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Religions

L’éminent traducteur du Coran Maurice Gloton est mort

Rédigé par Hanan Ben Rhouma et Huê Trinh Nguyên | Dimanche 29 Janvier 2017 à 22:00

           


L’éminent traducteur du Coran Maurice Gloton est mort
Info Saphirnews. Maurice Gloton est décédé samedi 28 janvier à l’âge de 90 ans, ont annoncé ses proches ce dimanche. Né à Paris en 1926, Maurice Gloton se convertit à l’islam en 1950, prenant le prénom d’Obaidallah après son entrée dans l’islam.

Parallèlement à une vie active dans diverses entreprises, notamment en tant qu’expert comptable après des études supérieures en gestion des entreprises, Maurice Gloton entreprit de nombreux voyages dans le monde musulman et approfondit ses connaissances de la langue arabe jusqu’à en devenir un fin spécialiste. Il consacra sa vie à des traductions d’œuvres de théologiens et de grandes figures du soufisme.

« Il a découvert l’œuvre de René Guénon à travers une famille spirituelle que fréquentaient Michel Vâlsan (Mustafâ 'Abd al-Azîz), Michel Chodkiewicz, ancien directeur général des éditions du Seuil, ou encore Denis Gril », évoque Mansour Mansour, directeur des éditions AlBouraq, qui a publié la plupart de ses ouvrages.

L’éminent traducteur du Coran Maurice Gloton est mort

Ses traductions, un immense legs en héritage

Maurice Gloton traduit ainsi des ouvrages tels que Les Secrets du jeûne et du pèlerinage, d’Al-Ghazâlî (2001) et le Traité sur les Noms divins, du théologien iranien Fakhr ad-Din ar-Râzî (AlBouraq, rééd. 2010). Admirateur d’Ibn Arabî, il entreprit aussi la traduction de plusieurs de ses ouvrages, parmi lesquels L’Arbre du monde. Traité sur la réalité du Prophète Muhammad ; Traité de l’amour, L’Interprète des désirs ; Le Livre de la production des cercles et De la mort à la résurrection.

Sa plus grande œuvre inédite est certainement Une approche du Coran par la grammaire et le lexique, parue en 2002, qui lui a demandé « six à sept ans de travail » suivis « de trois ans à travailler ensemble », se souvient Mansour Mansour.

Cet ouvrage de 872 pages, d’un abord sans doute difficile pour le néophyte, permet de se plonger « au niveau le plus primitif du texte coranique, le degré linguistique. (...) Et surgissent alors des sens nouveaux, insoupçonnés parfois, dans une singulière fraicheur », dit de cet ouvrage Pierre Lory, directeur d’études à l’Ecole pratiques des hautes études, dans son avant-propos.

L’éminent traducteur du Coran Maurice Gloton est mort

Devenu spécialiste du Coran

S’ensuit son Essai de traduction du Coran en français, paru en 2014. Là encore un ouvrage réalisé après plusieurs années de travail, dans lequel Maurice Gloton a voulu rester « proche de l’étymologie des termes coraniques et du style de la révélation du Livre sacré par Dieu au Prophète Muhammad, tout en employant un vocabulaire évocateur, et en respectant les phrases verbales et nominales telles qu’elles se présentent dans le Texte » afin d’apporter un éclairage nouveau sur le Texte coranique, faisaient alors part les éditions AlBouraq.

« De spécialiste des travaux d’Ibn Arabî, il est devenu spécialiste du Coran. Il s’est rendu compte à quel point le Coran est un océan, et combien le Coran a à transmettre aux autres », relate, très ému, Mansour Mansour. Maurice Gloton a ainsi initié la collection « Ce que dit le Coran sur... » (éd. AlBouraq) avec son ouvrage La foi ou le dépôt confié et son actualisation, paru dernièrement en décembre 2016. « Au lieu de traduire "al-imân" par "la foi", il a préféré les termes de "dépôt confié" : il avait le souci de remonter à la racine, de transmettre le principe même de l’islam et non de s’attacher au sens littéraire du mot. Il préparait actuellement un ouvrage sur l’écologie dans le Coran... »

Habitant Vénissieux, cette figure discrète de l’islam de France est un « prince de la traduction, du français à l'arabe », selon Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbane, en région lyonnaise, qui lui a rendu hommage dimanche 29 janvier. « Il aimait traduire les œuvres de l’imam Al Ghazâlî et Ibn Arabî dont il était devenu sans aucun doute le plus grand spécialiste en France. C’est d’ailleurs grâce à sa connaissance de ces deux grandes figures de l’islam que M. Gloton était devenu cet homme de Dieu, imbibé de Sa présence, d'une exceptionnelle humilité et d'une profonde générosité du cœur et de l'esprit », a-t-il fait savoir.

L’éminent traducteur du Coran Maurice Gloton est mort

Dans la lignée de l’ésotérisme islamique

« Maurice Gloton est dans la lignée d’une famille qui a fait le choix de la spiritualité », complète Slimane Rezki, spécialiste de René Guénon. « Il est le fils d’Edmond Gloton (1895-1962), qui fut franc-maçon et entretint une correspondance avec René Guénon (Abd al-Wâhid Yahyâ). Sa fille est mariée à Philippe de Vos, représentant français de la voie soufie naqshbandiyya, et il est le grand-père d’Idrîs de Vos ». Ce dernier est auteur, notamment, de L’Amour universel, un cheminement soufi, traducteur de Le soufisme à la lumière du Coran et de la Sunna. et cofondateur avec Eric Geoffroy et Slimane Rezki de la Fondation Conscience soufie.

« Maurice Gloton fait partie de ces intellectuels musulmans qui, en transmettant l’œuvre de René Guénon ou encore celle d’Ibn Arabî, ont livré les premières vraies traductions de qualité sur l’ésotérisme islamique. Il a fait œuvre de pionnier », estime Slimane Rezki. « Pour rendre hommage à celui qui a initié beaucoup de personnes à la spiritualité, j'aimerais voir une mosquée de l'agglomération lyonnaise porter le nom de ce grand frère », souhaite Azzedine Gaci. Des quelque 30 ans d’amitié, Mansour Mansour, pour sa part, garde en souvenir « la douceur d’un père, la patience d’un guide et la grande humilité d’un maître ».





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