Religions

Une mosquée pour gays et transsexuels musulmans en France

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 6 Novembre 2012 à 20:25

Ludovic-Mohamed Zahed refait parler de lui. Le président fondateur de l’association Homosexuels musulmans de France (HM2F) avait créé la polémique en s’unissant religieusement avec un autre homme musulman en mars dernier. Aujourd’hui, il annonce l'ouverture, fin novembre, d'une mosquée « inclusive » en Île-de-France, permettant aux gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels de prier dans un lieu sûr et de se marier. Réel besoin pour HM2F, son initiative s'apparente surtout à nouvelle provocation pour une majorité de musulmans. Ludovic-Mohamed Zahed s’en explique à Saphirnews.



Ludovic-Mohamed Zahed, le président de HM2F (Homosexuels musulmans de France), souhaite créer une mosquée ouverte aux gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels.
Ludovic-Mohamed Zahed ne comprend pas tout l’étonnement que sa proposition suscite. Pourtant, elle est bien loin d’être banale pour les musulmans pratiquants. En effet, le fondateur de l’association Homosexuels musulmans de France (HM2F) a annoncé, lundi 5 novembre, l’ouverture d’un lieu de culte musulman « inclusif », ouvert aux « homosexuels, lesbiennes, bisexuels et transsexuels » et qui permettra de « marier religieusement des couples du même sexe ».

Dans un premier temps, c'est un dojo bouddhiste zen de la banlieue Est de Paris qui hébergera le culte du vendredi, mais le président de H2MF est actuellement à la recherche active d'un lieu de culte sûr, qui aura pour vocation première d’accueillir les fidèles de son association « au moins une fois par semaine » lors de la prière du vendredi.

Un lieu de prière sûr pour les homosexuels

L’idée d’ouvrir un espace de prière aux homosexuels de confession musulmane a émergé « depuis longtemps », nous indique Ludovic-Mohamed Zahed. « On fait déjà la prière à la Grande Mosquée de Paris avec un petit groupe », explique-t-il. Aujourd’hui, il souhaite aller plus loin avec une mosquée dédiée à « l’accueil des personnes homosexuelles ». « Il y a un besoin », assure M. Zahed.

« Je me suis toujours senti à l’aise dans les mosquées mais d’autres n’ont pas envie ou ont peur d’aller dans les mosquées traditionnelles », justifie-t-il, en donnant pour exemple « des femmes qui n’ont pas envie de se voiler en priant » ou des transsexuels qui passent difficilement inaperçus. « Il ne s’agit pas de changer l’islam mais il s'agit de créer un espace sûr pour les personnes qui ne sont pas incluses dans d’autres mosquées », ajoute le président de HM2F.

Pourtant, mélanger les hommes et les femmes lors de la prière, permettre aux femmes d’être imams et de ne pas se voiler lors de la prière, comme il sera possible dans ce lieu de culte selon HM2F, marque un profond changement des règles islamiques. Plus encore quand il s'agit de reconnaître l'homosexualité et le mariage entre personnes du même sexe.

Sur les 325 membres de HM2F, 10 % sont musulmans pratiquants, estime son président. Autant de personnes sensibles à cette conception de l’islam. Mais « il n’y a pas que des gens de HM2F dans ce projet », note-t-il. Un groupe sur Facebook d’une centaine d’internautes serait prêt à se mobiliser pour cette mosquée. Certains « sont très motivés », assure M. Zahed. Pour preuve, ce sont les propres fidèles qui vont s’organiser entre eux pour faire les sermons du vendredi.

Trois personnes, dans une démarche personnelle, suivent actuellement une formation à Paris pour devenir imam et prêter main forte à celui qui officie déjà au sein de l’association HM2F. Ensuite, les personnes qui officieront seront élues « probablement pour un mandat de trois ans », précise M. Zahed.

« L’homosexualité n’est pas un choix »

Ce projet verra le jour sans soutien des instances religieuses du pays et devrait sans tarder provoquer des remous au sein de la communauté musulmane. L’existence même d’une association d’homosexuels musulmans paraît même impensable pour beaucoup de musulmans.

Le mariage dit religieux de Ludovic-Mohamed Zahed avec son compagnon sud-africain Qiyaam avait d’ailleurs suscité les critiques les plus virulentes. Alors, le président de HM2F chercherait-t-il la provocation ? Pas du tout, avance-t-il. Mais, selon lui, l'existence de son association est nécessaire pour « montrer la souffrance » des homosexuels musulmans et ainsi y mettre fin.

Face aux nombreuses critiques auxquelles il doit faire face, il assure qu'« une fois qu’on explique notre démarche, ça désamorce » et le dialogue est plus facile. Mais sans accepter l’idée de l’homosexualité en islam, la plupart des musulmans ont maintenant compris que « l’homosexualité n’est pas un choix », juge-t-il également.

Ludovic-Mohamed Zahed demande maintenant à la communauté d’accepter « une représentation de la diversité de l’islam ».

L’homosexualité non conforme à la jurisprudence musulmane

Certes, l’islam est divers et varié mais, comme dans les religions catholique et juive, l’homosexualité n’est pas prête d’être approuvée.

Les savants musulmans sont unanimes à ce propos. Il ressort des textes coraniques et traditions prophétiques que « le mariage, selon la religion musulmane, est un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d'établir une union légale et durable (Coran, s. 4, v. 21), entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux. De ce fait, la non-conformité du "mariage homosexuel" avec les principes de la jurisprudence musulmane fait l’unanimité au sein de toutes les écoles juridiques musulmanes », argumente ainsi Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) dans une récente tribune publiée sur Saphirnews en réponse au projet de loi sur le mariage homosexuel qui sera présenté mercredi 7 novembre au Conseil des ministres.

Pour l’heure, HM2F et ses sympathisants poursuivent leur chemin dans l'islam, « étape par étape », et l’association accueillera dans ses locaux parisiens une conférence de la Confédération des associations d’homosexuels européens et musulmans (CALEM) le 17 novembre. Pour l’occasion, la femme imam de la mosquée inclusive de Los Angeles fera le déplacement. Aux Etats-Unis comme au Canada, ce type de lieu existe déjà.

Avant de trouver place au cœur de la capitale, fin novembre, le lieu de culte de HM2F prendra place dans un dojo bouddhiste zen de la banlieue parisienne. Mais son lieu exact reste tenu « secret » dans un souci de sécurité.