou de religion... Dans son lien d’attachement véritable à leur Créateur, les musulmans, purifiant leurs âmes, doivent agir par des actes positifs (khuluq), mais doivent aussi se satisfaire de ce que l’on possède, s'en remettre à Dieu, et développer les notions de patience, de persévérance, de générosité, d'humilité et de pudeur.

Le Prophète n’avait-il pas évoqué ces règles : « Je garantis une demeure à la lisière du Paradis à celui qui s’abstient de se quereller même s’il a raison, une demeure au milieu du Paradis à celui s’abstient de mentir même pour plaisanter et une demeure au plus haut niveau du Paradis à celui qui a su avoir de belles qualités morales. » C’est l’essentiel de la vie du musulman.

Il y a lieu de cesser de confondre les préceptes religieux et ceux qui relèvent de la tradition et de la culture. Ces derniers sont le refuge de celles et ceux qui n’ont pas eu l’enseignement religieux suffisant pour leur permettre de mieux appréhender cette spiritualité qui va animer leur foi.

Investir l'enseignement

Dans les deux autres religions monothéistes, les enfants, dès leur plus jeune âge, se voient dispensés les premiers principes de leur culte. Ce n’est pas le cas de l’islam. Il est important aujourd’hui que la composante musulmane de France s’organise pour donner la possibilité aux enfants musulmans d’avoir la connaissance de leurs pratiques religieuses en incitant les lieux de culte à créer des écoles coraniques qui dispenseront les fondamentaux de la religion.

L’État, dans le respect de la laïcité, favorisera cet enseignement en investissant lui-même sérieusement l’enseignement du fait religieux et de l’histoire islamique, et en encourageant des associations légitimes et sérieuses à œuvrer dans cette voie. Il est question d’empêcher des cercles nourris par des intentions malsaines de propager de manière directe ou indirecte un enseignement contraire à la fois aux valeurs islamiques et aux principes de la République.

Pour les musulmans livrés à eux-mêmes, l’absence réelle de connaissance de leurs dogmes les laissent pratiquer un culte dans sa seule apparence extérieure qui devient un élément d'appartenance à une communauté, avec une histoire similaire, une civilisation identique et une même destinée.

Les événements imposent à la majorité de musulmans d’agir contre le dévoiement de l’islam

L’islam est trop souvent travesti par des ignorants qui, en raison de frustrations mal contenues, de ressentiments haineux et de complexes multiples, se drapent d’une expression religieuse pour partir vers des dérives sanglantes.

Dans tout ce qui fait le quotidien de leur vie, les musulmans rejettent ces pratiques dévoyées, radicalisées, poussées par des États défendant des agendas et des intérêts douteux. Islam politique, pratiques sectaires et passéiste, idéologie totalitaire : la grande communauté musulmane n’est et ne sera jamais l’otage de cet islam perdu par la haine. L’islam trouve sa force dans la source, comme religion du « juste milieu », et les musulmans vivent pleinement leur foi dans le cadre européen de la liberté de religion.

Agir pour le bien, dans sa vie de tous les jours, c’est la base de tout, mais ça ne suffit pas. C’est ainsi : les événements obligent à davantage. Ils imposent à cette majorité de musulmans de dénoncer et d’agir contre ce dévoiement de l’islam, contre ces pratiques supranationales, politiques et dangereuses qui, dans le contexte des injustices sociales, créent le terreau pour les plus abominables des crimes. C’est ainsi qu’enfin, nos concitoyens non-musulmans seront disposés à nous écouter positivement parler, expliquer et argumenter sur les aspects positifs de notre très belle religion.

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Chems-Eddine Hafiz est avocat, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM).

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