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Points de vue

Aux sources du discours

Rédigé par Colin Mohammed | Mercredi 18 Septembre 2002 à 00:00

           

Barbarie, Fatalisme, Archaïsme. Autour de quelques idées fortes, la représentation occidentale des musulmans semble figée à travers les temps. De la menace sarrasine évoquée par la chanson de Roland, texte fondateur de la littérature française, au péril islamiste dénoncé par l’hebdomadaire l’express : toute une littérature effrayante.



Barbarie, Fatalisme, Archaïsme. Autour de quelques idées fortes, la représentation occidentale des musulmans semble figée à travers les temps. De la menace sarrasine évoquée par la chanson de Roland, texte fondateur de la littérature française, au péril islamiste dénoncé par l’hebdomadaire l’express : toute une littérature effrayante.

 

Alors que l’occident par  ses différentes révolutions intellectuelles a su modifier son regard porté sur les choses et découvrir de nouvelles vérités, il est surprenant de constater que son regard porté sur l’Islam, lui n’a pas changé. Il en résulte un discours emprunt de préjugés millénaires. Le discours médiatique n’échappe pas à cette défaillance. Pire, « le discours actuel sur l’Islam se nourrit souvent, même inconsciemment, de stéréotypes millénaires : catégories imperméables aux efforts savants et que la rupture épistémologique censée introduite par la vertu laïque, est loin d’être opérante sur elles. (2) », note Saddek Rabah. Penchons nous sur ce discours qui continu tant à résister aux forces de la raison.

 

En Occident, lorsqu’on pense à l’Islam, la raison se dérobe pour laisser place à un imaginaire riche en représentation. Quand il est question de l’Islam et des musulmans, on songe au désert avec des chameaux et des bédouins fiers de leur vie primitive, aux belles jeunes filles cachées dans un harem ou par un voile que Matisse à su dévoiler au travers de ses odalisques. C’est un monde où règne au sein de l’indigence populaire, l’opulence et la sensualité, fidèle aux mille et une nuits. Mais très souvent ce sont  des images très terrifiantes comme le sabre tranchant la veine jugulaire d’un infidèle, l’obligation de suivre les préceptes coraniques, la femme mineure à vie, le barbu fanatique. Toutes ces images enfouies dans l’inconscient occidental ont été façonnées durant plusieurs siècles par les « épaisseurs de l’histoire ».

 

De l’expression « gentem perfidam sarracenorum » (la nation perfide des sarrasins), utilisée par les documents de la première moitié du VIIIè siècle en occident à l’étiquette « les arabes, peuple brigand » écrit par Montesquieu dans De l’esprit des lois, les arabes synonymes de musulmans chez les occidentaux sont perçus comme étant un danger pour le monde chrétien. (3)

 

L’occident a toujours vu la civilisation arabo-musulmane comme un ennemi à soumettre. Le monde Chrétien voyait une menace à l’expansion musulmane. Comme lui, l’islam a pour doctrine le monothéisme et  prétend à organiser les affaires des hommes. Les points de divergence concernent la conception du sacré et du profane. Là, où officiellement l’idéal du christianisme est de ne s’occuper que du sacré  « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » aurait dit Jésus, l’Islam intègre le profane à son système. Ainsi, en islam l’expérience du plaisir est considérée comme un acte d’adoration lorsqu’il est accompli dans les normes islamiques. L’idéal d’un homme de religion dans le catholicisme est le célibat, alors qu’en islam se marier constitue « la moitié de la religion ». Jésus Christ fut célibataire, alors que Muhammad fut marié à plusieurs femmes. Muhammad fut Prophète, mari, père, et homme d’Etat. Saddek Rabah montre que Muhammad était perçu en Occident comme la figure de l’Antéchrist, il écrit : « le personnage du Prophète que l’Occident chrétien semble avoir mis longtemps à appréhender était présenté comme un homme fourbe, comme une réplique négative du Christ, son opposé, son contraire. » Le Pape Innocent III publie au printemps de l’année 1213 : « A l’époque de Saint Grégoire encore, presque tous les pays musulmans étaient en la possession de peuples chrétiens. Mais un fils de perdition, le pseudo-prophète Mahomet (sic) s’est levé depuis lors ; il a séduit beaucoup d’hommes, en les détournant de la vérité, par l’attrait du monde et par les voluptés charnelles. (4)» Les arabes, un peuple absent durant l’antiquité, en moins de trente ans bâtissent un empire des indes jusqu’en Espagne, en intégrant la Perse, une partie de l’Afrique, une partie de l’actuelle Russie et de l’actuelle Chine, ainsi que les balkans. C’est ce qui inspirera à la fois la crainte et la fascination. Le rejet et le dénigrement de Muhammad vont de pair avec l’attraction. (5).  

 

La représentation occidentale de l’islam ne progressera pas au XIXè siècle. Elle va pourtant se doter d’une discipline d’étude appelée l’Orientalisme. Ce terme désigne depuis 1838, l’engouement qui s’est largement répandu pendant la période romantique pour les choses de l’Orient. L’orientalisme ou l’islamologie française est un long cheminement dans l’étude de l’Islam. Pourtant l’orientalisme est dans sa globalité entachée d’ethnocentrisme. E. Said souligne que « l’orient est une pure création de l’occident.» L’orientalisme sera très encouragé par le pouvoir dans une Europe en pleine expansion coloniale. L’orientalisme permit de mieux comprendre la mentalité islamique pour faciliter l’administration des « indigènes » musulmans.

 

 

C’est avec Stupeur qu’aujourd’hui Vincent Monteil relie les lignes d’Ernest Renan, prononcées dans son discours  au Collège de France sur « la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation », le 23 février 1862 : « A l’heure qu’il est, la condition essentielle pour que la civilisation européenne se répande, c’est la destruction de la chose sémitique par excellence, la destruction du pouvoir théocratique de l’islamisme ; car l’islamisme peut n’exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l’état de religion libre et individuelle, il périra. Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d’Ismaël sera mort de misère ou aura été relégué par la terreur au fond du désert. L’Islam est la plus complète négation de l’Europe ; l’Islam est le fanatisme ; l’Islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une tautologie : « Dieu est Dieu » L’avenir est donc à l’Europe et à l’Europe seule ; l’Europe conquerra le monde et y répandra sa religion, cette croyance qu’il y a quelque chose de divin au sein de l’humanité. »  L’alternative « fanatisme-fatalisme » écrit Saddek Sellam « dans laquelle le Musulman sera durablement enfermé semble remonter à cette époque »





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