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Points de vue

Caricatures : le débat n’a pas eu lieu

Rédigé par Hakim Bey | Jeudi 15 Février 2007 à 21:18

           


Caricatures : le débat n’a pas eu lieu
Lorsque s’est ouvert, le 7 février dernier, le procès intenté par les représentants du culte musulman contre Charlie Hebdo, pour sa publication de deux caricatures danoises jugées insultantes, deux scénarios étaient possibles.

Le premier était qu’un vrai débat soit ouvert sur les questions de fond posées par ce procès. Comment définissons-nous la liberté d’expression ? Cette liberté est-elle égale pour tous ? Doit-elle comporter des limites ? Si oui, quelles sont-elles ?

La deuxième question, posée par ce procès, et liée à la question de la liberté d’expression était la suivante : peut-on opposer deux libertés fondamentales, à savoir la liberté d’expression et la liberté de conscience ? Peut-on assurer, simultanément, le respect de l’une et de l’autre ? Dans le cas contraire, y a t’il une primauté entre elles, une hiérarchie ?

A en croire les déclarations de Charlie Hebdo, la liberté d’expression est sacrée. Elle ne doit souffrir quasiment aucune limite et doit permettre la critique des religions, dont la caricature est l’une de ses formes légitimes. Les représentants du journal satyrique, qui rejettent les accusations d’islamophobie, rappellent qu’ils ont toujours critiqué les religions, et que ces caricatures ne visent que les extrémistes de l’islam.

Pour les plaignants, la liberté d’expression illimitée peut aboutir à une limitation, voire une négation de la liberté de conscience. Publier, à 400 000 exemplaires, un dessin représentant le symbole de la religion musulmane en l’assimilant à la pratique du terrorisme, ne manquera pas, selon eux, de créer un amalgame entre une religion, ses fidèles et des pratiques criminelles. Au-delà du caractère insultant de ces dessins, cet amalgame ne manquera pas de renforcer à son tour des représentations sociales extrêmement négatives à l’encontre des musulmans, qui autorise et autorisera le développement de sentiments islamophobes et de pratiques racistes et discriminatoires. La conséquence directe de ce processus sera assurément une réduction conséquente des libertés religieuses, pour les musulmans.

Ce débat n’a pas eu lieu.

Pour une liberté d’expression…sélective

Charlie Hebdo, ses militants, ainsi que la classe politique et la classe médiatique, dans leur
ensemble, ne l’ont pas souhaité.

On a préféré lui substituer un autre procès, celui de l’islam, au cours de ce qui fut l’une des plus belles représentations théâtrales de ces derniers mois.

Charlie Hebdo a refusé ce débat car il n’est pas favorable à une liberté d’expression sans limites et pour tous. Comme l’ensemble des grands médias, Charlie Hebdo prône une liberté d’expression sélective, illimitée lorsqu’il s’agit de la critique et de l’offense à l’islam, bâillonnée quant il est question de la critique politique et morale du sionisme, des agissements de l’Etat d’Israël, du colonialisme et de nombreux autres sujets.

Nourrie par un athéisme revendiqué, l’aversion de Philippe Val et de ses collaborateurs pour toutes les expressions du fait religieux, musulman en tête, les ont poussé à publier des dessins, pour le moins douteux. Il faut également souligner que initialement les dessins ont été publiés par un journal danois, qu’on présente pudiquement comme un journal ultra conservateur, c'est-à-dire d’extrême droite. C'est donc une véritable gageure pour Charlie Hebdo qui a construit, entre autre, sa notoriété par son combat contre le Front national.

L’argument selon lequel ces dessins dénoncent les extrémistes musulmans, ne tient pas. Si telle était l’intention de ce journal, ce n’est évidemment pas le Prophète de l'islam qui aurait été dessiné mais une autre personne.

Une occasion ratée

Quant à la classe politique française, de Sarkozy à Bayrou en passant par Hollande, elle a démontré que le ridicule ne tuait pas. La récupération politique non plus, à quelques semaines des élections présidentielles. Dans une surenchère « républicaine » et « laïque », nos hommes politiques ont tiré, tant et si fort, sur la couverture médiatique, qu’ils faillirent bien la déchirer.

On reconnaîtra au moins ce mérite aux musulmans de France. Ils sont le premier facteur de cohésion nationale dans ce pays, à leur corps défendant, capables de faire exploser tous les clivages politiques.

Quelques jours après ses propos sur ceux qui égorgent des moutons dans leurs baignoires, sur TF1, le ministre des cultes et créateur du moribond CFCM, très critique, il y a peu, sur le fonctionnement de la justice, n’a pas hésité, finalement, à violer son devoir de réserve en s’invitant à l’audience, par l’intermédiaire d’une lettre de soutien à Charlie Hebdo.

Ce procès restera donc dans les annales comme une occasion ratée. Celle d’ouvrir un passionnant débat qui, à n’en pas douter, aurait été d’une grande utilité pour l’ensemble des français.

Nos élites en ont décidé autrement. Préférant nous jouer le mélodrame des martyrs de la liberté, sacrifiée sur l’autel de l’obscurantisme islamique, ces splendides comédiens ont préféré faire leur, cette devise martiale. Le pire reste le meilleur.





Réagissez ! A vous la parole.
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5.Posté par Jean Pic le 16/02/2007 11:55 | Alerter
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Les religions ne sont que des idéologies si on les considère objectivement.
C'est pourquoi elles peuvent être critiquées et, dans ce cas, on ne critique que des idées.

On peut critiquer le communisme ou le libéralisme, l'athéisme ou le déisme, on peut se moquer de Staline, de Napoléon, de Clovis, Kubilaï Khan ou de Jules César, pourquoi pas de Bouddha, Jésus, Moïse ou Mahomet ?

Chacun a le droit de pratiquer sa religion. Et ne me faites pas croire que quelques malheureux dessins empêcheront les croyants de croire !

4.Posté par maxlemuslim le 16/02/2007 10:06 | Alerter
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salam à tous, cher Jean Pic, pourquoi donc doit-on considérer l'islamophobie comme une opinion et l'homophobie comme un délit? Pourquoi crois-tu à ce deux poids deux mesures?
Et si la liberté d'expression c'est d'accepter d'être blessé dans ses convictions les plus intimes, pourquoi donc la déclaration universelle des droits de l'homme stipule le droit inaliénable à la pratique religieuse aussi bien en public qu'en privé ( art.18 ) ?

3.Posté par hassan le 15/02/2007 21:50 | Alerter
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si l'islamophobie et le racisme anti-chrétien n'existent pas d'où vient donc que lorsque l'on émet une critique sur l'état Israel, on est immédiatement traité d'antisémite
le problème est qu'il faut chacun apprenne à respecter le sacré des autres car la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres car trop souvent on a tendance à marcher sur le sacré des musulmans et à bafouer leur liberté religieuse et le mettre sur le dos de la liberté d'expression. On se rappelle de l'affaire reddecker, du nom de ce professeur de philosophie qui a assimilé l'islam rien qu'au nazisme. Il faut arrêter cela car il y va de de la saine cohabitation entre les différentes communautés qui n'ont d'autre choix que de vivre ensemble et donc de se respêcter.
Dans tous les cas les musulmans sont attachés à ce qu'on respecte leurs valeus comme ils respectent celles des autres et je crois qu'il est du devoir de ses responsables en tant que citoyens de dénoncer tous les agissements de nature à mettre en périel la cohésion sociale.
Paix dans le monde

2.Posté par Alioun le 15/02/2007 15:03 | Alerter
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Bravo M. Bey, que Dieu vous garde...
Le débat n'a pas eu lieu, mais chacun sait désormais qu'il y a débat. C'est à nous musulmans de ne pas lâcher l'affaire. Ce procès des caricatures n'est qu'une caricature de procès. Et nous les savons. La France est un pays qui s'est construit dans le combat. Et tous les combats ne se gagnent pas par KO. Ils peuvent refuser le débat maintenant parce que nous sommes désorganisés. Mais il faut s'organiser pour riposter. Commençons par chercher les moyens d'avoir un petit journal, ça sera un bon début, Inch' Allah

1.Posté par Jean Pic le 15/02/2007 13:45 | Alerter
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Il est faux de dire que Charlie Hebdo est pour une liberté d'expression sélective.
Il suffit de lire quelques numéros de l'hebdomadaire pour constater que de nombreux points de vue différents et contradictoires s'y opposent.

Il y aurait pu y avoir un véritable débat si les religieux n'avaient pas décidé de porter cette affaire devant les tribunaux.

Et une condamnation de Charlie Hebdo serait un désastre pour la liberté d'expression en France.
S'il y a eu une telle mobilisation de personnes de tous horizons politiques, c'est que le danger est présent.

Que des religieux tentent de laisser accroire que la critique de la religion est du racisme n'est pas nouveau. Il y a quelques années, Charlie Hebdo a du subir de nombreux procès intentés par une association d'extrême-droite qui les poursuivait pour "racisme anti-chrétien".

Le "racisme anti-chrétien" n'existe pas.

De même, l'islamophobie ou l'anti-communisme n'ont rien à voir avec le racisme. Dans un cas comme dans les autres, il s'agit simplement de critiquer des idées, des mythes ou des valeurs que certains considèrent comme sacrés.

La liberté d'expression c'est accepter tous les jours que des personnes qui défendent des idées contraires aux siennes aient le droit de les exprimer. C'est accepter d'être blessé dans ses convictions, même les plus intimes. C'est accepter le débat, même si on n'est pas sur d'avoir raison au bout du compte.

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