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Points de vue

Terrorisme – Un travail en profondeur pour la justice et la paix

Rédigé par Mgr Yves Boivineau | Mercredi 23 Décembre 2015 à 08:00

           


Terrorisme – Un travail en profondeur pour la justice et la paix
Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris resteront longtemps inscrits dans notre mémoire : la mémoire des familles meurtries par la mort de l’un des leurs, mais aussi notre mémoire collective. La France, touchée au cœur, est digne dans l’épreuve.

Un crime contre l’humanité

Les actes terroristes se succèdent, donnant le sentiment d’une « guerre mondiale par morceaux », selon l’expression du pape François. Toutefois, le terrorisme n’est pas la guerre, au sens où ce terme s’applique à des conflits armés entre des États ou des groupes organisés, encadrés par diverses conventions internationales : tout n’est pas permis !

Or, le terrorisme est la violence à l’état brut, une violence « aveugle » qui frappe sans discrimination et sans pitié, de façon imprévisible, dans le but de créer un climat d’insécurité et d’angoisse. Son objectif est d’installer la peur, en laissant planer la menace de nouveaux attentats.

Il n’est pas de cause juste ni de circonstances atténuantes qui puissent justifier de tels actes. Le mal commis est sans commune mesure avec les causes qui pourraient l’expliquer. Il ne saurait y avoir d’exception à la condamnation absolue de tout acte terroriste. « Le terrorisme est fondé sur le mépris de la vie humaine… Il constitue en lui-même, en tant que recours à la terreur comme stratégie politique et économique, un véritable crime contre l’humanité », déclarait Jean-Paul II, lors de la Journée de la Paix, le 1er janvier 2002.

Réagir et comprendre

Nous restons toutefois avec des questions. Comment est-il possible d’en arriver là ? Pourquoi et comment certains jeunes peuvent-ils devenir « radicalisés » à ce point ?

Pour éradiquer le terrorisme, il est nécessaire d’en comprendre les ressorts et de se résoudre à chercher pourquoi des hommes et des femmes deviennent des terroristes, dans tel contexte plutôt que dans tel autre.

Les auteurs des attentats ne sont pas des déséquilibrés : la planification très étudiée et très précise de leurs actes est à la hauteur de leur détermination ! Il y a de toute évidence des terreaux qui génèrent des terroristes.

Toute politique antiterroriste doit forcément le prendre en compte, dans la ligne précisée par Jean-Paul II dans son message du 1er janvier 2004 : « (…) pour être victorieuse, la lutte contre le terrorisme ne peut se limiter à des opérations répressives et punitives. Il est essentiel que le recours à la force, s’il est nécessaire, soit accompagné d’une analyse courageuse et lucide des motivations sous-jacentes aux attaques terroristes. »

Il est bien sûr du devoir de l’État, responsable du « bien commun », d’éviter la réitération d’actes terroristes et de mettre « hors d’état de nuire » ceux qui préparent de futurs attentats. Ces mesures relèvent surtout de la police, du renseignement, de la lutte contre le financement des réseaux. Les Etats doivent davantage encore coordonner leurs politiques antiterroristes. Il est normal que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles.

L’enjeu est de taille et la tâche difficile, puisqu’il faut veiller à ce que les actions entreprises pour mettre hors d’état de nuire les terroristes d’aujourd’hui n’aient pas pour effet de susciter de nouvelles générations de terroristes pour demain et après-demain. Ainsi, toute action militaire ¬‒ aussi légitime qu’elle puisse être ‒ doit rester proportionnée à la menace et ne pas provoquer des dommages plus grands que ceux auxquels elle entend remédier (voir Catéchisme de l’Église catholique, art. 2307 à 2317 et « La légitime défense et ses limites », P. Christian Mellon sj, La Croix, 27 nov. 2015). La répression policière et militaire, nécessaire, ne peut constituer l’unique réponse. Nous ne pouvons pas nous dispenser de l’effort d’intelligence concernant les causes du terrorisme.

Loin de toute explication simpliste, nous devons prendre la mesure de la radicalisation constante de jeunes Français, musulmans ou convertis, cela depuis plus de vingt ans. Ils agissaient hier sous la bannière d’Al-Qaïda, aujourd’hui sous celle de Daech … et demain ? La fin de Daech ne signera pas la fin de ce mouvement de fond, de cette révolte nihiliste qui est prête à tout pour terroriser.

Résistance spirituelle

La résistance au terrorisme est aussi d’ordre spirituel. Devant un tel excès du mal, le risque est grand de se laisser emporter soi-même par la spirale de la violence, et d’entrer ainsi dans le jeu des terroristes. Nous ne devons pas céder au démon de la peur, à la tentation de la vengeance ni démissionner face au mal.

Le croyant puise dans la prière, dans la relation à Dieu, la force de résister au mal, la lucidité pour regarder en face les situations qui favorisent le terrorisme et le courage d’un travail en profondeur pour la justice et la paix : nous sommes tous frères, enfants du même Père, et cette terre est notre « maison commune ».

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Première parution de cet article dans la Lettre de Justice et Paix, n° 208, décembre 2015.
Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy, est président de Justice et Paix, service de la Conférence des évêques de France.





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