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Points de vue

Bagdad, la peur envahit les esprits

Rédigé par Renet Jean claude | Jeudi 16 Juin 2005 à 00:00

           

e printemps irakien a été sanglant cette année. Le mois de mai a vu toutes les statistiques s'envoler pour battre de tristes records. En un peu plus d'un mois depuis la nomination du gouvernement d'Ibrahim Al Jaafari, plus de 670 personnes ont perdu la vie.



Le printemps irakien a été sanglant cette année. Le mois de mai a vu toutes les statistiques s'envoler pour battre de tristes records. En un peu plus d'un mois depuis la nomination du gouvernement d'Ibrahim Al Jaafari, plus de 670 personnes ont perdu la vie.

La plupart de ces victimes sont bien sur des civils innocents. Sur la même période, environ 126 voitures piégées ont frappé Bagdad et ses environs. Mais les incidents les plus graves et les plus lourds de significations sont les cadavres de victimes aussi bien Chiites que Sunnites retrouvés ça et là dans différents quartiers de Bagdad. Ces derniers événements font redouter plus que jamais, l'éclatement d'une guerre civile entre les deux communautés irakiennes.

La peur a donc envahit les esprits et a modifié les comportements. Cette peur omniprésente a une influence considérable sur les relations des irakiens entre eux mais elle modifie également la perception des troupes d'occupation et des étrangers de façon générale.

Peur des attentats

Les attentats à la voiture piégée constituent une des principales menaces pour la population irakienne. Ces attaques frappent généralement de façon aveugle et criminelle au milieu de la foule afin de causer un maximum de victimes. Pourtant, rien ne permet de différencier ces véhicules par rapports aux autres dans le flot de la circulation. Lors des nombreux embouteillages qui bloquent Bagdad à certaines heures de la journée, toute voiture devient suspecte et les conducteurs anxieux scrutent leurs rétroviseurs pour essayer en vain de voir ou deviner un signe qui pourrait trahir un de ces véhicules ou son conducteur.

La nouvelle opération de sécurité baptisée “éclair” lancée conjointement par le ministère de la défense et de l'intérieur irakien a permis de déployer environ 40 000 policiers et soldats dans Bagdad et sa périphérie. Cette opération a pour objectif, entre autres, de contrôler les véhicules pour détecter et neutraliser les voitures piégées avant qu'elles ne frappent. Le gouvernement du premier ministre Ibrahim Al Jaafari marque ainsi sa volonté farouche de restaurer la paix et la sécurité en Irak. L'opération “éclair” remporte certains succès et la situation est redevenue calme au centre de Bagdad.

Méfiance !

La peur, omniprésente au sein de la population, principale victime de cette situation a changé les esprits. Les irakiens ne savent plus a qui faire confiance, ou plutôt, ils savent qu'ils ne doivent plus faire confiance à personne. Les habitants du quartier, le voisin dans le bus, l'inconnu qui fait ses courses au souk devient un suspect. Le doute s'installe même parfois au sein des familles. On ne se confie plus à ses proches, même si on leur fait confiance, car ils pourraient parler par inadvertance et ainsi attirer les convoitises ou la haine. Les tensions grandissantes entre les communautés Chiites et Sunnites ne font qu'attiser la méfiance des uns envers les autres. Certains organismes religieux proches des mouvements insurgés comme le Comité des Oulémas Musulmans et les groupes terroristes qui frappent aveuglement la population irakienne attisent ces tensions intercommunautaires. Les cadavres de victimes aussi bien Chiites que Sunnites découverts depuis quelques semaines participent également à alimenter les rumeurs les plus folles. Les irakiens qui ont vécus plus de trente ans sous la menace des services de sécurités omnipotents et omniprésents du Raïs Saddam Hussein ont conservés les réflexes de survie acquis pendant toute cette période.

Des troupes d'occupation qui font peur

Les soldats américains ont la réputation d'avoir la gâchette facile. Cette facilité à ouvrir le feu au moindre soupçon a entraîné de nombreux incidents dramatiques. Le plus célèbre est certainement le mitraillage de la voiture qui évacuait l'otage italienne Juliana Sgrena après sa libération au moment où le véhicule approchait l'aéroport de Bagdad. Mais de nombreux conducteurs irakiens inattentifs, qui n'avaient tout simplement pas vu la proximité d'une patrouille US ont été victimes des balles américaines. Cette méfiance réciproque entraîne une véritable peur vis a vis des troupes d'occupation. Ainsi les conducteurs irakiens prennent soins de laisser environ 200 mètres entre leurs propres véhicules et les patrouilles américaines.

Les soldats américains qui portent en permanence leurs casques et leurs lourds équipements de combats semblent tout droit sortis du dernier épisode de Star War. Cette posture et leur allure supérieure ne facilitent absolument pas la communication avec la population irakienne. Un véritable fossé s'est creusé entre les troupes d'occupation et la population irakienne et les victimes qui tombent chaque jour, de chaque côté rendent impossible tout rapprochement éventuel.

Des troupes d'occupation qui ont peur

Les soldats américains, pour la plupart très jeunes sont terrifiés à chaque fois qu'ils partent en patrouille. Chaque jour, ils voient disparaître deux ou trois des leurs en moyenne. Personne ne les a formé à affronter la situation dans laquelle ils sont plongés. Ils se retrouvent ainsi face à un peuple et une culture qu'ils ne connaissent pas et qu'ils ne comprennent pas. Comme à chaque fois dans l'histoire, l'ignorance nourrit la peur. Pour ces soldats, chaque irakien qui s'approche d'eux ou qui les fixe avec un peu trop d'insistance peut dissimuler un ennemi prêt a se faire sauter avec sa ceinture d'explosif ou a saisir une kalachnikov pour les mitrailler. Les troupes d'occupation ne se mêlent que très rarement avec la population irakienne. La peur de l'empoisonnement est également très présente chez les soldats US. Ces derniers préfèrent donc faire confiance a leurs rations de combat plutôt que de goûter les mets de la cuisine locale.

Cette psychose générale qui envahit tous les esprits a profondément modifié le comportement de toute la société irakienne. Cette peur est tellement présente qu'elle en devient presque palpable. Mais malgré tout, la vie doit continuer et parallèlement à leur frayeur, les irakiens ont développé pour la plupart un fatalisme et une ironie salutaire face à tous leurs tracas quotidiens. Maktoub !!!





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