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Société

La 3e journée-hommage du Collectif Hamidullah

Une nouvelle tradition de l’islam en France

Rédigé par Ali Berthet | Mardi 13 Décembre 2005 à 01:26

           

Des tables rondes et des témoignages pour se souvenir des musulmans célèbres d’Europe. À l’honneur cette année : Malek Bennabi, Éva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah. Initié par un groupe d’admirateurs du Pr. Hamidullah (1908-2002), la Journée-Hommage devient un nouveau rendez-vous annuel en France. Ce samedi 17 décembre 2005, pour cette troisième édition, Rahama Bennabi, fille du célèbre penseur, viendra des États-Unis pour parler de son père. L’imam Yusuf Ziya Kavacki, très proche élève du Pr. Hamidullah, parlera de son maître. Entretien avec Hawwa Bâ, présidente du Collectif Hamidullah.



Saphirnews : L’an dernier, la journée-hommage était exclusivement consacrée au Pr. Hamidullah. Cette troisième édition semble marquer un tournant avec le choix d’une ouverture vers d’autres savants.

Hawwa Bâ : Pas tout à fait. L’an dernier déjà, nous avons essayé de ne pas nous arrêter au seul Pr. Hamidullah. Mais nous n’avions qu’une demi-journée de conférence publique. Et il y a tellement de choses à dire sur le Pr. Hamidullah (sa personne, son œuvre) que nous n’avons pas voulu nous disperser. Nombreux sont les témoins de valeur qui n’ont pas encore eu l’occasioin de témoigner de leurs expériences avec Hamidullah. Cette année, nous avons un programme sur toute la journée. Cela commence à 9h30 et finit à 19h. Cela nous permet de parler du Pr. Hamidullah et d’autres penseurs de sa génération, et de nos générations aussi. Toutes ces personnes ont contribué au patrimoine intellectuel de l’Islam en Europe. C’est en cela qu’elles nous intéressent.

Pour parler d’eux, vous avez une affiche particulièrement intéressante.

Hawwa Bâ : Le Collectif fait un travail qui relève de la responsabilité collective des musulmans. Et nous avons voulu faire quelque chose de bien. Nous nous occupons de personnes qui méritent que nous ayons des ambitions pour elles. Ces ambitions sont à la hauteur du respect que nous inspirent celles et ceux à qui nous rendons hommage. Mais l’ambition ne suffit pas, il faut en trouver les moyens. Avec un peu plus de moyens, nous aurions pu faire beaucoup plus.

Cette année a été assez dure pour le patrimoine musulman d’Europe. Nous avons perdu Abdelhalim Jean-Loup Herbert, Vincent Monteil. Pour l’islam en France et certainement en Europe, ce sont deux monuments intellectuels qui nous font défaut. Mais il n’y a pas que la France, il y a aussi le reste de l’Europe, où des savants musulmans travaillent, souvent seuls mais toujours avec passion. En Belgique, Abdelhamid Bouzouina est décédé cette année. En Angleterre, Martin Lings n’est plus depuis le mois de mai 2005. Nous ne pouvons pas nous asseoir et dire « Ça y est, c’est fini », et laisser ces personnalités sombrer dans l’oubli. Leurs exemples, leurs pensées méritent de continuer à nourrir nos expériences de musulmans européens d’aujourd’hui et de demain.

Malek Bennabi, Éva de Vitray-Meyerovitch, Muhammad Hamidullah… cela fait une affiche de choix.

Hawwa Bâ : Oui, cette année, ce sont nos trois têtes d’affiche ! Il fallait bien faire des choix. Surtout que nous songeons actuellement à nous occuper de nos penseurs qui sont encore vivants. Mais Malek Bennabi, Éva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah sont trois figures illustres de notre patrimoine intellectuel. Si nous ne prenons pas nos responsabilités, nos enfants ne sauront bientôt rien de Malek Bennabi. Ils ne sauront rien de Hamidullah, rien d’Éva de Vitray-Meyerovitch, rien de Nadjmeddine Bamate, et de tant d’autres encore. Pourtant, vous savez bien que ces personnes font partie des musulmans qui ont fait de la présence musulmane en Europe une réalité. En tout cas, ils ont contribué à cela. Nous devons nous en souvenir et nous arrêter de temps en temps pour prier pour eux, pour parler d’eux et évoquer leur souvenir. En quelque sorte, sur le plan intellectuel, ils sont un peu là d’où nous venons. Ils font partie du patrimoine intellectuel de l’Europe.

Deux mots sur vos intervenants. Ils ne sont pas tous connus ?

Hawwa Bâ : Le 17 décembre, pour nous, est une journée d’hommage public. C’est l’anniversaire du décès du Pr. Hamidullah. C’est ce jour-là que nous avons soudainement pris conscience de la nécessité d’agir pour ne pas perdre notre patrimoine culturel. Ce n’est donc pas une journée d’universitaires spécialistes du patrimoine musulman. C’est une journée pour toutes celles et tous ceux qui veulent témoigner leur reconnaissance à nos savants. Nous avons donc invité des parents ou des personnes proches de nos disparus. La fille Bennabi viendra parler de son père. C’est très émouvant pour nous. Le cheikh Kavakci viendra aussi. Il est un des plus fidèles disciples de Hamidullah. Il a eu l’honneur de lui donner le bain funéraire. C’est lui qui a dirigé la prière funéraire aussi et s’occupe de la tombe de son maître. Avec un peu plus de moyens, nous aurions invité beaucoup d’autres personnes. Prions que Dieu nous en donne le temps. Pour le mois de mai 2006, une équipe du Collectif Hamidullah travaille déjà à l’idée d’un séminaire scientifique.

Larbi Kechat, recteur de la mosquée Adda’wa (Paris 19e, est connu. Mais M. Baghdad-Bey, M. Bakcen... ?

Hawwa Bâ : M. Bakcen est connu dans les mouvements musulmans turcs. En France, il est au secrétariat national du Millî Görûs. Les intellectuels turcs ont une relation très profonde avec l’œuvre et la personne de Hamidullah. Beaucoup d’entre eux se sont formés à l’école de Hamidullah, qui parlait turc et a enseigné en Turquie durant de nombreuses années. Leurs témoignages sur Hamidullah sont très enrichissants et je suis sûre que le public qui fera le déplacement sera ravi. Vous parlez de M. Baghdad-Bey ! Non, ce n’est pas un monstre médiatique. Et nous sommes fiers de l’avoir retrouvé. Pour nous, il a accepté de sacrifier sa discrétion pour nous parler de Malek Bennabi sur qui il a soutenu une thèse de doctorat. Croyez-moi, ce n’est pas rien. Son témoignage est très attendu aussi. Ce n’est pas la popularité de nos intervenants qui guide notre choix. Nous regardons l’intimité de nos invités avec l’objet de notre travail.

Vous recevez quand même Akhenaton, ce n’est pas un inconnu !

Hawwa Bâ : Oui, Akhenaton est un artiste que l’on connaît bien dans le milieu de la musique. Il est jeune et on peut se demander ce qu’il vient faire là avec le patrimoine intellectuel de l’islam. Il faut savoir qu’Akhenaton a choisi l’islam comme religion. Dans ce cheminement, il a une expérience particulière avec le Pr. Hamidullah. Nous pensons que ces expériences méritent d’être connues aussi. Nous avons invité Akhenaton à venir témoigner. Il a accepté sans le moindre problème. Mais un souci d’emploi du temps s’est posé. Finalement, son témoignage sera enregistré et nous le diffuserons insha Allah. Ce sera un témoignage inédit d’Akhenaton sur le Pr. Hamidullah. Jean-Louis Michon, ami intime et traducteur d’Abu Bakr Siraj ad-Din Martin Lings, a accepté également de témoigner. Cela sera un autre film inédit !

Après la journée-hommage, quels projets pour le Collectif Hamidullah ?

Hawwa Bâ : Prions ensemble d’abord que la Journée se passe dans les meilleures conditions. Ce sera une récompense méritée pour le Collectif qui travaille depuis plusieurs mois sur ce projet. Immédiatement après la Journée, nous nous lançons dans la préparation du séminaire qui concerne les chercheurs et les universitaires. C’est une autre paire de manches ! Mais parlons d’une chose à la fois. Nous souhaitons actuellement que le public prenne conscience et qu’il réponde présent à notre Journée-Hommage. Nous nous sommes engagés à promouvoir les exemples et les œuvres de nos prédécesseurs. C’est un travail de longue haleine. Nous ne sommes qu’au début de ce chemin. Pour répondre à votre question, notre prochaine étape sur le planning est : un séminaire scientifique au printemps, insha Allah. Très probablement au mois de mai 2006.





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