Points de vue

Diam's voilée, une âme vivante

Rédigé par | Mercredi 14 Juillet 2010 à 00:59



Il faut un grain de folie pour devenir musulman aujourd'hui en France. Et quand on est « la boss » de la planète rap, il faut plus que de la folie. La Boulette l'a fait. Comme elle ne dit pas que « na », mais « na, na », Diam's a pris le hijab. Cela ressemble à une tentative de suicide, mais non ! Diam's a seulement retrouvé Mélanie, n'en déplaise au Front national.

Le Front national veut interdire une prestation de Diam's, le 15 juillet, au festival de Solliès-Pont (Var). Étrange de la part d'un parti politique qui se plaint d'être muselé. En réalité, le rap étant sorti des bas quartiers pour s'imposer comme un art apprécié, son message fait peur à certains.

Certes, les rigoristes disent que « Diam's fait dans la variet », parce qu'elle vise plus large que le public des clashs de banlieue, qu'elle n'est ni noire, ni arabe et qu'elle est une « meuf »... Bref. Diam's a surtout des idées et du talent pour nous amuser à dire « Je t'emmerde » à ceux qui croient que « ce pays c'est de petits blonds dans une chorale ».

Avec « Marine », elle a signé au cutter dans la chair du FHaine. Quand Sarkozy débauche Doc Gynéco, Ségolène Royal s'encanaille avec Diam's dans un discours de campagne présidentielle. Ce populisme primaire ne nous trompe pas, il nous renseigne cependant sur la stature de l'artiste, à côté des disques d'or et du compte en banque.

Parce que du flouze, Diam's en a gagné ; « au point d'avoir au poignet la même Rolex que Nicolas ». Elle en a dépensé aussi pour se payer ce qu'aucun thérapeute ne peut promettre. Dans le tunnel de la mort, la petite banlieusarde, Mélanie, s'est réconciliée avec Diam's la star. L'islam, c'est ça aussi.

Une certaine tradition musulmane décrit « les âmes mortes, les âmes malades et les âmes vivantes ». Les âmes mortes sont endormies dans un monde accidenté, une éthique matérialiste. Vivre, survivre et vivre encore pour plus de plaisir, plus de désir, encore et encore, tel est leur but ! Comme les chiens et les chats, ces âmes endormies sont des entités génétiques plus que des entités spirituelles.

L'âme malade est dans la dichotomie : le bien contre le mal. Nous contre eux. Elle a foi en la loi, la règle et c'est tout. À la morale de son propre groupe elle réduit l'éthique humaine. Capable de transcender le matérialisme en chevauchant la rationalité, l'âme malade oscille entre le plaisir et la joie sans atteindre la paix, le bonheur. « La vie est un combat », dit-elle en préparant la guerre.

Une âme vivante est dans la quête de l'Amour. Amour de soi, amour de l'autre. Elle dépasse l'unité arithmétique pour toucher l'unité absolue. Moi, toi, nous, eux… tout est Un. Utopie, disent les malades. Illusion, disent les dormeurs. Ils ne peuvent comprendre. « L'essentiel est de ne pas comprendre », dit le maître Rûmi. Ainsi, sa vie durant, l'âme vivante est en quête d'harmonie, de plénitude.

Diam's est vivante. C'est l'essentiel, je crois. Elle porte un voile. Un détail, un droit, un choix. Fadela Amara trouve que Diam's « devient un vrai danger pour les jeunes filles des quartiers, parce qu'elle donne une image de la femme qui est négative ». Joli compliment de la part d'une comique du PS, promue bouffonne du sarkozisme. Comme Marine, Fadela aura son couplet. C'est ça, le rap aussi.

Agiter sa foi musulmane, pour disqualifier un citoyen, voilà une tradition française. De Philippe Grenier à Diam's, en passant par Roger Garaudy, Jamel Bourras, Akhenaton, Abdel Malik, Sophie Guillemin et tant d'autres, cette escroquerie intellectuelle fait encore recette.

Diam's est la « poucave » si on veut. Elle est « la rebelle infernale » aussi. Mais elle ne compte pas se la fermer sous prétexte qu'elle est musulmane. Ce 15 juillet, à Solliès-Pont, Diam's est maintenue au programme du festival. Et c'est ça, la France aussi.




Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de… En savoir plus sur cet auteur