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Société

L'islamophobie en France, une réalité dénoncée par Amnesty International

Rédigé par | Mardi 24 Avril 2012 à 12:48

           

Amnesty International se préoccupe des discriminations flagrantes dont font l'objet les musulmans en France et en Europe ces dernières années. Dans son dernier rapport publié mardi 24 avril, l'organisation internationale dénonce le manque de volonté politique des pouvoirs publics à lutter contre l'islamophobie et appelle ces derniers à combattre les préjugés plutôt que de les encourager. La publication du rapport s'inscrit en France dans un contexte électoral marqué par une forte percée de l'extrême droite, confirmée au premier tour de la présidentielle et incitant l'UMP à faire un peu plus le jeu des extrêmes pour espérer regagner l'Elysée.



Manifestation dans les rues de Genk (Belgique), en mars 2011. Environ 300 néerlandophones musulmane ont protesté contre le licenciement d’une employée d’un magasin de la chaîne allemande HEMA, renvoyée parce qu’elle portait un foulard. © 2011-StampMedia
Manifestation dans les rues de Genk (Belgique), en mars 2011. Environ 300 néerlandophones musulmane ont protesté contre le licenciement d’une employée d’un magasin de la chaîne allemande HEMA, renvoyée parce qu’elle portait un foulard. © 2011-StampMedia
« Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l'éducation et de l'emploi. » Telle est la conclusion d’Amnesty International dans son nouveau rapport « Choix et préjugés : la discrimination à l’égard des musulmans en Europe » rendu public mardi 24 avril.

Celui-ci [à télécharger plus bas] tombe à point nommé, deux jours après le premier tour de l’élection présidentielle à l’issue duquel le Front national a obtenu un score inédit dans son histoire.

L’organisation internationale y analyse les discriminations dont sont victimes les musulmans en Belgique, en Espagne, en France, aux Pays-Bas et en Suisse dans divers aspects de leur vie, notamment dans le domaine de l'emploi et de l'éducation. « Les stéréotypes liés aux pratiques religieuses et culturelles musulmanes ont entraîné l’apparition de discriminations sur le marché du travail et dans les écoles à l’égard des personnes portant des signes ou des tenues couramment associés à l’islam », fait savoir Amnesty.

Les femmes musulmanes sont les principales victimes de ces discriminations, particulièrement dès lors qu’elles portent un voile. Une analyse qui concorde avec celui du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Dans son rapport 2012, l’association a fait savoir que 94 % des cas d’islamophobie étaient dirigés contre les femmes. En outre, le CCIF enregistre une hausse de 58 % des actes anti-musulmans en 2011 par rapport à 2010.

En matière d'emploi, « certains employeurs ont pu s'affranchir de l'obligation de l'égalité de traitement en invoquant le motif que tel ou tel symbole culturel ou religieux allait déplaire aux clients ou aux autres membres du personnel, ou qu'il était incompatible avec l'image de l'entreprise ou allait à l'encontre de sa "neutralité" », déplore-t-on. La législation européenne interdisant la discrimination fondée sur la religion n'est pas correctement appliquée.

Le port du voile relève de la liberté d'expression

Alors que le port de signes et de vêtements religieux « fait partie du droit à la liberté d'expression et du droit à la liberté de religion », de nombreux pays européens, dont la France, ont prohibé le port du voile à l’école et dans l’espace public. « Toute restriction au port de symboles et vêtements culturels ou religieux à l'école doit être fondée sur une évaluation au cas par cas », a indiqué Marco Perolini d'Amnesty. « Les mesures d'interdiction totale risquent de compromettre l'accès à l'éducation des jeunes filles musulmanes et de porter atteinte à leur droit à la liberté d'expression et leur droit d'exprimer leurs convictions. »

L'interdiction totale du voile intégral, prononcée en France, en Belgique et bientôt aux Pays-Bas est évoquée dans le rapport. Oui, l'Etat doit prévenir les inégalités hommes-femmes, déclare Amnesty, mais les autorités belges, espagnoles, néerlandaises et suisses contactées « ne disposaient d’aucun chiffre concernant le nombre de femmes portant le voile intégral dans leur pays (...) et ont été incapables de déterminer dans quelle mesure les femmes étaient contraintes à porter le voile intégral ».

« Les gouvernements doivent s’abstenir d’adopter des interdictions totales et veiller à ce que toute restriction soit nécessaire et proportionnée à la réalisation d’un objectif reconnu par le droit international relatif aux droits humains », recommande Amnesty, qui « craint que, ces dernières années, les États se soient focalisés exclusivement sur le port du voile intégral, comme si cette pratique représentait l’inégalité la plus répandue et la plus manifeste que les femmes doivent affronter en Europe ».

Ce débat en a évacué bien d'autres qui pourtant préoccupent davantage les populations, à l'instar de la crise économique, dont les musulmans sont aussi victimes.

La liberté religieuse en péril

Amnesty fait aussi part de ses préoccupations sur le droit à la création de lieux de culte, qui fait l’objet de restrictions plus poussés en Suisse depuis le référendum pour l’interdiction des minarets en novembre 2009. Cette initiative « a introduit dans la loi fondamentale les stéréotypes anti-musulmans et viole les obligations internationales de l'État helvétique », déplore Amnesty.

Dans la province espagnole de Catalogne, l’insuffisance des lieux de culte musulman oblige les fidèles à prier dehors et les demandes de construction des mosquées se heurtent au refus des autorités, preuve du traitement inégalitaire des pouvoirs publics entre les religions.« Les autorités ne doivent pas refuser la création d’un nouveau lieu de culte uniquement au motif que certains habitants du quartier concerné s’y opposent », précise Amnesty.

Redéfinir une nouvelle politique antidiscriminations

Pour espérer se faire élire à nouveau, Nicolas Sarkozy, en mal dans les sondages, n'hésite désormais plus à faire un appel du pied aux électeurs du FN, parti qui a fait de l'islam son principal combat. Quant à François Hollande, toute la difficulté sera de lui imposer la lutte contre l'islamophobie comme une priorité en cas de victoire le 6 mai, alors qu'il ne s'est toujours pas exprimé sur le projet de loi « anti-nounous voilées » soutenu par les sénateurs socialistes.

Amnesty appelle les partis politiques français et européens à lutter contre les préjugés plutôt que de les encourager. « Dans de nombreux pays européens prévaut l'idée que l'on veut bien accepter l'islam et les musulmans tant qu'ils ne sont pas trop visibles. Cette attitude est à l'origine de violations des droits humains. Il faut la combattre », déclare-t-elle.

La politique de lutte contre les discriminations est à redéfinir en France et en Europe. Une politique dans laquelle le combat contre l'islamophobie, aujourd'hui marginalisé par les Etats, aura toute sa place au même titre que les autres racismes.

Pour lire le rapport, cliquez ici




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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