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Société

Le Conseil d'Etat conforte l'interdiction des abayas à l'école, voici pourquoi

Rédigé par | Jeudi 7 Septembre 2023 à 19:05

           

Saisie en urgence pour suspendre l'interdiction des abayas à l'école, la plus haute juridiction administrative a rendu un verdict qui conforte la mesure controversée prise pour la rentrée par le gouvernement.



Le Conseil d'Etat conforte l'interdiction des abayas à l'école, voici pourquoi
Le Conseil d'Etat a rejeté, jeudi 7 septembre, le référé visant à suspendre la très contestée nterdiction du port de l’abaya et du qamis dans l'enceinte des établissements scolaires.

Saisie en urgence par l'association Action Droits des Musulmans (ADM), la plus haute juridiction administrative du pays a estimé que la mesure « ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Une tenue portée dans « une logique d'affirmation religieuse »

« En l’état de l’instruction », elle ne constitue pas non plus « une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l’éducation et au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ou au principe de non-discrimination », selon le juge des référés.

Tandis que des responsables religieux musulmans nient à l'abaya un quelconque caractère religieux, le juge affirme que le port de cet habit à l'école « s’inscrit dans une logique d’affirmation religieuse, ainsi que cela ressort notamment des propos tenus au cours des dialogues engagés avec les élèves ».

« Or la loi interdit, dans l’enceinte des établissements scolaires publics, le port par les élèves de signes ou tenues manifestant de façon ostensible, soit par eux-mêmes, soit en raison du comportement de l’élève, une appartenance à une religion », indique-t-il. « Pour ces raisons, le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande de l’association. »

Une mesure décriée comme discriminatoire

Le problème est que l'abaya n'est pas clairement définie dans la note du ministère de l'Education nationale adressée aux chefs d'établissements, ce qui laisse la porte ouverte à des interprétations libres et potentiellement abusives de la mesure. Des premières dérives ont d'ores et déjà été constatées dans plusieurs régions.

« Une tenue ne saurait être religieuse par simple suspicion », déplorait encore, lundi 4 septembre, le Conseil français du culte musulman (CFCM), qui pointait les risques de discriminations face à « l'absence, dans cette note administrative, d’une définition claire de ce vêtement créée de fait une situation floue et une insécurité juridique ».

L'instance avait dit sa perplexité de savoir qu'il serait « possible de différencier une "abaya" d'une robe longue "en fonction du contexte" ». « Si une jeune fille récuse l'aspect religieux de sa robe longue, au nom de quoi et sur quoi se basera ce "contexte" ? S'agit-il de mettre en place un contrôle au faciès arbitraire ? Les critères qui seront utilisés ne risquent-ils pas de se fonder sur l'origine supposée, le nom de famille ou la couleur de peau ? », s'interrogeait le CFCM, craignant qu’on puisse « arriver à la situation ubuesque, inédite et choquante où, dans une même classe, une robe longue pourra être portée par une jeune fille car prétendument "non musulmane", et que cette même robe sera interdite à sa camarade de classe car un "certain contexte" supposerait qu'elle soit "musulmane" ».

ADM réagit devant une décision décevante et « très peu motivée »

Après le verdict, ADM s'est dite « consternée par le fait que le Conseil d’État n’ait pas rempli son rôle de protection des libertés fondamentales des enfants, pour garantir leur accès à l’éducation et le respect de leur vie privée, sans aucune forme de discrimination ». Elle a fait part de sa profonde inquiétude « des conséquences que cette décision pourrait avoir sur des jeunes filles, qui risquent de subir quotidiennement des discriminations fondées sur leur apparence ethnique et religieuse, de violence de ces interrogatoires vestimentaires, des traumatismes et du harcèlement que cela engendre, nuisant ainsi à leur accès à l’éducation et à leur réussite scolaire ».

Pour Me Vincent Brengarth, l'avocat qui a défendu le recours devant le Conseil d'Etat, la décision du juge est « très peu motivée après une audience de près de deux heures » tenue deux jours plus tôt. « Cette décision, qui se contente de faire sienne la position gouvernementale, n’est pas à la hauteur des enjeux », déplore-t-il.

*Mise à jour : Après la décision du Conseil d'Etat, le CFCM lance « un appel à la raison » ici.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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