Religions

La mosquée de Saint-Etienne, antithèse de l'islam de France ?

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 25 Décembre 2012 à 00:00

La Grande Mosquée Mohammed-VI de Saint-Etienne, en Rhône-Alpes, est devenue officiellement la propriété du Maroc en septembre dernier. La signature d’une convention-cadre entre le ministère marocain des Affaires islamiques et l’association du centre socioculturel marocain de Saint-Etienne en charge du lieu de culte, en décembre, vient acter cette situation. Saphirnews a décortiqué une convention qui permet à la mosquée de Saint-Etienne de disposer de moyens très importants.



Larbi Marchiche, le recteur de la grande mosquée de Saint-Etienne (à gauche) et Simohammed Rifki, le représentant du miinistère des afaires islamiques marocain lors de la signature de la convention, jeudi 6 décembre 2012.
L’inauguration de la mosquée Mohammed-VI de Saint-Etienne, en juin dernier, ne s’est pas faite sans remous. Aujourd’hui, le lieu de culte qui appartient désormais au Maroc veut faire preuve de la « transparence » la plus totale, dixit Aldo Oumouden, le conseiller du recteur et chargé de communication de la mosquée.

Une convention a été signée le 6 décembre entre le ministère des Habous et des Affaires islamiques et la mosquée pour établir les lignes de ce partenariat.

L'imam venu du Maroc

Lors de l’inauguration de la mosquée Mohammed-VI, à Saint-Etienne en juin dernier, des fidèles mécontents avaient manifesté. Ils reprochaient aux responsables du lieu de culte d’avoir évincé l’imam qui y officiait depuis 17 ans. A l’époque, Larbi Marchiche, le recteur de la mosquée avait expliqué que les autorités religieuses marocaines, chargées de nommer et de rémunérer les imams de la mosquée, étaient les seuls décisionnaires. Les fidèles, qui n’étaient pas au courant, dénonçaient alors l’ingérence du Maroc et un manque de transparence dans la gestion de la mosquée.

Mais en devenant, en septembre, la propriété du Maroc, qui a contribué à hauteur de 75 % au financement de la construction de la mosquée, l’autorité du royaume chérifien sur le lieu de culte est officialisée.

Dans la convention-cadre qui régit les relations entre la mosquée et le Maroc, il est ainsi clairement indiqué que « le ministère, à la demande de l’association, met à sa disposition un imam et une prédicatrice marocains et exerçant à titre officiel ». Leur contrat est conclu pour une durée de quatre ans, allant du 1er septembre 2012 au 31 août 2016. Aujourd’hui, la situation ne change donc pas concernant la nomination des imams, si ce n’est que cela est désormais connu de tous.

Le Maroc contribue aussi au financement des frais de fonctionnement du lieu de culte « avec la mise à disposition de tous les moyens financiers (un budget annuel) et humains nécessaires, notamment : les conférenciers, les imams psalmodieurs, les prédicateurs, les prédicatrices, etc. », est-il noté dans la convention-cadre que Saphirnews a consultée.

Le financement des mosquées, un casse-tête en France

Alors que les lieux de culte musulmans en France cherchent aujourd’hui à être financés par les fidèles pour garder une totale indépendance, cette nouvelle mosquée s’érige en contre-exemple. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé, selon ses responsables. En effet, après des travaux démarrés en 2004, le chantier de la Grande Mosquée ne pouvait plus avancer faute d’argent. Larbi Marchiche, le recteur de la Grande Mosquée de Saint-Etienne, d’origine marocaine, décide alors de demander une aide au roi Mohammed VI.

La mosquée est loin d’être la première à faire le choix du financement étranger, car il est vrai que la collecte de fonds reste un casse-tête. Il existe toutefois des solutions, comme le montre l’exemple de la mosquée de Cergy (Ile-de-France), financée par les fidèles, qui a bénéficié d’un prêt bancaire à taux zéro de 2,2 millions d’euros.

A Saint-Etienne, la mosquée devra rendre des comptes au Maroc. « L’association s’engage à fournir au ministère, dans les deux mois de la clôture de chaque exercice, le compte rendu financier de chaque année fiscale de l’association » qui devra « retracer de façon fiable l’emploi des fonds alloués par le ministère pour l’exécution des obligations du budget annuel », indique la convention.

Ce n’est pas un problème pour l’association gestionnaire de la mosquée car elle souhaitait avant tout disposer d’un « financement chronique » pour permettre aux fidèles de « prier en toute tranquillité », nous expliquait dernièrement Aldo Oumouden, le conseiller du recteur.

Des imams respectueux des lois de la République

Dans un contexte où la formation des imams en France est prônée tant par les politiques que par les représentants de l’islam de France, les autorités marocaines prennent les devants pour parer aux critiques.

La convention précise que « la langue française et arabe (orale et écrite) et les capacités à dispenser des prêches théologiques bilingues à tous les fidèles, ont été déterminants » pour choisir l’imam et la prédicatrice de la mosquée. Ces personnes « se sont engagées à rester indépendantes, en France, de toute affiliation politique, économique ou sectaire et à travailler dans le respect des directives du ministère, du règlement intérieur de la mosquée et des lois de la République française », est-il également indiqué, avant d'ajouter plus loin qu'elles « doivent déployer tous les moyens pour éclairer les fidèles et leur transmettre les valeurs de tolérance et de respect des lois françaises ».

L'accord, qui prévoit une subvention de 700 000 € pour son fonctionnement, permettra à la mosquée de devenir « une des plus grandes mosquées de France dotée de moyens financiers et humains pour jouer un très grand rôle à la fois spirituel et social », fait savoir par ailleurs le recteur dans un communiqué.

La somme importante permettra ainsi, en plus de la gestion cultuelle, la mise en place d’actions sociales dans le domaine de l’orientation, de la formation et de l’aide à l’emploi : une aide bienvenue dans un pays en proie à une crise économique. Financement étranger ou 100 % français, les mosquées se transforment en effet de plus en plus en espaces sociaux.

Avec la mosquée de Saint-Etienne, le Maroc fait ainsi étalage de ses gros moyens face à l'Algérie dans leur lutte ouverte pour la gestion du culte musulman dans l'Hexagone, via notamment le Conseil français du culte musulman (CFCM) aujourd'hui en panne sèche.