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Sur le vif

La France reconnaît sa « responsabilité morale » dans la déportation d’enfants réunionnais

Rédigé par La Rédaction | Mercredi 19 Février 2014 à 13:18

           


François Hollande a rendu hommage, mardi 18 février, aux soldats musulmans morts pour la France. Le même jour, une autre page de l'Histoire a été extirpée des mémoires. L’Assemblée nationale a adopté une résolution reconnaissant la responsabilité de la France dans l’exil forcé de plus de 1 600 enfants réunionnais de 1963 à 1981.

Il s’agit d’un pas important dans la reconnaissance d’une page sombre de la France, méconnue du grand public. Ce drame, qui a brisé des familles, a pris naissance avec le Bumidom, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer, mis en place en 1963 par Michel Debré, alors député de La Réunion.

Celui-ci prévoyait notamment de compenser le dépeuplement des campagnes françaises en y amenant des enfants venant de la Réunion, un territoire qui, à l’inverse, connaissait à cette époque une forte poussée démographique. L’Etat avait alors arraché des centaines enfants de l'île, souvent sans le consentement des parents, avant d'être transférés dans 64 départements, dont beaucoup dans la Creuse. En France métropolitaine, ils ont été placés en foyer, en familles d'accueil ou dans des familles adoptives. Violences, dépression, alcoolisme... le destin de nombreux déracinés a tourné au tragique en France.

L'UMP contre la reconnaissance

A l’âge adulte, ils apprennent la vérité sur leur histoire. Marie-Thérèse Gasp fait partie de ces jeunes réunionnais victimes de la politique du Bumidom. Elle a été envoyée dans la Creuse à l’âge de 3 ans. « J'ai fait connaissance avec mon histoire en 1999 en lisant un article de Libération, "Les enfants réunionnais parachutés en Creuse". Je pose alors des questions à droite à gauche, à des amis, pour savoir s'ils connaissaient cette histoire. Puis j'ai eu accès à mon dossier d'adoption, la DDASS m'a gracieusement remis quelques documents. Et là, j'ai été très choquée. Je me retrouvais avec un dossier administratif qui raconte en partie l'histoire de ma mère biologique », raconte-t-elle à Europe 1, mardi 18 février. Elle a depuis retrouvé sa famille.

Avec 25 autres déracinés, elle a assisté au vote du Parlement sur la reconnaissance de l’Etat qu’ils attendaient depuis longtemps. La résolution a été adoptée avec 125 voix pour et 14 contre. La gauche dans son ensemble (PS, EELV, PRG, Front de gauche et Divers gauche) a voté pour. L'UDI n'a pas pris part au vote, tandis que l'UMP a voté contre, dénonçant une « instrumentalisation de l'Histoire ».

Une reconnaissance sans droit à l'indemnisation

Si la reconnaissance officielle de l’Etat est inscrite, elle n’apporte en revanche aucun droit à des indemnisations. « Cette question a déjà été jugée. Le juge a estimé que les faits étaient prescrits. D’un point de vue juridique, les choses ont été tranchées », a commenté la députée réunionnaise Éricka Bareigts, qui a présenté cette résolution. Elle fait référence au procès, en 2002, de Jean-Jacques Martial, l’un de ces anciens enfants exilés de force. L’homme, qui s’est réinstallé sur son île natale et a retrouvé sa famille biologique, avait attaqué l’État français pour « enlèvement, séquestration de mineurs, rafles et déportation » sans obtenir gain de cause, malgré un lourd préjudice psychologique marqué à vie.

Sa plainte avait toutefois permis de mettre la lumière sur cette Histoire coloniale complètement occultée. D'autres plaintes ont suivi, mais toutes ont été classées sans suite. Le combat n'est pas totalement terminé pour tous les Réunionnais déportés.






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