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Culture & Médias

Portrait : Heba Qotb brise le tabou de la sexualité

Rédigé par Assmaâ Rakho Mom | Mardi 14 Août 2007 à 14:49

           

Ce n'est pas peu dire que d'estimer que l'éducation sexuelle est réduite à peau de chagrin dans le monde arabo-musulman, et plus précisément dans le monde arabe. Les jeunes en font l'apprentissage seuls, ou sommairement en cours de biologie, voire dans des livres ou entre amis. Signe des temps, c'est une femme, Egyptienne, musulmane et voilée, qui bouscule les moeurs et les traditions, en animant une émission dédiée entièrement à la sexualité.



Heba Gamal Qotb, sexologue égyptienne
Heba Gamal Qotb, sexologue égyptienne

Parcours

Elle s'appelle Heba Gamal Qotb. Elle n'a aucun lien de parenté avec le célèbre Sayyid Qotb, précise-t-elle à la demande des journalistes. Et ils sont nombreux à la solliciter, tant elle détonne et étonne. Son émission, intitulée "Kalam Kibir" ("Paroles pour les grands", en arabe), et diffusée par la chaîne satellitaire Al Mehwar TV, fait un tabac dans le monde arabe.

Née en 1967 au Caire, Heba Qotb est la fille du peintre égyptien Gamal Qotb. Dans le salon paternel où s'organisaient régulièrement des salons culturels, elle aura vu défiler les intellectuels, écrivains et penseurs de l'époque tels Naguib Mahfouz, Ihsane Abdel-Qoddous ou encore Youssef Idriss. Les couvertures de leurs oeuvres littéraires étaient en effet le plus souvent illustrées par son père. "Même si parfois je ne comprenais pas ce qu'ils disaient vu mon jeune âge, j'insistais à assister à leurs rencontres pour apprendre. Plus tard, je commentais chacune de leurs réunions, dans des discussions interminables avec mon père" raconte aujourd'hui Heba Qotb à l'hebdomadaire égyptien Al Ahram Hebdo.

En 1991, Heba Qotb obtient son diplôme de médecine de l'université du Caire, puis se lance dans des études de chirurgie avant d'opter finalement pour la médecine légale. En 1997, elle obtient son magistère en médecine légale de l'université du Caire, et en 2000, elle est diplômée en médecine légale de la même université.

C'est en préparant sa thèse de doctorat en médecine légale que Heba Qotb, qui se penche alors sur des cas de viols, s'aperçoit que les études concernant la sexualité sont très peu nombreuses, voire inexistantes. Estimant qu'elle ne peut être médecin tout en n'y connaissant pratiquement rien à ce sujet, Heba Qotb s'intéresse dès lors à la sexualité dans l'islam. Elle en fera d'ailleurs son sujet de thèse de fin d'études, qui s'intitule : "la relation sexuelle dans l'islam".

C'est l'université de Floride qu'elle choisit ensuite pour poursuivre des études de sexologie. Elle est à ce moment-là déjà mère de trois filles, et en 2003, elle obtient son doctorat de sexologie de l'université de Floride. "Je me souviens du jour où je suis allée aux Etats-Unis pour passer un examen préliminaire à la thèse ; chaque candidat devait parler pendant 10 minutes sur un sujet de son choix relatif à la relation sexuelle. C'était une table ronde. Dès que j'ai évoqué le sexe en islam, le comité a été très attentif et m'a accordé un temps supplémentaire pour m'exprimer. Le lendemain, tous les candidats devaient passer un autre examen, moi seule en étais dispensée" : le comité avait estimé qu'elle pouvait passer directement à sa thèse, se souvient aujourd'hui Heba Qotb.

Heba Qotb, son mari, médecin aussi, accompagnés de leurs trois enfants
Heba Qotb, son mari, médecin aussi, accompagnés de leurs trois enfants

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Aujourd'hui, outre l'animation d'une émission très prisée dans le monde arabe sur la télévision satellitaire Al Mehwar , Heba Qotb officie aussi dans sa clinique, où elle a mis en place l'organisation de quatre stages destinés à amener ceux qui y participent à l'harmonie sexuelle. Le premier vise les personnes en passe de se marier, le second concerne les adolescents, le troisième s'adresse aux femmes mariées victime de monotonie sexuelle dans leurs couples, et enfin le quatrième ambitionne de former des spécialistes qui seraient ensuite capables de répondre à des anonymes via des numéros gratuits.

"Je n'aime pas les eaux stagnantes et je suis fascinée par les flots. Puisque nous sommes arrivés sur terre, il ne faut pas rester les bras croisés et attendre qu'un changement tombe du ciel" martèle Heba Qotb qui, non contente d'avoir fait tomber un tabou en traitant à la télévision de la sexualité, s'attaque aussi de plein fouet aux traditions minant les sociétés arabo-musulmanes.

Traditions nocives et virginité

"Certaines coutumes nocives, notamment l'excision, provoquent la frigidité des femmes. Pourtant, le droit de la femme à la jouissance sexuelle est garanti par la charia alors que la tradition ne fait d'elle qu'un objet de satisfaction pour son partenaire. Par exemple, les gouttes de sang, signe du dépucelage pour les Orientaux, n'est pas la seule preuve de l'honneur de la fille. Parfois, avec un hymen élastique, la jeune mariée est injustement condamnée par son entourage" s'insurge ainsi Heba Qotb, qui précise : "Cela n’a aucun sens, une fille ne saigne pas forcément lors de son premier rapport. Il y a six différents types d’hymens, avec beaucoup, peu ou pas d’écoulement sanguin. Une fille qui a un hymen élastique ne saignera jamais et ne perdra sa virginité qu’en accouchant de son premier enfant. Pourquoi donc aller à l’encontre de la nature et se plier à des règles qui ne font qu’humilier les femmes ? D’ailleurs je conseille souvent aux jeunes couples de venir faire des tests avant le mariage, pour éviter ce genre de scènes lors de la nuit de noces".

Pourtant, même si l'émission animée par Heba Qotb atteint des records d'audience, seuls les personnes appartenant à la classe sociale la plus élevée fréquentent son cabinet

"Mon ambition n'a pas de limites. Je veux laisser une trace, changer, inculquer aux gens une culture sexuelle comme il faut, dans l'ultime but de rendre la vie des couples plus gaie. Car j'ai l'impression que la joie conjugale s'évapore. Je veux apprendre aux gens que la jouissance est accessible s'il y a une satisfaction psychique et un désir de combler son partenaire" précise la sexologue égyptienne qui explique que "c'est la charia, que beaucoup d'Egyptiens respectent énormément, qui est mon arme de défense. Elle s'avère plus puissante que la tradition lorsqu'il s'agit de convaincre et de lutter contre certaines mauvaises habitudes".





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