Connectez-vous S'inscrire

Monde

Les Tatars de Crimée réclament l'autonomie 70 ans après l'horreur

Rédigé par Christelle Gence | Mercredi 21 Mai 2014 à 06:00

           

Les Tatars de Crimée ont commémoré, dimanche 18 mai, les 70 ans de leur déportation collective. A l'issue de la cérémonie, les représentants de la minorité musulmane ont adopté une résolution qui précise les modalités de l’autodétermination qu’ils souhaitent mettre en place. Une demande dont la Russie, nouvelle gestionnaire de la Crimée, ne veut pas entendre parler.



Les Tatars de Crimée réclament l'autonomie 70 ans après l'horreur
Les Tatars de Crimée ont commémoré, dimanche 18 mai, les 70 ans de leur déportation collective par Staline. Une grande partie des membres de cette minorité musulmane turcophone, accusée de collaboration avec les nazis pendant l'occupation allemande de la Crimée, ont été raflés en 1944 par dizaines de milliers vers les goulags de Sibérie. Une tragédie dont la mémoire a été ravivée en mars dernier après le rattachement de la péninsule ukrainienne à la Russie dont ils redoutent le retour des heures sombres.

Rassemblement interdit

Initialement, le rassemblement devait avoir lieu à Simferopol, la capitale de la Crimée, où 40 000 participants étaient attendus au pied de la stèle à la mémoire du Sürgünlik (la déportation). Le Majlis, l'assemblée des Tatars de Crimée, a dû se résoudre à annuler la manifestation, contraint par la publication, la veille, d'un décret interdisant toute « action de masse » à Simferopol jusqu'au 6 juin, les autorités de Crimée affirmant redouter des « provocations ».

C’est finalement à deux kilomètres de la ville, dans le village d'Ak-metchet (ancien nom tatar de Simferopol), que se sont rassemblées environ 20 000 personnes. Couverts par le bruit des hélicoptères, les participants brandissaient des drapeaux tatars et des pancartes clamant des slogans comme « Mémoire éternelle aux victimes du génocide du peuple tatar de Crimée » ou « Le droit à l'autodétermination est un droit inaliénable du peuple de Crimée ». Ils ont entonné l'hymne des Tatars de Crimée, puis ont prié pour les morts.

Quelques petites cérémonies en souvenir des victimes se sont tout de même tenues à certains endroits de la capitale, notamment à la gare qui fut le point de départ de la déportation, devant la stèle commémorative et devant une mosquée, alors que les rues de la ville était quadrillée par les forces de l'ordre et les véhicules blindés. A Kiev, plusieurs centaines de personnes ont aussi commémoré les déportations staliniennes.

Une résolution pour l’autonomie

A l'issue de la cérémonie, les représentants des Tatars ont adopté une résolution qui précise les conditions de la création d'une entité autonome nationale en Crimée. Décidées par référendum le 29 mars par la communauté tatare, les modalités n’avaient jusqu’alors pas été définies.

Les membres du Majlis ont réclamé « l'arrêt rapide des discriminations et des répressions des Tatars de Crimée pour des motifs politiques, nationaux et religieux », ainsi que la modification des textes juridiques pour favoriser une plus grande représentation des Tatars de Crimée dans les organes de gouvernance de la presqu'île. La résolution prévoit également le rétablissement des noms historiques des agglomérations et des différents sites locaux qui furent tous remplacés après la déportation.

Les Tatars toujours harcelés

Dénoncée par le leader historique Mustafa Djemilev, toujours interdit de territoire en Crimée, la situation des Tatars ne s’améliore pas, deux mois après le rattachement du territoire à la Russie.

L’ONU a dénoncé dans un rapport vendredi 16 mai le « harcèlement » et les « persécutions » visant la minorité musulmane de Crimée, notant que plusieurs milliers de personnes étaient « devenues des déplacés à l’intérieur de l’Ukraine ». Moscou a immédiatement fustigé le « manque total d'objectivité » du rapport. Le Haut Commissariat des réfugiés de l’ONU a précisé, mardi 20 mai, que 10 000 personnes ont été déplacées depuis le début de la crise ukrainienne et que la très grande majorité d’entre elles sont Tatars.

John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, a, quant à lui, dénoncé, vendredi 16 mai, les violations des droits de l'homme à l'encontre des Tatars de Crimée. « Chaque semaine qui passe voit s'allonger la liste des violations des droits de l'homme commises en Crimée », a-t-il déclaré, ajoutant que « les meurtres, les passages à tabac et les rapts des Tatars de Crimée (...) sont devenus monnaie courante ». Les Tatars, inquiets pour leur avenir, restent sur leurs gardes.

Lire aussi:
L’avenir incertain des musulmans de Crimée face à la Russie
Khanat de Crimée : un puissant vassal des Ottomans aux portes de la Russie





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !