Economie

Le halal boosté par le Ramadan 2010

Rédigé par Leïla Belghiti | Vendredi 24 Septembre 2010 à 00:00

Quel bilan pour le Ramadan 2010 ? Beaucoup l'attendent, mais le résultat global est en réalité déjà perceptible. La communication réalisée autour des produits halal a connu cette année son apogée, et jamais autant de produits estampillés halal n'ont fait leur apparition dans les rayons que depuis ce mois de Ramadan. Le marché du halal n'a pas fini de mûrir, selon Abbas Bendalis, directeur du cabinet Solis, expert en études marketing ethnique. Interview.



Chaque année, les linéaires dédiés aux produits halal et spécial Ramadan gagnent en superficie. Ici, en 2008, l'hypermarché Leclerc de Vitry-sur-Seine.

Saphirnews : Une nouvelle enquête sur le Ramadan 2010 est en cours ?

Abbas Bendalis : Tout à fait, l'enquête a démarré hier [mercredi 22 septembre], elle porte sur les régions Île-de-France, Nord, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes. Ce seront au total 1 500 interviews qui seront réalisées. L'enquête porte exclusivement sur les populations originaires du Maghreb, entendez par-là la Tunisie, l'Algérie et le Maroc.
Le bilan est prévu sur les achats de produits halal : tout ce qui est viande, charcuterie, plats cuisinés. On relèvera également la notoriété des marques aux yeux des consommateurs, et – nouveauté – l'image et la perception qu'ils ont de la grande distribution, autant sur la sûreté du halal que sur la disponibilité des produits dans les rayons, la disponibilité des marques dans les enseignes, et sur le rapport qualité-prix.

Le halal était plus présent que jamais dans les magasins de la grande distribution pendant le Ramadan...

A. B. : On observe une évolution extrêmement importante parce que tout simplement l'offre est plus abondante. De plus, tout le tapage fait autour du halal favorise grandement la consommation : les consommateurs sont curieux, ils découvrent de nouveaux produits, ils achètent …
Il y a eu cette année beaucoup de lancements de nouveaux produits : les entreprises testent les consommateurs musulmans durant le mois de Ramadan. Et évidemment, qui dit plus de produits ou de marques dit plus de visibilité du halal.

Une étape vient-elle d'être franchie cette année ?

A. B. : Je crois qu'effectivement une étape vient d'être franchie : on est rentré dans la normalité. Remarquez que lorsque les marques ne parlent pas, elles excitent les fantasmes, je prends pour exemple Quick : les polémiques ne se sont dégonflées qu'après la conférence de presse en septembre, tandis qu'Isla Délice a trouvé l'astuce : l'humour et le décalage, et cela a marché.

Quelle sera l'étape suivante ?

A. B. : Elle viendra sûrement de la télévision. La dernière campagne d'affichage d'Isla Délice, très réussie, va entraîner les concurrents à investir davantage la publicité, à sortir de la communication purement factuelle pour, comme l'a initié Isla Délice, entrer dans des représentations plus travaillées, qui feront appel à l'humour, au rêve, à l'irrationnel.
Je pense, par exemple, au succès de la Mère Denis, qui vantait les mérites des machines à laver Vedette dans les années 1980 et qui a connu un succès fou !

La distribution traditionnelle risque d'en prendre un coup dans les années à venir...

A. B. : Oui, le marché industriel et de la grande distribution du halal va prendre de plus en plus d'ampleur et va commencer à happer le réseau halal traditionnel. Quand Quick se met au halal, son concurrent n'est pas McDonald's, ce sont les kébabs.
La grande distribution vise évidemment le marché des boucheries, tandis que les grands industriels tels Fleury Michon, Zakia Halal, etc., leur débouché naturel, c'est la grande distribution. Les industriels n'ont pas vocation à être présents dans les boucheries ou petits commerces, c'est la grande distribution qui fait leur force.
La grande distribution a donc de beaux jours devant elle sur le marché du halal. Je pense qu'elle privilégie aujourd'hui trois axes : tout d'abord, la création d'un espace halal ; ensuite, la mise en avant de ses produits dans les rayons frais, surgelés et épicerie ; enfin, le troisième axe, qui est en voie de développement, est d'ouvrir des enseignes spécifiques.
Ce dernier axe peut être un véritable enjeu compte tenu du développement de ce marché et de certains quartiers qui présentent une forte population de culture musulmane. Mais, pour cela, il y a un élément à prendre en compte : les consommateurs estiment que le halal est encore trop cher.