Politique

Islam de France : Darmanin déclare la mort du CFCM, Moussaoui dénonce

Rédigé par | Lundi 13 Décembre 2021 à 18:05

« Le CFCM, pour les pouvoirs publics, n’est plus l’interlocuteur de la République. » Cette déclaration tonitruante du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'est pas passée inaperçue, suscitant l'indignation de Mohammed Moussaoui. Les fédérations dissidentes du CFCM, en premier lieu la Grande Mosquée de Paris, sont plus que jamais renforcées dans leur position.



Jusqu’à tout récemment, Mohammed Moussaoui affirmait auprès de Saphirnews que le Conseil français du culte musulman (CFCM) qu’il préside était encore « officiellement l’interlocuteur des pouvoirs publics », bien qu’il reconnaissait une « nette diminution » ces derniers mois des échanges entre son institution et le ministère de l’Intérieur du fait que des fédérations musulmanes n'ont pas signé la controversée charte des principes pour l’islam de France.

Qu’en est-il de la situation pour Place Beauvau ? Gérald Darmanin n’aura jamais été aussi clair publiquement sur les relations actuelles qu’entretient l’Etat avec le CFCM. L’instance, que le ministre de l’Intérieur qualifie comme « la représentation de l’islam consulaire », est « morte ». « Le CFCM, pour les pouvoirs publics, n’existe plus, n’est plus l’interlocuteur de la République », a-t-il affirmé au Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro dimanche 12 décembre.

« Il ne l’a plus été parce que le président de la République Emmanuel Macron a pris une décision courageuse (…), il a voulu mettre fin à l’islam consulaire, être clair avec les islamistes et a fait signer une charte qui reconnait des valeurs fondamentales pour la République », a-t-il dit. Parce que le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), la Confédération islamique Milli Görüs (CIMG) et Foi & Pratique ont refusé de signer la charte, « nous ne parlons institutionnellement plus à ces trois fédérations et le CFCM (…) n’est plus notre interlocuteur ».

Des propos d’une grande « gravité » pour le CFCM

Le coup de massue est rude pour le CFCM et plus particulièrement pour Mohammed Moussaoui. Bien qu’il fasse partie des signataires de la charte en tant que dirigeant de l’Union des mosquées de France (UMF), il continue de présider le CFCM. A ce titre, il a dénoncé des déclarations du ministre qui ne sont « pas acceptable(s) ni sur la forme ni sur le fond ».

« La rupture unilatérale du dialogue entre les pouvoirs publics et l’instance représentative du culte musulman n’a jamais été signifiée au CFCM. Les conseils régionaux et départementaux du culte musulman continuent de dialoguer avec les pouvoirs publics, notamment les préfets. (…) Il représente le culte musulman dans toutes les cérémonies officielles » comme ce fut le cas pour la cérémonie du 11-Novembre, a-t-il fait savoir lundi 13 décembre dans un communiqué.

Par ailleurs, « c’est au sein du CFCM que la charte des principes pour l’islam de France a été rédigée. Les textes fondateurs du projet du Conseil national des imams y ont été élaborés. Malgré la faiblesse de ses moyens et les tentatives de déstabilisation dont il a été victime, le CFCM a tenu bon », a-t-il poursuivi. « Aussi, l’annonce faite par le ministre de l’Intérieur n’est pas justifiée et est en rupture totale avec les règles et usages en vigueur dans un État de droit comme le nôtre. »

En outre, affirmer qu’Emmanuel Macron « aurait fait signer la charte aux responsables musulmans pourrait laisser entendre que les termes de cette charte auraient été imposés par le président de la République. Or, il faut rappeler que cette charte a été rédigée par l’ensemble des huit fédérations composant le CFCM et elles en sont les auteurs. Les trois fédérations non signataires pour le moment en font partie ». Ces dernières ont sollicité « à plusieurs reprises » une audience auprès du ministre de l’Intérieur, jusque-là en vain, a-t-il signifié.

La Grande Mosquée de Paris, l'autre gagnant de la crise

Gérald Darmanin a annoncé la tenue fin janvier 2022 d’un « forum de l’islam de France » visant à travailler à « une nouvelle organisation de l’islam de France » avec une centaine de « nouveaux représentants » pour donner une suite aux assises territoriales de l’islam organisées ces derniers mois à travers le pays.

Pour Mohammed Moussaoui qui prépare la création d’un Conseil national des imams (CNI) en janvier 2022, « la représentation du culte musulman doit être l’émanation des responsables musulmans. (…) Tout action du gouvernement qui crée le vide institutionnel en matière de dialogue avec le culte musulman ne peut être que préjudiciable à tous ». Son instance s’attelle, pour sa part, à « une nouvelle réorganisation du culte musulman à même de répondre aux attentes des musulmans de France et à leur aspiration à une totale indépendance de toute forme d’ingérence » à travers la départementalisation.

Gérald Darmanin a choisi d’évincer le CFCM de la table du dialogue, au profit de la Coordination qui rassemble quatre fédérations dissidentes du CFCM, emmenées par la Grande Mosquée de Paris.

Alors que le ministre de l’Intérieur a rappelé sa volonté ferme de mettre fin à l’islam consulaire, il est également à noter que le recteur de la GMP a été assuré du « soutien absolu » de l’Algérie par le président Abdelmajid Tebboune. Qu’à cela ne tienne, les relations sont au beau fixe et c’est bien avec Chems-Eddine Hafiz que Gérald Darmanin choisit de traiter. En signe de reconnaissance, il a été reçu le 8 décembre Place Beauvau avec ses alliés de la Coordination, à l’initiative d’un CNI.

Lire aussi :
Séparatisme : Darmanin livre un bilan des mosquées contrôlées et fermées en France
Tareq Oubrou : « La course à la création de conseils des imams est vouée à l'échec »
Conseil national des imams : un lancement en fanfare sur fond de crise au sein du culte musulman
Mohammed Moussaoui : « Le CFCM des fédérations est arrivé à son terme »


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur