Points de vue

Gaza : une Ligue arabe au service de l’ennemi

Rédigé par Jamal Mimouni | Mercredi 6 Aout 2014 à 06:00



Le secrétaire d'État américain John Kerry s'était rendu en Arabie Saoudite, le 5 janvier 2014, pour parler négociations de paix entre Israël et Palestine, avec les représentants de la Ligue arabe. Et donc ?... (Photo : US State Department)
Alors que l’opération « Bordure de protection » (littéralement « opération Roc inébranlable ») aura déjà duré quatre semaines d’assauts militaires et de bombardements engendrant un massacre de la population civile, comment qualifier la veulerie arabe actuelle alors que l’arsenal militaire des pays du Golfe est bien supérieur à celui d’Israël ?

Certes dans le contexte géopolitique actuel et sachant l’origine de ces armes et leurs conditions d’usage, il n’est pas réaliste que leurs armées interviennent sur le terrain ni même menacent Israël, mais il y a d’autres moyens de faire comprendre que la cause palestinienne est importante si on le voulait.

À quand une prise de position commune de la Ligue arabe ?

Il y a, par exemple, l’art d’effectuer des manœuvres militaires comme le fait si bien la Chine et le Japon, la Russie et l’OTAN en Ukraine, mais cela serait sûrement déjà trop demander.

Il y a aussi les leviers pétroliers, financiers et commerciaux comme ce fut le cas durant la guerre d’Octobre 1973, pour que l’Occident et les États-Unis en tête comprennent qu’il y a un coût à payer pour leur support passif et tacite à l’agression israélienne et sa politique raciste et expansionniste en général. Pour cela, il faudrait encore que ces régimes aient la volonté de les utiliser, et qu’ils aient à cœur la cause palestinienne au lieu d’en faire comme trop souvent un objet de propagande.

Il y aurait enfin la prise d’une position commune ferme et digne. Pas celle où le secrétaire général de la Ligue arabe enjoint le Hamas d’accepter le cessez-le-feu de la capitulation – bien que qu’il y ait toutefois la diplomatie qatarien en concert avec la Turquie, qui s’attelle à proposer une proposition de cessez-le-feu avec pour pièce significative la construction d’un port maritime à Gaza sous supervision internationale pour briser l’infâme blocus…

Exit également la position du ministre égyptien des Affaires étrangères, qui accuse le Hamas d’être responsable de toutes les victimes civiles du fait de son rejet de la médiation égyptienne, sans un mot jusqu’à présent pour condamner Israël, cela pour prétendument garder toute la « neutralité » nécessaire.

D’ailleurs, depuis ce rejet par le Hamas du cessez-le-feu de la capitulation, la presse égyptienne a entamé une campagne médiatique hystérique contre les Palestiniens de Gaza, ces bougres qui empêchent l’Égypte de redevenir aux yeux du monde cette puissance régionale qu’elle était, les traitant de tous les noms et appelant ouvertement à les punir voire appelant de leurs vœux leur annihilation. Du « Plus sioniste que moi, tu meurs ».

Du jamais vu aussi dans le degré de férocité envers un peuple « frère » dans la tourmente et envers lequel elle n’a pourtant aucune bonne raison de s’opposer si ce n’est que d’assouvir sa vengeance envers les Frères musulmans à travers les Gazaouis interposés. On ne peut s’empêcher de comparer cette vile position avec celle du président Morsi durant la précédente offensive israélienne, en 2012, qui sut arracher un cessez-le-feu assez favorable à la résistance palestinienne tout en condamnant dans les termes les plus fermes l’assaut israélien.

La politique des régimes arabes, une caricature

La vilenie égyptienne dans sa collaboration criminelle avec Israël n’est en fait qu’une caricature poussée à l’absurde de la politique des régimes arabes de ménager les pays occidentaux dans leur support à Israël et ses intérêts.

Ayant dit cela, je ne doute pas un instant que les peuples arabes, et le peuple égyptien en particulier, éprouvent une immense sympathie pour Gaza, mais, pour ce dernier, la chape de plomb de leurs médias étroitement contrôlés les empêche de voir que leur pays est associé de manière intime aux crimes commis à l’encontre des Palestiniens.

Une population enfermée dans une prison à ciel ouvert se fait massacrer au vu et au su de tous en cette année 2014 tandis que le monde des bien-pensants et de donneurs de leçons de morale s’enveloppent dans une indifférence coupable. Les monarchies arabes repues et corrompues s’engoncent, quant à elles, dans un silence impudique, tandis que les régimes arabes décadents et liberticides ergotent sur le sort de leurs « frères » et pondent des résolutions.

Pour sauver l’honneur et la conscience du monde, il y a ces gouvernements d’Amérique du Sud et ces hommes libres d’Europe et de par le monde jusqu’en Israël qui dénoncent la face hideuse du sionisme, le moteur de cette folie criminelle d’un État usurpateur et raciste. La cause du peuple palestinien serait servie par une grande chaîne de solidarité humaine s’étendant à travers les continents comme celle qui a vu le jour pour protester contre la guerre du Vietnam ou pour démanteler l’apartheid.

Cette guerre à Gaza, au-delà de la démesure entre les pertes des adversaires israéliens et l’horreur des massacres de civils palestiniens, aura, espérons-le, la « vertu » de permettre, peut-être plus que la fois précédente encore, à ce qu’une certaine décantation se fasse, et comme Dieu dit dans le Coran : « Afin que s’accomplisse la distinction entre les bons et les mauvais. »

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Jamal Mimouni est professeur au département de Physique à l'université de Constantine-1 et vice-président de l'Arab Union for Astronomy and Space Sciences.